Pourquoi les prévisions météo mondiales dépendent-elles des pays les plus oubliés ?
Investir dans les données météo des pays les plus vulnérables améliore les prévisions dans le monde entier. Voici pourquoi c’est un enjeu vital.

Sans données, pas de prévisions. Et sans prévisions fiables, pas d’alerte précoce, pas de sécurité alimentaire, pas de résilience climatique. C’est le constat sans détour que vient de confirmer une série d’expériences scientifiques menées par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF), à la demande de l’Organisation météorologique mondiale (OMM).
À la clé : une preuve concrète que mieux observer le climat là où c’est le plus difficile, c’est aussi protéger le reste de la planète.
Des "angles morts" aux conséquences mondiales
Dans de nombreux pays vulnérables, notamment en Afrique et dans les petites îles du Pacifique, il manque cruellement d’infrastructures de base pour observer le temps qu’il fait. Peu ou pas de stations météo, peu de données transmises aux centres mondiaux. Ces zones deviennent alors de véritables “angles morts” pour les modèles météo mondiaux, ce qui limite fortement leur fiabilité.
Pour combler ces lacunes critiques, les Nations Unies ont mis en place le SOFF, un mécanisme de financement et d’accompagnement qui aide les pays les plus vulnérables, à installer des stations météorologiques fiables et à intégrer leurs données au réseau mondial d’observation.
SOFF : penser global, agir local
Le SOFF cible en priorité les pays les moins développés (LDCs) et les petits États insulaires (SIDS), en leur apportant des financements et un soutien technique pour se conformer au réseau mondial d'observation (GBON pour Global Basic Observing Network) de l’OMM. Ce réseau établit des normes pour la collecte et l’échange international de données essentielles : température, pression, humidité, vent… tout ce qui nourrit ensuite les supercalculateurs.
Created by @WMO @UNDP @UNEP the Systematic Observations Financing Facility is providing long-term grant financing to LDCs and SIDS to urgently close weather & climate data gaps
— Srilata Kammila (@Srilata_Kammila) November 15, 2024
Thanks to pioneer funders, SOFF is now capitalized with more than $100 million https://t.co/7tkTs3Gcya pic.twitter.com/hmiLRwz6f6
C’est une initiative de l’OMM, du PNUD et du PNUE, conçue pour assurer un socle commun d’observations météo et climatiques, indispensable à l’amélioration des prévisions à l’échelle planétaire.
Des expériences scientifiques qui changent la donne
Entre juin 2023 et 2025, l’ECMWF a mené, pour la première fois, des expériences complexes simulant huit scénarios d’investissements de la SOFF.
À l’aide de techniques d’assimilation de données, les chercheurs ont ajouté virtuellement de nouvelles observations météo issues de stations de surface, de la mer et de ballons sondes dans des régions sous-observées. Il a été prouvé que plus on alimente le modèle avec des données issues de ces régions sous-observées, plus la précision des prévisions augmente. Voici quelques chiffres clés :
- En Afrique, les incertitudes des prévisions météo diminuent de plus de 30 % grâce à ces investissements.
- Dans le Pacifique, la réduction atteint jusqu’à 20 %.
- L’impact est visible à l’échelle locale dès les 12 premières heures, mais les bénéfices s'étendent rapidement au niveau mondial.
- Les données en altitude, comme celles issues des radiosondes, jouent un rôle déterminant pour améliorer les prévisions, notamment dans les zones tropicales.
Une météo vraiment mondiale
Les bonnes prévisions ne sont pas un luxe, elles sont vitales. Elles permettent aux agriculteurs de protéger leurs cultures, aux autorités d’anticiper les inondations ou les vagues de chaleur, aux systèmes électriques de mieux équilibrer l’offre et la demande. Chaque degré mal anticipé peut entraîner des pertes économiques, voire humaines.
Paradoxalement, ce sont souvent les pays les moins responsables du dérèglement climatique qui disposent du moins de moyens pour s’y adapter, faute de données fiables. C’est donc un impératif de justice climatique : renforcer leur capacité d’observation, c’est leur permettre de mieux se protéger. Mais c’est aussi dans l’intérêt de tous.
Cette recherche révèle une forme d’interdépendance météorologique : la qualité des prévisions en Europe, en Amérique ou en Asie dépend directement de ce qu’on observe, ou pas, en Afrique ou dans les îles du Pacifique. C’est la démonstration qu’un monde plus solidaire est aussi un monde mieux préparé.
Source de l'article
Organisation Météorologique Mondiale. (2025, 25 juin). Closing data gaps improves global forecasts (Communiqué de presse).