L'hiver européen 2025-2026 peut-il basculer sous l'effet de La Niña et d'un vortex polaire affaibli ? Les prévisions.

Dans le Pacifique équatorial, La Niña poursuit sa course. Pour bien comprendre, La Niña correspond à la phase froide du cycle El Niño–Southern Oscillation (ENSO). Ce phénomène naturel se traduit par un refroidissement des eaux de surface du Pacifique tropical, qui intervient de manière irrégulière tous les 2 à 7 ans.

La Niña : moteur discret qui remodèle l’hiver ?

Cette année, les modèles montrent une La Niña faible à modérée, avec une anomalie de surface persistante qui devrait durer tout l’hiver avant de disparaître au printemps. En Amérique du Nord, ce schéma favorise un dôme de hautes pressions dans le Pacifique Nord et un creux dépressionnaire au-dessus du Canada, canalisant l’air polaire vers le sud et l’est.

Cette variation influence la circulation atmosphérique globale et la trajectoire du jet-stream, cette autoroute des vents d’altitude qui guide les masses d’air chaud et froid, et peut ainsi modifier le climat hivernal jusqu’en Europe.

Pour l’Europe, l’effet est plus subtil mais réel : il accentue la variabilité hivernale, avec une alternance de périodes douces et de courtes incursions froides. La Niña prépare donc le terrain pour un hiver contrasté, où des surprises et fluctuations seront à prévoir.

La pièce maîtresse du puzzle hivernal : un vortex polaire affaibli

On peut imaginer le vortex polaire comme un vaste tourbillon de vent qui tourne autour de l'Arctique, depuis le sol jusqu'à la stratosphère. Lorsqu'il est fort, il maintient généralement l'air glacial près du pôle. Mais lorsqu'il s'affaiblit ou se désorganise, le jet stream devient plus ondulé et peut laisser descendre des masses d'air arctique vers l’Europe ou l’Amérique du Nord, ce qui augmente le risque de vagues de froid marquées et soudaines.

Cette fin novembre, un réchauffement soudain de la stratosphère (Sudden Stratospheric Warming, SSW) risque de déformer et d’affaiblir le vortex. L’air chaud stratosphérique comprime le tourbillon, ralentissant ses vents et favorisant une instabilité qui peut libérer le froid polaire vers les latitudes tempérées. Ces épisodes précoces sont rares, observés seulement trois fois depuis 70 ans.

Leur effet historique montre que l’Amérique du Nord connaît alors un refroidissement notable, et l’Europe un rafraîchissement plus modéré mais tangible. L’affaissement du vortex constitue donc l’élément clé susceptible de transformer un hiver européen attendu plutôt doux en épisodes hivernaux plus rigoureux et neigeux.

Décembre : un début d'hiver plus froid que prévu ?

Les nouvelles projections déjouent les premières tendances douces pour décembre. L’Europe semble se diriger vers un mois plus frais que la moyenne, sous l’effet combiné de la fragilisation du vortex et d’un flux plus continental réactivé. Les masses d’air froid pourraient descendre plus fréquemment depuis la Scandinavie et la Russie, apportant une atmosphère hivernale plus soutenue sur une grande partie du continent. Les épisodes neigeux pourraient être significatifs dans certaines régions, soutenus par des précipitations régulières associées à ces flux polaires.

Dans les massifs alpins et pyrénéens, ce début d’hiver pourrait assurer un enneigement précoce et durable, prometteur pour les sports d’hiver. En plaine, les conditions seraient plus contrastées, mais l’ambiance générale s’annoncerait plus froide que ces dernières années, où les débuts d’hiver ont souvent été anormalement doux.

Ce scénario correspond parfaitement aux effets attendus d’un vortex polaire fragilisé : le froid arctique circule plus facilement vers le sud, offrant un aperçu concret des épisodes hivernaux que La Niña rend possibles.

Janvier et février : un retour probable à la douceur

À partir de janvier, la dynamique atmosphérique devrait se rééquilibrer progressivement. Les hautes pressions pourraient dominer une grande partie du mois, installant un temps plus calme, plus sec et généralement plus doux sur l’Europe occidentale. Les incursions froides deviendraient alors plus difficiles, même si quelques flux continentaux ponctuels restent possibles. Ce scénario correspond aux hivers typiques en phase La Niña, où les coups de froid initiaux sont suivis d’une tendance plus douce.

En février, l’incertitude augmente et les modèles hésitent entre redoux progressif et possibles résurgences froides, plus brèves et ponctuelles. Aucune tendance durable au froid ne se dégage clairement. Ce mois pourrait alterner des phases calmes et anticycloniques avec des passages perturbés rapides. Dans l’ensemble, le scénario reste dominé par une douceur modérée et des conditions variables, typiques d’un hiver européen influencé par La Niña et un vortex polaire temporairement instable.

Et la France dans tout ça ?

En France, les prévisions saisonnières dessinent un tableau nuancé. Décembre s’annonce légèrement plus doux que la normale, avec des anomalies de +0,5 à +1 °C. Le flux dominant restera océanique, apportant douceur et perturbations modérées. Quelques descentes polaires ponctuelles sont possibles, mais elles devraient rester brèves et localisées. Les précipitations devraient être proches des normales, parfois légèrement déficitaires au nord et à l’est, tandis que les massifs montagneux profiteraient d’un enneigement régulier.

Janvier pourrait voir un flux d’ouest plus actif, favorisant les perturbations fréquentes et des épisodes neigeux soutenus sur les reliefs, même si la neige en plaine resterait rare et brève. La douceur prédomine néanmoins, avec un excédent thermique moyen de +0,5 à +1 °C.

En février, les températures se rapprochent des normales, mais quelques incursions froides plus marquées restent possibles, surtout si des courants perturbant le vortex polaire se matérialisent.

Références de l'article

Flis, A. (2025, 18 novembre). Winter 2025/2026 Final Outlook: A colder season than expected is developing, brought down by the Polar Vortex and La Niña. Severe Weather Europe.

Crepet, R. (2025, 25 novembre). Prévisions saisonnières pour l’hiver en France : douceur dominante, quelques épisodes froids possibles. La Chaîne Météo.