Sauvons les ruches de l'île de Beauté : pourquoi le miel corse est-il menacé de disparition ?
Les apiculteurs corses subissent en ce moment une baisse de leurs récoltes de miel AOP. Le responsable, c'est le changement climatique, qui fragilise énormément l'écosystème. Comment les abeilles peuvent-elles s'adapter ?

Dans le maquis corse, une mosaïque de fleurs, parmi lesquelles bruyères blanches et immortelles, fournit aux abeilles de quoi butiner entre le printemps et l'automne. Mais avec le changement climatique, l'écosystème est fragilisé et les apiculteurs constatent une diminution de la période de miellées, lorsque le nectar est produit par les fleurs ou sécrété par certains insectes.
Une récolte menacée ?
Selon certains apiculteurs rencontrés par nos confrères de Reporterre, le réchauffement climatique assèche le nectar, avec des années qui se suivent et ne ressemblent pas. Cette année, pour beaucoup d'apiculteurs de l'île de Beauté, il n'y a pas de miellat. Avant, les miellées duraient 3 semaines, maintenant, quand il y en a, c'est à peine une semaine…
L'abeille domestique doit visiter environ 2 millions de fleurs pour produire un seul pot de miel de 500 grammes. Ces voyages représentent une distance équivalente à trois fois le tour de la Terre. pic.twitter.com/T8tIbKBIpi
— Savoir du Monde (@SavoirDuMonde) August 24, 2025
Avec la chaleur et la sécheresse de plus en plus fréquentes, les fleurs flétrissent et sont dans l'incapacité de produire du miellat, et le maquis ne peut donc plus nourrir les abeilles, puisqu'elles n'ont même pas le temps de butiner les fleurs. Pourtant, ce maquis est un trésor et produit six miels AOP : printemps, maquis de printemps, miellat du maquis, maquis d'été, châtaigneraie et maquis d'automne.
Il s'agit d'un équilibre extrêmement fragile : il suffit qu'un hiver soit trop doux ou qu'une sécheresse trop longue se manifeste pour que tout l'écosystème se brise. D'ailleurs, certains apiculteurs observent déjà des colonies d'abeilles moins peuplées et surtout moins productives. Malgré un nombre de ruches en hausse, la quantité de miel produit ne suit désormais plus…
Certains apiculteurs évoquent même un effondrement à venir ! Pendant les 20 dernières années, la production AOP de Miel de Corse évoluait entre 250 et 300 tonnes par an, avec un pic à 345 tonnes en 2015. C'est désormais 240 tonnes environ, avec certaines exploitations qui ne récoltent plus rien au printemps. 19 kilos de miel par ruche sont nécessaires pour ne pas faire faillite…
Des adaptations nécessaires
Outre les aléas climatiques (n'oublions pas non plus les pluies battantes et les gelées tardives), il faut aussi tenir compte d'autres ennemis, comme les pesticides, ou encore des parasites tels que cynips du châtaignier ou bombyx, renforcés par des hivers doux et des arbres en état de faiblesse.
Une seule abeille peut produire 1 cuillère à soupe de miel au cours de sa vie.pic.twitter.com/Jm60ouBM2q
— Jack Ballajack (@Ballajack) August 22, 2025
Alors que beaucoup d'agriculteurs corses se moquaient de leurs collègues du continent qui nourrissaient les ruches, certains sont désormais obligés de le faire, notamment en plaine, en donnant aux abeilles du sirop de sucre pour éviter la famine. Par ailleurs, il faut aussi s'adapter en déplaçant les colonies d'abeilles pour qu'elles survivent, en évitant les zones traitées et l'urbanisation.
Mais cette transhumance n'offre aucune garantie aux apiculteurs… Sur l'île, on repère de plus en plus des miels importés à bas prix voire coupés au sirop, à moins de 5 euros en grande surface, ce qui est parfois inférieur au coût de production des apiculteurs corses !
Dans les prochaines années, les producteurs de miel vont devoir sélectionner des abeilles plus résistantes, diversifier les ruchers et surtout préserver la ressource florale. Un combat mené aussi dans d'autres pays européens, comme en Espagne, en Californie et en Grèce, où chaleur et sécheresse records réduisent les miellées et perturbent les floraisons.
Référence de l'article :
Reporterre. Les Corses tentent de sauver leurs ruches en proie à la crise climatique.