La France respire-t-elle un cocktail de polluants : que révèle l'étude inédite sur PFAS et perturbateurs endocriniens ?
Une étude inédite d’Atmo Occitanie révèle la présence simultanée de pesticides, de perturbateurs endocriniens et de PFAS dans l’air. Une alerte scientifique sur un « cocktail invisible » qui interroge la qualité de l’air que respirent les Français.

C’est une avancée inédite au retentissement national : l’observatoire régional Atmo Occitanie révèle pour la première fois la coexistence dans l’air de trois familles de polluants persistants : les pesticides, les perturbateurs endocriniens (PE) et les PFAS (polluants éternels). L’étude, menée entre 2023 et 2025, a recherché 192 molécules différentes et en a quantifié 105, retrouvées dans l’air ambiant, aussi bien en milieu urbain que rural.
Ce mélange, invisible à l’œil nu, illustre ce que les chercheurs appellent désormais un véritable « cocktail chimique atmosphérique ».
Les pesticides persistent encore !
Cette étude, pionnière à l’échelle d’une région grande comme l’Irlande, veut justement répondre aux questions légitimes que se posent les citoyens sur les impacts combinés de ces substances sur leur santé et sur l’environnement. C’est la science qui, par l'exploration de cette « multi-exposition », nous donne les outils pour une action éclairée.
Les chercheurs d’Atmo Occitanie ont analysé dix sites répartis sur le territoire, de Toulouse à Montpellier en passant par l’Aude et la Haute-Garonne. Les résultats dévoilent que 47 pesticides ont été détectés sur les 88 recherchés. Plusieurs de ces molécules sont suspectées d’avoir un effet perturbateur endocrinien, c’est-à-dire de dérégler subtilement le système hormonal humain.
L’analyse montre que l’air est un véritable vecteur de dispersion. Le folpel, un fongicide très utilisé dans les vignes, reste le principal pesticide retrouvé dans les zones viticoles et urbaines, représentant parfois jusqu’à 65 % de la charge totale en pesticides à Montpellier. Le prosulfocarbe, un herbicide des grandes cultures céréalières, atteint des concentrations record dans les terres agricoles, avec 192 ng/m3 mesurés sur certains sites.
Malgré ces pics, la tendance globale est encourageante : la majorité des stations enregistrent une baisse des concentrations cumulées, notamment à Toulouse et Montpellier, un progrès probablement lié à l’évolution des pratiques agricoles et au renforcement des réglementations de l’Anses.
Les pesticides ne s’arrêtent donc pas aux champs : ils voyagent, se dispersent et finissent par se retrouver dans l’air que tout le monde respire.
Perturbateurs endocriniens : partout, tout le temps
Autre enseignement majeur de l’étude : les perturbateurs endocriniens sont omniprésents. Sur les 56 molécules recherchées, 50 ont été retrouvées sur l’ensemble des sites. Ces composés sont définis par leur capacité à interférer avec le système hormonal, même à des doses infimes. Leur origine est un kaléidoscope de notre vie moderne : combustion du bois ou du carburant, dégradation des plastiques (phtalates), cosmétiques, produits ménagers. Même le DEET, principe actif de nombreux sprays antimoustiques, a été détecté en forte concentration dans certains départements du sud.
Les analyses présentent une présence quasi constante de ces substances, avec des concentrations plus élevées en période chaude. Parmi les plus fréquents, les phtalates, issus des plastiques, sont détectés sur tous les sites, tout au long de l’année. Les HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques), produits par la combustion de biomasse et de carburants fossiles, sont également omniprésents.
Les chercheurs insistent sur l’« effet cocktail » : l'interaction chimique de ces substances, même à faibles doses, pourrait amplifier leurs effets sur la fertilité, le développement fœtal ou encore le métabolisme.
PFAS : ces molécules qui ne meurent jamais
Les PFAS, ou substances per- et polyfluoroalkylées, constituent la troisième famille surveillée. Utilisées depuis les années 1950 pour leurs propriétés imperméabilisantes et antiadhésives, ces molécules sont hautement stables et ne se dégradent pas dans la nature, d’où leur surnom de « polluants éternels ».
C’est la première fois que ces composés sont recherchés dans l’air en France. Les résultats montrent que de 2 à 10 molécules PFAS ont été détectées sur chacun des cinq sites étudiés, sur un total de 50 composés analysés.
Leur présence dans l’air pose une question sanitaire majeure, car ces composés s’accumulent dans l’organisme et sont associés à des troubles immunitaires, hormonaux et métaboliques. La France prévoit d’imposer dès 2025 la surveillance obligatoire de ces substances dans les émissions industrielles.
Une science citoyenne de l'air ?
Cette étude met en évidence une multi-exposition saisonnière. L’automne concentre les herbicides, le printemps et l’été les fongicides, tandis que l’hiver voit augmenter les polluants issus de la combustion. Ce croisement des sources urbaines, agricoles et domestiques compose une trame chimique complexe, où chaque région devient le reflet d’une exposition globale et continue.
L'enjeu dépasse largement la science : il s’agit d’un acte de santé publique et de justice environnementale. Atmo Occitanie espère désormais étendre ce dispositif à d’autres régions, afin de bâtir un réseau national de surveillance du « cocktail chimique » de notre air.
Si cette étude a pu voir le jour, c’est grâce à une astreinte du Conseil d’État. Un geste rare, mais porteur d’espoir : la volonté politique de renforcer la connaissance scientifique sur la qualité de l’air.
Références de l'article
Atmo Occitanie. (2025). Occitanie : La Lettre de l’Air #32 – Pesticides, perturbateurs endocriniens et PFAS (polluants éternels) dans l’air : les résultats d’une étude inédite.
France 3 Occitanie. (2025). PFAS, pesticides, perturbateurs endocriniens : une étude inédite de l’observatoire de la qualité de l’air désormais accessible. France 3 Régions.