Les COP parlent-elles vraiment pour le climat ou pour elles-mêmes ?
Le cœur de la crise climatique bat-il vraiment dans les négociations mondiales ? En plein COP30, l'analyse du langage officiel révèle un récit étrangement déconnecté de l'urgence écologique. Qui parle, quand les mots du vivant sont absents ?

Trente ans. Trente COP. Des milliers d’heures de négociations et une courbe des émissions qui continue de grimper. Et encore : depuis l’Accord de Paris en 2015, ces conférences climatiques de l’ONU sont devenues l’un des symboles les plus visibles de la lutte internationale contre le réchauffement climatique. Pendant que la planète s’échauffe, que discutent exactement nos dirigeants à huis clos ? Du climat...ou d’eux-mêmes ?
Passée au crible du text mining, l'analyse statistique des déclarations officielles des COP entre 2015 (post-Accord de Paris) et 2022 révèle une dynamique inattendue. Cette étude écolinguistique, réalisée grâce à l’outil Iramuteq, montre de manière frappante à quel point le discours international s’est éloigné de l’urgence scientifique.
Seulement 22,9 % d'écologie et de climat pur
Les résultats sont sans appel : les thèmes dominants dans ces textes concernent avant tout la gestion interne des COP.
La première catégorie statistiquement la plus présente, représentant 26,2 % des occurrences, porte sur les fonds internationaux destinés à l’aide climatique aux pays vulnérables. Viennent ensuite, avec 14,2 %, les passages consacrés aux textes administratifs que produisent les COP, puis les contenus liés à leur préparation (13,7 %) et à leur organisation logistique (13,6 %).

Les véritables questions climatiques, les conséquences du réchauffement et les aspects strictement écologiques, n’apparaissent qu’en cinquième et sixième position, avec respectivement 11,6 % et 11,3 % du discours total. À peine 22,9 % des mots utilisés abordent réellement l’écologie ou les impacts du dérèglement climatique. Le reste parle… des COP elles-mêmes.
Une nature presque absente du langage
L’analyse devient encore plus troublante lorsque l’on observe les mots absents. Certains termes essentiels au vivant n’existent tout simplement pas dans ces textes. Le mot animal n’apparaît jamais. Des mots comme river, life ou ecological n’apparaissent qu’une seule fois sur huit ans de discours cumulés.
Natural n’est présent que trois fois, earth quatre fois, tandis que water, biodiversity ou ocean ne totalisent chacun que six occurrences. Six fois seulement, dans un corpus censé porter l’avenir même de ces éléments fondamentaux.
Ce vide lexical, loin d’un détail technique, révèle une manière de penser le climat qui ne parle presque jamais du vivant, mais essentiellement de mécanismes institutionnels. Les textes s’apparentent à un récit en vase clos, où la priorité est de gérer des engagements internationaux et de coordonner des procédures diplomatiques, plutôt que de répondre à la gravité de la situation écologique.
Le langage révèle ainsi la limite structurelle du modèle actuel : il tente de gérer les conséquences du changement climatique plutôt que d’en affronter les racines. Comme si l’on voulait soigner un incendie avec des rapports de réunion.
Une diplomatie déconnectée du réel
Ce décalage s’explique en partie par la manière dont les décisions sont prises : des négociations fermées entre délégations nationales, avec une influence croissante des acteurs économiques, pendant que les populations autochtones ou les mouvements de jeunesse peinent à accéder aux salles où tout se joue.
On se souvient du sponsor controversé de la COP27, Coca-Cola, ou des accusations d’écoblanchiment visant les Émirats arabes unis lors de la COP28. Dans le même temps, la promesse d’une sortie des énergies fossiles, enfin prononcée à Glasgow en 2021, n’a même pas été reconduite à Bakou en 2024.
Changer les mots pour changer le monde
Les mots façonnent l’imaginaire politique. Ce que l’on nomme existe ; ce que l’on omet se dissout. Tant que la nature ne sera qu’une variable technique à gérer, l’action climatique restera insuffisante, timide et profondément déconnectée du vivant.
Rien n’est perdu pour autant. Ces résultats nous rappellent que nous ne pouvons plus accepter que la diplomatie climatique se parle à elle-même. Nous devons réclamer un langage qui reconnecte les institutions au réel, qui remette le vivant au centre, qui ose questionner les causes plutôt que de reporter indéfiniment les solutions.
Référence de l'article
Wagener, A. (2025, novembre). Les textes des COP parlent-ils vraiment de climat ? Le regard de l’écolinguistique. The Conversation.