Réchauffement climatique : quand tout s'effondre, les rats trinquent-ils au champagne ?

Selon une étude récente, les rats prospèrent sous la chaleur urbaine : avec des températures en hausse, les villes deviennent des incubateurs parfaits !

Les rats n’ont jamais eu un terrain de jeu aussi propice à leur expansion.
Les rats n’ont jamais eu un terrain de jeu aussi propice à leur expansion.

Le décompte est lancé. Plus de 8 milliards d'humains peuplent la Terre, et chaque jour, 228 000 nouveaux bébés viennent allonger la liste. Mais nous ne sommes pas seuls à prospérer dans nos jungles de béton.

Les rats, ces clandestins des villes, connaissent eux aussi une explosion démographique. Selon une analyse du South China Morning Post qui date de 2023, toujours d'actualité, jamais une population de mammifères n’avait atteint une telle ampleur, les rats suivant de près l’humanité dans cette course au nombre.

Quand la chaleur ouvre la voie aux rats

Une nouvelle étude publiée dans Science Advances, révèle que la population de rats en milieu urbain a connu une augmentation spectaculaire dans 69 % des villes étudiées. La principale cause ? L'augmentation des températures urbaines. En 2023, la température moyenne dans les zones urbaines a augmenté de 1,2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, créant des conditions idéales pour leur survie et leur reproduction.

Les villes deviennent de véritables incubateurs pour ces rongeurs : des hivers plus doux réduisent leur mortalité, prolongeant ainsi leurs périodes de reproduction.

Les données montrent que la croissance des populations de rats est proportionnelle à l'augmentation des températures locales.

À Buenos Aires, l’augmentation atteindrait 15 à 20 % en une décennie. New York, Amsterdam et Washington D.C. font partie des villes où l'explosion de leur nombre est la plus marquante, avec une hausse de 35 % en seulement dix ans. Et la tendance n'est pas près de s'inverser, puisque les projections climatiques annoncent un accroissement continu des températures d'ici 2050.

À Amsterdam, où la température moyenne a augmenté de 1,5 °C en cinquante ans, les signalements de rats ont presque doublé. En parallèle, les experts constatent que les rats s’adaptent de mieux en mieux aux nouvelles conditions environnementales. Ils modifient leurs habitudes alimentaires et leurs stratégies de nidification pour survivre à des climats plus chauds et secs.

Certaines études montrent que les rats urbains ont des portées plus nombreuses et des cycles de reproduction plus courts dans les villes où la température moyenne est en hausse.

Courses à la reproduction...

Selon l'étude, la densité de population humaine est un facteur directement lié à l’augmentation du nombre de rats, avec une croissance annuelle estimée à 12 % dans les grandes métropoles.

Actuellement, la population humaine atteint 8,08 milliards d’individus et pourrait atteindre 10,5 milliards avant la fin du siècle. En parallèle, les rats, qui sont déjà estimés à plus de 7 milliards dans le monde, pourraient rapidement dépasser ce chiffre si les tendances actuelles se maintiennent.

Les humains sont aujourd'hui les mammifères les plus nombreux de l'histoire, surpassant en nombre tous les animaux domestiques réunis. Seuls les rats s'en approchent. Infographie de HAN YUANG et YAN JING TIAN
Les humains sont aujourd'hui les mammifères les plus nombreux de l'histoire, surpassant en nombre tous les animaux domestiques réunis. Seuls les rats s'en approchent. Infographie de HAN YUANG et YAN JING TIAN

Des villes comme Mumbai, Lagos et Jakarta comptent parmi les zones où la cohabitation humain-rat est la plus problématique en raison d’une densité de population élevée et d’une gestion des déchets insuffisante.

L’artificialisation des sols joue également un rôle. Moins d’espaces verts signifie plus d'habitats exploitables pour eux : sous-sols délaissés, galeries de métro, bouches d’égout. À Londres, où 92 % de la population vit en milieu urbain, les autorités ont signalé une hausse de 25 % des signalements de rats en cinq ans. En 2022, New York a recensé une augmentation de 71 % des plaintes liées aux rats par rapport à 2019.

...finalement, c'est une question de mode de vie ?

Le développement des villes favorise donc cette expansion. Plus d’habitants signifie plus de déchets organiques, une ressource précieuse pour ces animaux opportunistes. Une ville comme Paris produit quotidiennement 3000 tonnes de déchets ménagers, dont une partie importante est accessible aux rats.

Les experts estiment que 90 % des rats dépendent directement des déchets alimentaires humains pour survivre. Cependant, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n’est pas tant la surpopulation humaine qui favorise l'expansion des rats, mais plutôt notre mode de vie.

Le problème n’est pas le nombre d’humains, mais la façon dont nous gérons nos ressources et nos déchets.

Dans certaines grandes villes, plus de 70% des déchets organiques sont jetés dans des sacs en plastique et déposés à même le trottoir, offrant un buffet nocturne aux rongeurs. En moyenne, un rat peut ingérer jusqu'à 30 grammes de nourriture par jour, et dans des environnements riches en ressources comme les centres-villes, leur population peut doubler en seulement trois mois.

Cette corrélation directe entre gestion des déchets et prolifération des rats souligne l’urgence d’une meilleure régulation des ordures et d’un renforcement des infrastructures sanitaires.

L'exemple de Tokyo, cette ville, connue pour sa rigueur en matière d'hygiène, présente l'une des rares tendances à la baisse en matière de populations de rats.

Conséquences sanitaires et sociales inquiétantes

Les conséquences de cette prolifération sont multiples. Au-delà des nuisances classiques, les rats sont porteurs de plus de 50 agents pathogènes pouvant infecter les humains, dont la leptospirose et la peste bubonique.

Leur présence est aussi un marqueur de la dégradation sociale : les quartiers les plus défavorisés sont souvent les plus infestés, créant un cercle vicieux entre insalubrité, maladies et précarité.

En Afrique, les rats et autres rongeurs détruisent jusqu'à 15 % des récoltes agricoles, et en Asie, ils consomment chaque année suffisamment de riz pour nourrir 200 millions de personnes.

La guerre est-elle perdue ?

On a peut-être perdu des batailles, mais la guerre est loin d’être terminée. Jusqu’ici, l’offensive chimique contre les rats a montré ses limites. Les rodenticides, en plus de leur impact néfaste sur l’environnement et la faune locale, n’ont pas enrayé leur prolifération. Pire, certaines populations développent désormais une résistance aux anticoagulants censés les éradiquer.

L’avenir repose sur une stratégie plus globale axée sur la prévention : meilleure gestion des déchets, aménagement urbain réduisant les refuges à rats et sensibilisation des citoyens. Des initiatives comme celles mises en place à New York, où l’usage de conteneurs hermétiques devient la norme, commencent à porter leurs fruits. Dans certaines zones, l’application de glace carbonique dans les terriers a permis de réduire la population de rats de 70 %.

Sources de l'article :

Jonathan L. Richardson et al., Increasing rat numbers in cities are linked to climate warming, urbanization, and human population. Sci.dv.11,eads6782(2025). DOI:10.1126/sciadv.ads6782

The Washington Post. (2025, 7 février). Réchauffement climatique : faute de savoir comment lutter, les grandes villes perdent la guerre contre les rats.