Le réseau férré en France sera-t-il bientôt hors service à cause du réchauffement-climatique ?
En France, comme ailleurs, le changement climatique met le réseau ferroviaire à rude épreuve. Face à des risques de plus en plus fréquents et intenses, notre système peut-il encore tenir le cap ?

Le train, cet allié précieux de la transition écologique, subit de plein fouet les assauts du changement climatique. Le 31 mars dernier, après 18 mois d'interruption, la liaison Paris-Milan a enfin rouvert. La cause de cette longue coupure ? Un éboulement massif en août 2023, dans la vallée de la Maurienne, qui a enseveli les voies. Mais cet événement spectaculaire n'est pas isolé.
En France, le nombre d’incidents ferroviaires liés à des aléas climatiques connaissent une hausse exceptionnelle. Selon le rapport publié par l’Établissement Public de Sécurité Ferroviaire (EPSF) en juin 2024, intitulé « Étude d’impact des risques liés au changement climatique sur l’exploitation ferroviaire », les risques liés au climat ne sont plus un futur lointain : ils impactent déjà la sécurité, la fiabilité et la performance du réseau ferré national.
Des risques bien identifiés et...déjà mesurables
L’EPSF a dressé une cartographie précise des menaces à venir. Cinq aléas majeurs, qui vont fortement impacter le réseau d’ici à 2100, ont été identifiés : les vagues de chaleur prolongées, les fortes précipitations, les vents violents, les mouvements de terrain (instabilités, glissements, affaissements), les feux de végétation.
Le rapport a mis en lumière les risques les plus critiques pour le réseau français :
- Surchauffe des rails : En période de canicule, la température des rails peut atteindre plus de 60°C, augmentant drastiquement les risques de déformation, appelés « flambages ».
- Affaissement des voies : Les périodes de sécheresse prolongée déstabilisent les sols argileux, représentant 15 % du réseau ferré français.
- Inondations : Les crues intenses menacent 10 % des infrastructures, notamment dans les zones côtières et de plaine.
- Chutes d’arbres et glissements de terrain : Déjà fréquents, ils pourraient augmenter de 30 % d'ici 2050 sous l’effet de tempêtes plus violentes.
À titre d'exemple, depuis 2010, la SNCF a recensé près de 150 incidents climatiques graves ayant perturbé lourdement la circulation des trains. Or, selon le GIEC, les vagues de chaleur seront 3 à 4 fois plus fréquentes d'ici 2050 en Europe. Cela implique des températures extrêmes capables de dilater les rails, provoquant des "flambages des voies", dangereuses pour la sécurité.
La situation est d'autant plus préoccupante que notre réseau ferré est vieillissant : près de 50 % des voies datent de plus de 40 ans. Les infrastructures sont donc vulnérables face à des phénomènes météo de plus en plus violents et imprévisibles.
Une adaptation encore timide et fragmentée
Face à ces défis posés par le changement climatique, des initiatives émergent, mais elles demeurent limitées. En 2024, SNCF Réseau, en collaboration avec Météo France a publié une note stratégique visant à adapter le réseau ferré à un réchauffement pouvant atteindre +4 °C d’ici 2100.
Cependant, la Cour des comptes, souligne le manque d'informations sur les coûts liés aux impacts climatiques, notamment l'absence d'évaluation des effets du changement climatique sur la performance du réseau, la fiabilité des infrastructures, ainsi que les coûts de fonctionnement, d'investissement et les recettes liées aux péages. En effet, le sous-investissement chronique dans ce secteur rend le réseau français de plus en plus vulnérable.
S'inspirer des pionniers pour bâtir une meilleure résilience
Des exemples inspirants, en provenance de nos voisins européens et d’ailleurs, montrent pourtant qu’une adaptation efficace du réseau ferroviaire est non seulement possible, mais déjà en œuvre.
Au Japon, les infrastructures sont dotées de capteurs thermiques et sismiques permettant d’anticiper en temps réel tout risque sur les voies.
En Suisse, les lignes de montagne, particulièrement vulnérables, sont protégées par des murs anti-éboulement, des tunnels pare-avalanches, et des systèmes de refroidissement des rails grâce à des véhicules-citernes déployés lors de fortes chaleurs.
La Belgique et l’Italie, quant à elles, ont recours à la peinture blanche sur les rails pour limiter l’accumulation de chaleur et réduire leur dilatation.
En Autriche comme en Suisse, des stratégies d’atténuation plus globales ont vu le jour : renforcement des ouvrages de protection, amélioration des systèmes de drainage, et valorisation des forêts comme remparts naturels contre les glissements de terrain et les avalanches.
Autant de choix structurants, rendus possibles par des politiques d’investissement dans le ferroviaire de 2 à 9 fois supérieures à celles observées en France...Et pour vraiment relever le défi, une vision d’ensemble s’impose.
Sources de l'article
Navard, M. (2025, mars 31). Le train survivra-t-il au réchauffement climatique ? The Conversation.
Établissement public de sécurité ferroviaire. (2024, juin). Étude d’impact des risques liés au changement climatique sur l’exploitation ferroviaire.