Les chercheurs découvrent des "supercoraux" : de quoi s'agit-il et comment fonctionnent-ils ?

Tous les récifs coralliens du monde sont en danger et menacés d'extinction à cause de la hausse de la température marine. Mais une petite parcelle de corail résiste dans l'océan Pacifique !

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Ces "supercoraux" sont thermorésistants et intéressent particulièrement les scientifiques !

Dans le Pacifique sud, sur l'atoll de Tatakoto en Polynésie française, ce n'est pas un village d'irréductibles gaulois qui résiste mais un corail thermorésistant qui fascine tous les scientifiques ! Pourtant dans cet atoll situé à plus de 1 000 km de l'île principale Tahiti, les conditions sont totalement défavorables à la survie des coraux.

En cause : un lagon semi-fermé, seuls quelques petits canaux sont connectés à l'océan, rendant le brassage de l'eau difficile. Et les variations de températures sont variables et extrêmes, entre 3 et 4°C par jour. Parfois, la température de l'eau maximale peut atteindre les 35°C ! N'importe où ailleurs, le corail aurait blanchi sous l'effet de la chaleur. Mais pas ici..

C'est en tout cas ce que rapportent les scientifiques qui ont mené des expéditions sur cette île du bout du monde. Ces expéditions ont été soutenues par l’UNESCO, le Labex Corail et l’université de la Polynésie française (UPF), en partenariat avec les laboratoires du CRIOBE et de SECOPOL, et 1 OCEAN. Les experts ont constaté que des dizaines d'espèces de coraux prospéraient.

Le but de ces expéditions est de comprendre les mécanismes de résilience des coraux face aux pressions environnementales et notamment le réchauffement climatique. Ces travaux sont menés par Laetitia Hédouin, directrice de recherches au CNRS et spécialiste de l’écologie des récifs coralliens. Elle et son équipe étudient la capacité d'adaptation des coraux dans les milieux extrêmes.
Comme c'est le cas à Tatakoto, où des récifs survivent parfois à moins d'1 m de profondeur. Autre fait étonnant observé : les coraux sensés être les plus résistants sont en réalité les + fragiles, tandis que ceux qui meurent + facilement, survivent bien mieux.

Les Acropora survivent en grand nombre dans l'atoll alors qu'ils sont habituellement la première espèce à blanchir car elle est fine et ramifiée. Alors que les Pocillopora - dont la structure dense en forme de chou-fleur leur confère une certaine robustesse - ont beaucoup plus souffert et moins résisté au dernier épisode de chaleur intense.
Cette particularité enregistrée par les chercheurs renforcent les données d'autres études menées à Palau, où des Acropola subissant une forte variabilité thermique quotidienne survivent mieux que la même espèce vivant dans des zones plus stables. Les experts pensent que l'exposition fréquente à des changements de température permet au corail de se renforcer et de s'adapter pour survivre.

Depuis 2021, les scientifiques en mission tentent de savoir si cette adaptation est temporaire et contextuelle ou si elle est ancrée dans le temps et génétiquement transmissible sur plusieurs génération. Pour le savoir, les experts ont prélevés des boutures de ces "supercoraux" de Tatakoto pour les réimplanter à Moorea (l'île soeur de Tahiti).
L'environnement de cette dernière est beaucoup plus classique. Les chercheurs souhaitent observer le comportement des coraux en dehors de leur habitat d'origine. Il ne reste qu'à patienter pour savoir si ces coraux vont résister à cette migration imposée. Si tel est le cas, Tatakoto deviendrait alors une source d'espèces thermorésistantes qui pourraient restaurer des récifs morts du monde entier !

Ailleurs dans le monde, d'autres coraux présentent également une belle résistance à la variation des températures : dans le Golfe d'Aqaba notamment. Dans les eaux plus profondes (entre 30 et 60 m) là aussi des coraux survivent très bien notamment dans la région des Caraïbes ou encore la Grande Barrière de corail en Australie.

Source : UNESCO