Insolite : est-il vraiment possible de sauver des espèces grâce à leurs excréments ?

Le projet "The Poo Zoo" a pour but de sauver certaines espèces menacées en utilisant leurs excréments, une méthode insolite mais efficace.

Déjection
Il est possible d'obtenir des cellules à partir des excréments des animaux, même si il est important de bien nettoyer la bile et les bactéries au préalable

Une équipe de scientifiques menant un projet nommé « The Poo Zoo » étudie le fait d'utiliser des excréments dans le but d'effectuer un sauvetage génétique de certaines espèces menacées d'extinction.

Transformer des déjections en progéniture ?

L'idée peut paraître saugrenue, mais elle est pourtant au centre du projet « The Poo Zoo », dirigé par de nombreux chercheurs issus notamment de l'Université d'Oxford. Les excréments ne contiennent en effet pas seulement une grande quantité de bile et de bactéries, mais également des cellules issues de la paroi de leurs intestins.

Or, c'est justement ces cellules qui intéressent les scientifiques, ceux-ci comptant les utiliser pour renforcer la diversité génétique d'espèces menacées d'extinction. Le projet consiste effectivement à réaliser un véritable sauvetage génétique des espèces les plus vulnérables, et ce grâce à plusieurs techniques.

La première repose sur l'analyse de l'ADN extrait de ces cellules retrouvées dans des déjections encore « fraîches », analyse qui permet ensuite aux chercheurs de comprendre les variations génétiques de différentes populations afin d'orienter les efforts de conservation.

La seconde technique repose quant à elle sur la « création » d'animaux à en utilisant des technologies de reproduction telles que le clonage. Pour se faire, il suffirait « simplement » d'injecter le noyau d'une des cellules récoltées dans un ovule donneur, puis l'embryon résultant serait ensuite implanté dans une mère porteuse afin de créer un jumeau génétique de l'animal à l'origine des excréments.

Les chercheurs de The Poo Zoo avancent également qu'il serait possible d'obtenir des embryons via la fécondation in vitro. En effet, il serait possible de transformer les cellules en spermatozoïdes et en ovules, ce qui permettrait ainsi de créer une descendance unique et non un clone tout en évitant également le besoin de réunir un mâle et une femelle de chaque espèce.

Pourquoi de telles recherches ?

Cloner des animaux ou obtenir des cellules reproductrices à partir de leurs excréments peut sembler très insolite, pourtant ces techniques de « biohacking » sont plus que prometteuses et ont même déjà fait leurs preuves, étant déjà expérimentées par plusieurs organisations.

Grâce à celles-ci, l'équipe de chercheurs a déjà pu réaliser des avancées très encourageantes et même participer au sauvetage génétique du rhinocéros blanc du Nord, une espèce classée en danger critique d'extinction par l'UICN en 2020 , en produisant notamment un grand nombre d'ovules à partir de tissus ovariens.

Cette méthode a en plus l'avantage d'être non invasive contrairement à celles déjà en vigueur, celle-ci ne nécessite en effet aucune capture d'animaux, captures qui font encourir des risques non négligeables à des espèces déjà menacées.

Néanmoins, sauver une espèce menacée grâce à ses excréments n'est pas une mince à faire. En effet, de nombreux défis se dressent devant les scientifiques pour mener à bien leur projet. D'une part, la quantité de déjections à traiter est particulièrement importante et d'autre part, l'obtention de cellules saines à partir de ces excréments est loin d'être aisée, les cellules devant être débarrassées d'une immense quantité de bactéries en étant diluées avant de pouvoir les cultiver.

Dans tous les cas, même si les résultats sont pour le moments prometteurs, ces techniques de biohacking sont loin de faire l'unanimité. Certains scientifiques extérieurs au projet jugent qu'il vaudrait mieux prévenir que guérir, autrement dit qu'il serait nécessaire de se concentrer sur les causes du déclin de la biodiversité et d'accentuer les efforts de conservation à grande échelle plutôt que de « créer » de nouveaux animaux, que ce soit à partir de leurs excréments ou grâce à des méthodes plus « classiques ».

Référence de l'article :

Des chercheurs conçoivent des embryons à partir d'excréments pour préserver les espèces menacées, Geo (09/05/2025), Adélie Clouet d'Orval