L'effondrement de l'AMOC va-t-elle faire osciller l'Europe entre gel arctique et canicule extrême ?

Froid polaire, canicule à répétition : l’Europe risque de vivre un climat chaotique si l’AMOC s’effondre. Une étude alerte, voici pourquoi c'est grave.

Un basculement de la circulation océanique AMOC pourrait plonger l'Europe dans un scénario inquiétant.
Un basculement de la circulation océanique AMOC pourrait plonger l'Europe dans un scénario inquiétant.

Il y a, dans les entrailles de l’océan Atlantique, une gigantesque machinerie invisible à l’œil nu mais vitale : l’AMOC, pour Atlantic Meridional Overturning Circulation. C’est un système de courants marins, transportant les eaux chaudes des tropiques vers l’Atlantique Nord, régulant ainsi particulièrement le climat de l’Europe. Le Gulf Stream, célèbre courant de surface, n’en est qu’un segment.

Un géant fragilisé

Selon la nouvelle étude parue dans Geophysical Research Letters, le risque d’un effondrement de l’AMOC, c’est-à-dire, d'un arrêt ou d'un basculement brutal de ce courant, devient de plus en plus plausible. Sous l’effet du réchauffement climatique, la fonte des glaces du Groenland et l’apport d’eau douce menacent son équilibre, car ces eaux freinent la descente des eaux salées froides, son principal moteur.

Ce danger n’est pas nouveau. Certaines projections évoquent un risque d'ici 2030, tandis que d'autres tablent sur plusieurs siècles.

Cependant, les dernières modélisations climatiques soulignent qu’un affaiblissement de l’AMOC, combiné à un réchauffement de +2 °C (scénario RCP4.5), pourrait déjà suffire à transformer radicalement le climat européen.

Le scénerio "freezer-frying pan"

L’Europe du Nord et de l’Ouest, pourtant au cœur du réchauffement global, deviendrait la région la plus froide d’un monde plus chaud, et pourrait donc vivre un retour vers les hivers du début du XXe siècle… en pire. Les températures plongeraient de plusieurs dizaines de degrés. En cas d'effondrement total, les chercheurs ont modélisé des extrêmes allant jusqu’à −48 °C à Oslo, −19 °C à Londres, −18 °C à Paris.

Et à De Bilt, on passerait de 12 jours de gel par an à plus de 150, voire 186 jours certaines années. Cela reviendrait à vivre un hiver glacial pendant plus de six mois… aux Pays-Bas. Des canaux figés, des toits givrés, des maisons conçues pour des hivers doux mises à l’épreuve d’un froid sibérien.

Mais attention : ce refroidissement hivernal n’annulerait pas les effets du réchauffement global. En été, les canicules persisteraient, avec des pics possibles à plus de 40 °C à Paris.

Des plages anglaises bordées de banquise en février. Des vignobles français cuits à 43°C en août. Voilà ce que pourrait devenir l’Europe. On parle alors d’un continent qui passerait littéralement du congélateur à la poêle, selon les conditions de saison.

Rôle clé de la banquise et des tempêtes

L’un des mécanismes-clés identifiés par les chercheurs réside dans l’expansion de la banquise hivernale en Atlantique Nord. Si l’AMOC s’effondre, la mer gèle jusqu’aux côtes britanniques et scandinaves. Cette glace blanche réfléchit davantage la lumière solaire (effet albédo), ce qui accentue le refroidissement local.

De plus, la différence de température entre l’océan et l’air accentue les tempêtes hivernales. Le courant-jet (jet stream) se renforce, apportant des contrastes de température violents. L’Europe subirait ainsi des variations climatiques chaotiques, de jour en jour, avec une intensification des événements extrêmes.

Quels risques pour nos sociétés ?

Les conséquences ne seraient pas seulement climatiques. Elles toucheraient l’agriculture, les réseaux énergétiques, les transports et la santé publique. Un froid extrême rendrait nos bâtiments actuels obsolètes.

Nos infrastructures ne sont pas pensées pour un climat extrême. Or, la perspective de températures à –30 °C à Aberdeen (Écosse), ou de canicules continues en été, poserait de sérieux défis de résilience.

Les auteurs restent prudents : toutes les modélisations comportent des incertitudes. Mais leur message est clair : un affaiblissement de l’AMOC est une très mauvaise nouvelle, quelle que soit son échéance.

Toutefois, ce n’est pas la date qui importe, mais la direction. Un affaiblissement de l’AMOC signerait une rupture brutale avec notre climat actuel. L’heure n’est pas à l’attente : c’est maintenant que se joue notre capacité à éviter les scénarios les plus déstabilisants. Il faut tout faire pour renforcer notre préparation aux chocs climatiques et réduire massivement, en même temps, nos émissions.

Source de l'article

van Westen, R. M., & Baatsen, M. L. J.(2025). European temperature extremes under different AMOC scenarios in the community Earth system model.Geophysical Research Letters, 52,e2025GL114611. https://doi.org/10.1029/2025GL114611