Non, une "mini-tornade", ça n'existe pas en météorologie !

Après les tornades dévastatrices ayant parcouru certaines communes des Hauts-de-France ce dimanche, remettons les pendules à l'heure : non, le terme "mini-tornade" utilisé à tort et à travers par certains médias n'existe pas en météorologie. Séquence explications.

Tornade illustration
L'intensité d'une tornade, selon l'échelle de Fujita améliorée, se mesure sur la base des dégâts observés, renvoyant à des valeurs de vent estimées.

Des dégâts dans un couloir d'au moins 20 km de long, sur une largeur moyenne de 200 mètres, le village de Bihucourt dévasté (un tiers des maisons inhabitables) et des images aériennes impressionnantes : la tornade ayant durement frappé le Pas-de-Calais (et quelques communes du Nord) ce dimanche laisse derrière elle des cicatrices terribles.

D'autres phénomènes tourbillonnaires ont également touché la Somme et l'Eure quelques minutes plus tôt. Juste après ces événements, de nombreux médias se sont précipités à tort pour les nommer "mini-tornades", négligeant à la fois l'inexistence météorologique de ce terme, et le travail d'enquête nécessaire pour décrypter ces phénomènes rares et localisés.

L'échelle de Fujita améliorée

La tornade est un tourbillon de vents violents se développant sous la base d'un cumulonimbus (un nuage d'orage) et se prolongeant jusqu'à toucher le sol. L'entonnoir qui touche le sol est alors visible grâce aux gouttelettes de condensation qui le composent. Les tornades les plus dévastatrices se forment sous les supercellules orageuses, où l'instabilité est très forte (souvent à cause d'un conflit de masses d'air), et le cisaillement important (c'est-à-dire lorsque les vents sont très changeants en altitude).

Depuis 2007, l'échelle de Fujita améliorée classe les tornades selon leur force, de EF0 à EF5. L'échelle prend en compte la description des dégâts occasionnés par la tornade, le tout correspondant à une valeur estimée de vents. Ainsi, selon Keraunos, la tornade de Bihucourt était sans doute une tornade de force EF3 : des dommages sévères (toitures éventrées, bâtiments légers soufflés, arbres écorcés..) et des vents estimés entre 219 et 266 km/h.

La notion de "mini-tornade" est donc doublement fausse. Premièrement, elle n'existe pas scientifiquement : on pourrait à la limite évoquer des "petites" tornades, ou des tornades de faible intensité pour celles classées EF0. Deuxièmement, vu les dégâts occasionnés par celle de Bihucourt, la violence (filmée) de l'épisode et la largeur (photographiée) du phénomène, parler d'un "mini" épisode revient à relativiser ses dommages. Double faute, donc.

L'enquête de terrain, essentielle

Alors pourquoi l'utilisation de ce terme à tort et à travers ? Peut-être parce que la météorologie regorge d'événements venteux extrêmes dont les dégâts s'apparentent à ceux d'une tornade, et parce que dans l'imaginaire collectif, les tornades, les "vraies", n'existent qu'aux Etats-Unis.

Et pourtant, notre pays n'est pas épargné par le risque de tornade. On recense en moyenne chaque année 40 à 50 tornades en France, essentiellement de faible intensité (EF0 ou EF1) mais pas pour autant "mini". Les régions les plus exposées sont la Normandie et les Hauts-de-France. Les littoraux sont, eux, exposés au risque de trombe marine (une tornade en mer, en quelque sorte).

Plus exceptionnelles sont les tornades violentes, de force EF5 : 59 recensées dans toute l'histoire des Etats-Unis, seulement 2 en France (la dernière à Palluel, dans le Pas-de-Calais, le 24 juin 1967). C'est l'enquête de terrain qui est essentielle pour déterminer l'intensité d'une tornade, basée à la fois sur les observations, sur les images (photos, vidéos, réseaux sociaux) et sur la cartographie.

Une enquête plus que nécessaire pour éliminer d'emblée les autres phénomènes venteux extrêmes pouvant faire des dégâts sous certaines cellules orageuses : les microrafales, les macrorafales, les rafales descendantes, le front de rafales ou encore le derecho (comme en Corse l'été dernier). Si sur le terrain, les dégâts ressemblent à ceux d'une tornade, scientifiquement, ce n'en est pas une, et encore moins une "mini".

Quelques conseils

Journalistes, agences de presse, préfectures, élus : quels sont les bons termes à utiliser dans de telles circonstances ? Répétons-le, le terme "mini-tornade" est à bannir, cela n'existe pas.

Phénomènes venteux, vents violents, phénomènes tourbillonnaires, violentes rafales : voilà des termes plus ou moins acceptables selon la situation, et pouvant être utilisés en attendant la qualification en tornade (s'il s'agit bien d'une tornade, observations de terrain faisant foi).

Lorsque la tornade est confirmée, c'est sa force sur l'échelle de Fujita améliorée qui permettra de la qualifier. Quant aux rafales de vent mentionnées dans certains reportages, notez qu'il s'agit souvent de mesures effectuées par des stations météo parfois éloignées de la tornade. Il faut dans ce cas se fier aux rafales estimées par l'échelle de Fujita améliorée.

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