Climat : pourquoi le Sud global croit aux scientifiques...et l'Europe hésite ?

Au Chili, en Colombie, en Inde, au Kenya, au Nigeria, en Afrique du Sud et au Vietnam, la science du climat inspire confiance. En Europe, elle se heurte aux doutes, aux clivages politiques et aux manipulations. Pourquoi une telle fracture ?

Croire en la science est une condition de survie collective dans un monde qui se réchauffe à grande vitesse.
Croire en la science est une condition de survie collective dans un monde qui se réchauffe à grande vitesse.

Une enquête menée auprès de 8 400 personnes dans sept pays du Sud global révèle que les scientifiques sont la source la plus fiable d’informations sur le climat. Publiée le 22 août 2025 dans la revue Nature Climate Change, cette étude confirme que les climatologues inspirent bien plus de confiance que les journaux, les amis ou les réseaux sociaux.

Dans ces pays, les citoyens considèrent le changement climatique comme une question importante, attribuant un score moyen supérieur à 4,4/5 lorsqu’on leur demande son importance pour leur pays. Plus de 80 % des répondants savent que le réchauffement est causé par les activités humaines et qu’il amplifie les événements extrêmes comme les sécheresses, les inondations, les tempêtes.

La confiance et l’attention accordées aux scientifiques augmentent fortement le niveau de connaissances climatiques, deux fois plus que l’effet d’un diplôme universitaire. Élargir l’accès aux travaux scientifiques pourrait donc considérablement renforcer la compréhension et l’action dans ces régions.

Des priorités sociales qui relèguent le climat

Cependant, la même enquête montre une hiérarchie des urgences : la lutte contre le changement climatique arrive neuvième sur treize priorités, loin derrière l’amélioration de la santé, la lutte contre la corruption ou l’emploi.

Au Nigeria et en Afrique du Sud, la question climatique n’arrive qu’en dixième position, tandis qu’au Vietnam elle occupe la deuxième place, juste après la lutte contre la corruption. Cette tension révèle que les citoyens sont conscients des enjeux climatiques, mais que les besoins immédiats, santé, éducation, pauvreté, priment sur le long terme.

Les chercheurs soulignent également une déconnexion : les problèmes respiratoires sont considérés comme la priorité de santé, sans toujours être reliés à la pollution et à l'altération climatique. Ce manque de lien entre impacts directs et causes globales reste un défi pour les politiques publiques.

En Europe, une confiance fragilisée

À l’inverse, en Europe, si la science du climat est largement documentée, la confiance dans les chercheurs est affaiblie par la désinformation organisée. Une méta-analyse de 300 études publiées entre 2015 et 2025 montre que la diffusion d’informations trompeuses, volontaires (désinformation) ou non (mésinformation), freine la mobilisation d'après le Panel international sur l'environnement informationnel en 2025.

Les principaux responsables sont identifiés : grandes compagnies pétrolières, partis populistes, États et think tanks financés, tels que le Heartland Institute, qui promeuvent un « scepticisme stratégique ». Celui-ci ne nie pas le réchauffement, mais minimise ses conséquences, retardant ainsi les politiques d’atténuation et d’adaptation.

Les campagnes utilisées sont multiples: médias traditionnels, réseaux sociaux et rapports de durabilité d’entreprises, souvent employés pour du greenwashing. Cela entraîne un brouillage de l’information qui entretient la méfiance, favorise les théories du complot et alimente l’inaction politique.

Renforcer la confiance et l'action

L’accès à une information climatique fiable est un droit humain essentiel, rappelle l’ONU. Sans elle, impossible de prendre des décisions justes face à l’urgence climatique. C’est pourquoi les chercheurs appellent à agir sans délai : Il faut mettre en place des lois pour garantir la transparence des données, des poursuites contre la désinformation et le greenwashing, des coalitions citoyennes pour contrebalancer les lobbies, et une éducation scientifique et médiatique accessible à tous.

Sans scientifiques, pas de décisions éclairées.

Dans le Sud global, leur voix est de plus en plus écoutée, et l’action doit logiquement suivre. En Europe, il est temps de reprendre ce chemin et de surmonter les obstacles de la désinformation. L’urgence climatique, déjà mesurée à +1,52 °C entre février 2023 et janvier 2024, ne nous laisse aucune marge. Associer la science à chaque politique publique et à nos modes de vie est une nécessité.

Références de l'article

Carson, R.T., Lu, J., Khossravi, E.A. et al. The public’s views on climate policies in seven large Global South countries. Nat. Clim. Chang. (2025). https://doi.org/10.1038/s41558-025-02389-9

Semahat E., Klaus B . Peut-on se fier aux informations sur le climat ? Comment et pourquoi les acteurs puissants induisent le public en erreur. (2025). The Conversation.

Tandon, A. (2025, 22 août). Scientists are "most trusted" source of climate information in global-south survey. Carbon Brief