Comment la France peut-elle parler de "justice climatique" sans ses Outre-mer ?

Alors que la COP30 s’annonce à Belém, la France revendique la justice climatique sans inclure pleinement ses Outre-mer, pourtant gardiens de 80 % de sa biodiversité et premières victimes du dérèglement climatique. Une contradiction à réparer d’urgence.

La Réunion : Saint-Pierre, côté mer, avec la silhouette emblématique de l'Entre-Deux au centre du cliché.
La Réunion : Saint-Pierre, côté mer, avec la silhouette emblématique de l'Entre-Deux au centre du cliché.

La France jouit du statut de deuxième puissance maritime mondiale grâce à l'héritage de l'empire colonial dont ses territoires ultramarins sont le prolongement. Répartis sur quatre océans (Atlantique, Indien, Pacifique et Austral), ces territoires représentent une richesse écologique inestimable : ils concentrent 80 % de la biodiversité française sur seulement 22 % du territoire national. Plus de 98 % de la faune vertébrée et 96 % des plantes vasculaires spécifiques à la France y sont ainsi abritées.

Des territoires stratégiques sans voix

Alors même qu’ils subissent de plein fouet les effets du dérèglement climatique, montée des eaux, cyclones dévastateurs, érosion et dégradation écologique, les territoires d’Outre-mer restent relégués à un rôle symbolique dans les négociations internationales.

Le problème réside dans un déficit d'autonomie et une approche centralisée : les territoires ultramarins n'ont pas de délégation propre aux COP ; leur représentation est désignée par Paris et intégrée dans la délégation française, sans garantie de participation systématique.

À la COP29, par exemple, 0 % des négociateurs et négociatrices de la délégation française provenaient des territoires d’Outre-mer.

Même lorsque certains territoires, comme la Polynésie française, envoient de petites délégations autonomes, celles-ci ne sont pas intégrées à la délégation officielle française, ce qui restreint considérablement leur capacité d’action et d’influence dans les négociations.

Cette marginalisation n'est pas seulement un problème de représentation : l'approche uniforme de la diplomatie française tend à nier la pluralité et l'expertise ultramarine. Les Antilles, la Guyane et les îles du Pacifique ont des réalités géographiques, culturelles et institutionnelles bien différentes, des spécificités qui sont effacées par l'approche centralisée de Paris.

Quand la loi ignore les réalités ultramarines

Appliquer les mêmes politiques partout sans tenir compte des spécificités locales crée inévitablement des situations complexes. C’est ce qu’on observe avec la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN), censée mettre fin à toute artificialisation nette des sols d’ici 2050, mais difficilement transposable dans les réalités ultramarines.

Les décisions conçues pour la métropole ne prennent pas en compte les vulnérabilités locales ni la diversité géographique, sociale et culturelle des territoires ultramarins.

Au-delà des politiques d'aménagement, l'inclusion des voix marginalisées, comme les peuples autochtones, reste lacunaire. Le processus de recrutement diplomatique et le choix des représentant(e)s officiels reproduisent trop souvent des élites locales éloignées des réalités sociales propres à ces espaces. Pour être crédible sur le plan international, la France doit d'abord garantir une représentation qui soit à la fois pluraliste et transparente.

Levier d'action : une diplomatie climatique inclusive ?

Pour que la diplomatie française devienne vraiment inclusive, le Réseau Action Climat propose d’abord de former et d’autonomiser les négociateurs ultramarins, aujourd’hui souvent absents des grands rendez-vous internationaux. En leur donnant accès à des formations diplomatiques et à des espaces de décision, la France permettrait à ces territoires d’exprimer pleinement leurs priorités et leurs solutions face au changement climatique.

Il s’agit aussi de mieux représenter la diversité ultramarine, en intégrant les peuples autochtones et les acteurs locaux, porteurs de savoirs essentiels pour la préservation des écosystèmes.

Le Réseau recommande ensuite de renforcer la coopération régionale, à l’image du partenariat inédit entre la Guyane et l’État brésilien d’Amapá, créé pour porter une voix commune à la COP30 sur la protection de l’Amazonie. Il appelle aussi à organiser régulièrement des Assises de la diplomatie des Outre-mer pour faire dialoguer l’État, les territoires et la société civile.

Enfin, il demande à assurer la présence d’au moins un représentant de chaque territoire dans les délégations françaises aux COP. Ces mesures concrètes visent à construire une diplomatie climatique plus équitable, ancrée dans les réalités locales et dans la richesse des Outre-mer.

Références de l'article

Réseau Action Climat. (2025, 29 octobre). Les Outre-mer, grands oubliés de la diplomatie climatique française.

Buissereth, J. (2025, octobre). Territoires ultramarins : les oubliés de la diplomatie française. Fiche-concept : Plaidoyer Outre-mer. Réseau Action Climat.