Météo ultra-précise : IA ou météorologues, qui prédira le mieux le temps ?

Il fut un temps où prévoir la météo relevait presque de la divination. Aujourd'hui, les modèles apprennent plus vite que jamais grâce à l’intelligence artificielle. Mais l’IA va-t-elle surpasser les experts… ou leur ouvrir de nouveaux horizons ?

L'IA transforme profondément la météorologie, en rendant les prévisions plus précises, locales, et accessibles.
L'IA transforme profondément la météorologie, en rendant les prévisions plus précises, locales, et accessibles.

Tout a commencé dans les années 1960 avec des ordinateurs gros comme des armoires… Aujourd’hui, le Royaume-Uni, via son Met Office à Exeter, mène une révolution technologique propulsée par l’IA, un virage que d’autres pays amorcent également.

Kirstine Dale, responsable IA de l’organisme, évoque un « changement d’échelle » comparable à l’introduction des premiers ordinateurs. À la clé : des prévisions plus fines, plus rapides, et sur des périodes étendues.

Enjeux transversaux ?

L'IA fascine car elle est capable de traiter et d'analyser des volumes gigantesques de données atmosphériques et océaniques, permet d’y détecter des « motifs » invisibles à l’œil humain. Grâce à des réseaux neuronaux entraînés sur des décennies d’observations climatiques, des systèmes comme celui de l’Alan Turing Institute permettent déjà d’anticiper l’évolution du temps à l’échelle de quelques heures jusqu’à deux mois à l’avance.

Les enjeux sont multiples : sauver des vies, optimiser les ressources économiques, anticiper les risques, et mieux comprendre un climat en mutation. Ainsi, agriculteurs, assureurs, compagnies aériennes ou énergéticiens sont avides de telles prédictions pour s’adapter, protéger et anticiper. Un jour de soleil de plus, ou de pluie en moins, peut valoir des millions.

Promesses de l'IA : des prévisions plus fines, plus lointaines

L’intelligence artificielle a d’abord transformé le « nowcasting », c’est-à-dire la prévision à l’échelle de quelques heures. Elle s’attaque désormais aux prévisions dites « moyen terme » (3 à 15 jours) et même « sub-saisonnières » (jusqu’à deux mois). Grâce à elle, la précision des prévisions à 7 jours égale désormais celle à 3 jours en 1980, un bond historique.

Des géants comme Google DeepMind, Nvidia, Microsoft et IBM, ainsi que des start-ups comme Brightband ou Silurian, investissent massivement dans cette technologie. Et pour cause : les modèles IA apportent des bénéfices concrets.

  • L’ECMWF, organisme européen de prévisions à moyen terme, estime à 20 % le gain de précision de son premier modèle IA, notamment sur les cyclones tropicaux.
  • Le modèle CorrDiff de Nvidia permet de faire passer la précision des prévisions de 25 km à 2 km.
  • Le Met Office britannique a déjà modélisé des températures à 100 mètres près, l’équivalent d’un quartier.

Tout cela constitue une avancée majeure pour la gestion d’aéroports, d’infrastructures, ou l’optimisation de la production d’énergie renouvelable.

Enfin, des modèles plus sobres ?

Jusqu’ici, la prévision reposait sur la modélisation numérique et des équations physiques complexes, alimentées par des données issues de satellites, de bouées marines ou de stations météo. Ce processus en deux étapes, assimilation des données, suivie de l'élaboration des prévisions, reste à la base des prévisions.

Mais les modèles IA changent la donne : certains, comme le système Aardvark, développé par le Alan Turing Institute, suppriment l’étape d’assimilation pour travailler directement sur les données brutes. Curieusement, ces modèles end-to-end tournent sur un simple ordinateur de bureau, là où il fallait autrefois des supercalculateurs. Cela rendrait donc les prévisions plus accessibles, notamment dans les pays en développement.

Une météo plus démocratique...mais sous tension

L’IA promet une couverture plus fine des territoires grâce à l’ajout de capteurs locaux (pluviomètres, thermomètres…). Cela pourrait combler les lacunes dans les régions mal desservies, tout en limitant les besoins en infrastructures lourdes.

Mais tout n’est pas rose dans ce ciel numérique. L’IA dépend fortement de la qualité et de la quantité des données. Or, ces données proviennent majoritairement du secteur public, notamment du NOAA dont le financement est menacé par des coupes budgétaires de 1,5 milliard de dollars, soit 24 % de son budget.

Le plus inquiétant, c'est que 550 employés ont déjà quitté le service météorologique national américain depuis 2017. Moins de données, c’est moins de précision dans les prévisions.

Des entreprises comme Tomorrow.io développent leurs propres constellations de satellites météo à faible coût (moins de 10 millions de dollars/pièce), renforçant ainsi la capacité de collecte de données. Mais leur rôle reste complémentaire à celui des agences publiques.

Le « hic »

Même si, face à des événements météorologiques extrêmes ou sans précédent, les résultats des modèles d'IA s’avèrent prometteurs, ils ne font pas de miracle face au chaos de l’atmosphère.

On ne pourra jamais prédire précisément jour après jour au-delà de deux semaines. Robert Lee, climatologue à l’Université de Reading

Mais on peut identifier des tendances : période venteuse, vague de froid ou chaleur prolongée. Pour les marchés de l’énergie, c’est souvent suffisant pour ajuster production et investissements.

Le verdict : IA vs météorologues ?

Soyons clairs : loin de remplacer les humains, l’IA renforce leur rôle. Kirstine Dale voit l’IA comme un coéquipier des scientifiques, car si les modèles apprennent des données, seuls les humains peuvent décider de ce qui compte, avertir les populations, et donner du sens aux chiffres.

Les météorologues demeurent donc, indispensables pour interpréter les données, juger la qualité des prévisions, ou détecter les erreurs absurdes (comme ce capteur trop proche d’une camionnette de glaces, qui avait artificiellement battu un record de chaleur en Écosse.)

L’IA n’est pas encore capable de surpasser les modèles traditionnels pour toutes les tâches, notamment dans la prévision de l’intensité des tempêtes.

L’IA est bien partie pour devenir l’outil météo le plus puissant jamais conçu. Mais elle ne volera pas la place des météorologues elle les propulse plutôt dans une nouvelle ère, où l’intuition humaine et la rigueur des algorithmes forment un duo indispensable.

Source de l'article

Cookson, C., & Peel, M. (2025, May 19). The AI revolution changing how we predict the weather. Financial Times.