Les coraux doivent-ils tous disparaître avant qu'on ouvre enfin les yeux ?

Les récifs coralliens sont à l’agonie. Blanchis, affaiblis, depuis 2023, 84 % d’entre eux ont déjà été touchés. Quand est-ce qu’on va agir concrètement ?

Une disparition imminente des coraux est prévue si nous n'inversons pas la tendance climatique.
Une disparition imminente des coraux est prévue si nous n'inversons pas la tendance climatique.

Hélas ! Leur disparition ne serait pas qu’une tragédie écologique. Ce serait un signal sans équivoque que nous avons franchi un point de non-retour.

Ce n’est pas une surprise, mais une répétition accélérée du désastre. En 1998, seuls 21 % des récifs avaient été touchés. En 2010, 37 %. Puis 68 % entre 2014 et 2017. Cette fois, selon le NOAA et l'Initiative Internationale pour les récifs coralliens (Icri), entre janvier 2023 et mars 2025, 84 % des récifs coralliens dans le monde ont subi un stress thermique correspondant à un épisode de blanchiment.

Le scénario est connu : une hausse anormale des températures, une réponse physiologique en chaîne, et la rupture d’un équilibre aussi ancien que fragile.

Encore une fois, ce n'est pas une plante, c'est un animal !

Le corail, souvent confondu avec une plante, est en réalité un animal symbiotique. Il vit en étroite collaboration avec une algue unicellulaire, la zooxanthelle, qui lui fournit, grâce à la photosynthèse, les nutriments essentiels à sa survie. En échange, le corail lui offre un environnement protégé, ainsi que ses déchets azotés et phosphorés, une forme d’engrais naturel. Cette alliance millénaire est d’une délicate précision. Mais lorsqu’il fait trop chaud, cette coopération s’effondre.

En réponse à la chaleur excessive, les algues produisent des molécules toxiques pour le corail. Pour se défendre, celui-ci expulse son partenaire végétal… et perd sa couleur. D’où le phénomène de blanchissement. Un corail blanchi n’est pas encore mort, mais s’il ne retrouve pas ses algues symbiotiques, il meurt de faim.

Et les chiffres sont implacables. Environ 15 % des récifs coralliens ont déjà été perdus de manière irrémédiable. Le GIEC est encore plus alarmant : avec un réchauffement de +2 °C, 99 % des coraux des mers chaudes risquent de disparaître. Et pourtant, nous n’avons augmenté la température moyenne que de 1,5 °C. Ce que nous vivons aujourd’hui n’est sans doute qu’un prélude.

Alerte sur toutes les lignes !

À l’échelle planétaire, les récifs coralliens couvrent moins de 1 % de la surface des océans, mais abritent près d’un tiers de la biodiversité marine connue. Ils protègent les côtes, nourrissent des millions de personnes, attirent les touristes, stabilisent le carbone atmosphérique.

Et pourtant, nous laissons mourir ces « forêts tropicales des mers », au même rythme que nous brûlons nos forêts terrestres. L’ampleur de l’épisode actuel a même obligé les plateformes de prévision à revoir leurs échelles. Pour Melanie McField, directrice de l’initiative « Des récifs sains pour des populations en bonne santé » dans les Caraïbes :

c’est comme si nous étions confrontés à des ouragans de catégorie 6 ou 7, sauf qu’il s’agit de chaleur sous-marine.

L’urgence n’est plus à démontrer. Eunhee Kim, de l’Institut sud-coréen de recherche sur le climat et l’océan, précise que dans certaines régions, la température de l’eau a bondi de 5 °C depuis début 2023. Comment les coraux pourraient-ils résister à une telle agression ?

« C’est la chronique d’une mort annoncée pour les récifs coralliens… », déplore Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au Laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer. Ce n’est plus un signal faible. C’est un SOS que nos océans nous lancent.

L'urgence d'un réveil collectif

Le lien avec les émissions de gaz à effet de serre est direct. Peter Thomson, envoyé spécial de l’ONU pour l’océan insiste :

Si nous voulons que les récifs coralliens survivent, nous devons réduire radicalement nos émissions et maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 °C. »

Malheureusement, ce seuil a déjà été dépassé en 2023. Et malgré que plus de 190 pays ont ratifié l’Accord de Paris, ces mêmes États continuent de tergiverser. Pourtant, des leviers existent : l’abandon des énergies fossiles, la restauration planifiée des récifs, l’interdiction de la surpêche, et la réduction des pollutions marines

La France n’est pas épargnée. Avec près de 60 000 km2 de récifs coralliens répartis dans les Outre-mer, elle est l’un des principaux pays concernés. Pourtant, dans les débats climatiques, les coraux restent souvent les grands oubliés. Trop loin, trop discrets, trop méconnus.

Si nous continuons à fermer les yeux devant cet hécatombe, les coraux seront les premiers grands écosystèmes marins à sombrer dans l’oubli. Et avec eux, une partie de notre humanité.

Source de l'article :

Portoles, A. (2025, avril 23). Climat : 84 % des récifs coralliens de la planète ont été touchés par le blanchissement depuis 2023, pointe l'Icri. Humanité.