Vous souvenez-vous de la dernière fois où la France a connu une vraie vague de froid ? C'était en...2018

Vous trouvez qu’il fait froid ? Eh oui ! Cette semaine glaciale semble exceptionnelle. Pourtant, au sens climatologique, nous sommes loin d’une véritable vague de froid. En réalité, la dernière remonte déjà à… février 2018. Pourquoi sont-elles devenues si rares ?

La dernière vraie vague de froid en France date de 2018.
La dernière vraie vague de froid en France date de 2018.

Ces derniers jours, la France a connu des gelées généralisées, de la neige jusqu’en plaine et un froid « mordant ». À écouter les conversations, on croirait revivre un épisode historique. Mais au regard des critères climatologiques, ce n’en est pas un.

Quand le froid nous surprend...sans être vraiment exceptionnel

Pour qu’un épisode soit officiellement qualifié de vague de froid à l’échelle nationale, Météo-France s’appuie sur des critères précis : la température nationale moyenne doit descendre au moins une fois sous −2 °C, ne pas durablement remonter au-dessus de +0,9 °C pendant plus de deux jours, et l’épisode s’interrompt si la valeur dépasse +2,2 °C.

Or, l’épisode actuel ne remplit pas ces critères. Alors pourquoi cette impression d’un froid exceptionnel ? D’abord parce que le contraste est brutal : la semaine précédente, les températures étaient nettement supérieures aux normales de saison. Ensuite, parce que nos repères ont changé.

Un phénomène devenu rare

L'information peut nous surprendre : la France n’a plus connu de vague de froid depuis février 2018. Elle n’a duré que trois jours, et son intensité était faible. Selon une analyse d’attribution climatique, la probabilité d’occurrence d’un tel événement était comprise entre 0,04 % et 0,45 %. Le changement climatique, lui, l’a rendue trois fois moins probable qu’en l’absence d’activité humaine, et il l’a aussi adoucie de 0,9 °C à 2,1 °C par rapport à un climat non modifié.

On s’est habitués à des hivers qui n’en sont plus, on a perdu la notion de froid, Matthieu Sorel, climatologue à Météo-France.

Les projections indiquent qu’une vague de froid similaire sera deux fois moins fréquente d’ici 2040, et encore moins intense, avec un adoucissement supplémentaire de 0,4 °C à 1,6 °C.

Les grandes vagues de froid appartiennent déjà au passé !

Les quatre vagues de froid les plus sévères depuis le début des mesures (1956, 1963, 1985 et 1987) ont eu lieu il y a plus de 35 ans. À l’échelle mondiale, les résultats convergent : une étude parue dans le Bulletin of the American Meteorological Society (BAMS) en 2025 montre que les vagues de froid extrêmes sont en voie de disparition.

Les chercheurs Aurélien Ribes, Octave Tessiot, Julien Cattiaux (Météo-France/CNRS) et Yoann Robin (IPSL) montrent que des événements extrêmes comparables à celui de février 2012 en Europe de l’Ouest ont désormais près de 9 chances sur 10 de ne jamais se reproduire d’ici 2100. Autrement dit, la probabilité qu’un épisode aussi froid survienne à nouveau au cours du siècle est devenue extrêmement faible.

Vagues de froid observées en France...de moins en moins fréquentes. @Météo-France
Vagues de froid observées en France...de moins en moins fréquentes. @Météo-France

Pour les records historiques du XXᵉ siècle, les chiffres sont encore plus frappants : la probabilité de ne jamais les revoir dépasse 97 %, et atteint même 99 % pour les niveaux de froid enregistrés en 1985. Ces résultats suggèrent que les vagues de froid emblématiques appartiennent déjà presque entièrement au passé climatique de l’Europe.

Quand le froid s'efface... et que la chaleur s'enflamme

Le froid joue un rôle écologique essentiel : il régule certaines espèces, protège les forêts d’insectes ravageurs, structure les paysages. Sa raréfaction modifie déjà les écosystèmes, l’agriculture, l’énergie, les infrastructures, notre mémoire collective.

Alors que les records de froid s’effacent des statistiques, les vagues de chaleur deviennent simultanément plus fréquentes, plus longues et plus intenses. Les courbes se croisent. Nous entrons dans un monde où les extrêmes chauds progressent à grande vitesse, tandis que les extrêmes froids s’éteignent.

Tous ces changements sont des manifestations attendues du réchauffement climatique causé par les émissions humaines de gaz à effet de serre.

Se souvenir pour comprendre, comprendre pour agir

Si la France vivait demain une vague de froid comparable à celles de 2012 ou de 1985, ce serait probablement la dernière que nous connaîtrions de notre vivant. Le froid extrême n’est pas mort, mais il devient exceptionnel, presque insaisissable. À l’inverse, ce sont les canicules qui réécrivent désormais l’histoire météorologique.

Comprendre ce changement est une nécessité pour anticiper le monde dans lequel nous vivons déjà. Adapter nos villes, nos réseaux énergétiques, notre agriculture et notre santé à un climat où la chaleur représente la menace majeure est devenu un enjeu de sécurité collective. Le climat change vite ; la mémoire humaine, elle, oublie vite. La science, elle, nous aide à rester lucides.

Références de l'article

Ribes, A., Y. Robin, O. Tessiot, and J. Cattiaux, 2025: Recent Extreme Cold Waves are Likely Not to Happen Again This Century. Bull. Amer. Meteor. Soc., 106, E1759–E1771, https://doi.org/10.1175/BAMS-D-24-0013.1.

DRIAS. La vague de froid de février 2018. DRIAS — Les futurs du climat.

Institut Pierre‑Simon Laplace. (2025, 12 février). Les vagues de froid les plus extrêmes amenées à disparaître sous l’effet du changement climatique. IPSL.