Jusqu'où le changement climatique peut-il amplifier le risque d'orages supercellulaires et de tornade en Europe ?
Avec 700 orages supercellulaires déjà observés par saison convective, les projections climatiques annoncent une intensification de ce risque. Que signifie cette évolution pour l'Europe et, concrètement, pour la France ?

Les supercellules, longtemps considérées comme peu fréquentes en Europe, apparaissent aujourd’hui comme une menace bien plus présente. Grâce à des modèles très détaillés à l’échelle de quelques kilomètres, environ 700 supercellules se produiraient chaque saison convective. Ces orages particulièrement dangereux atteignent un maximum d’occurrence le long des Alpes méridionales, tandis que leur fréquence diminue nettement au-dessus des océans et des zones de plaine.
Les supercellules ne sont pas uniquement difficiles à observer en raison de leur caractère localisé. Leur suivi demeure souvent limité aux réseaux radar nationaux, ce qui a longtemps laissé penser qu’elles étaient rares sur le continent. Les nouvelles simulations permettent donc une première vision d’ensemble de leur occurrence actuelle. Elles montrent que les reliefs européens structurent leur distribution et que ce phénomène est loin d’être marginal, même à l’échelle de l’Europe de l’Ouest.
Mais qu'est-ce qu'une supercellule ?
Une supercellule est un orage isolé de très forte intensité, organisé autour d’un mésocyclone, c’est-à-dire un courant ascendant en rotation. Trois conditions sont nécessaires à son développement : un air chaud et humide en surface, un air plus froid en altitude, et un fort cisaillement vertical de vent, lié notamment à la présence d’un courant-jet. Cette combinaison permet à la cellule orageuse de s’organiser durablement. L’orage peut alors s’étendre sur 20 à 40 km, développer un nuage mur à sa base et atteindre 12 à 15 km d’altitude au niveau de son sommet.
Cette structure particulière lui confère une longévité supérieure à celle d’un orage classique, ainsi qu’un déplacement distinct, souvent décalé d’environ 30° par rapport aux autres cellules orageuses. Les supercellules entraînent des phénomènes intenses : grêle de grande taille (plus de 5 cm), précipitations très violentes mais brèves, rafales pouvant dépasser 100 km/h et activité électrique marquée. Les plus puissantes peuvent engendrer des tornades. Sur les radars, elles se reconnaissent parfois grâce à un écho en forme de crochet, signe de la rotation interne.
Hotspots liés au relief
Grâce à des simulations climatiques à très haute résolution (2,2 km), les chercheurs ont pu cartographier pour la première fois la répartition européenne de ces orages. Le résultat est sans appel : les zones montagneuses jouent un rôle déterminant. Les supercellules se concentrent autour des Alpes, du Massif central, des Pyrénées ou encore des reliefs d’Europe centrale.

À l’échelle européenne, le grand hotspot actuel se situe dans les Alpes méridionales, déjà connues pour concentrer des épisodes de grêle et de tornades particulièrement intenses. La France apparaît nettement sur cette carte du risque. Le Massif central, les contreforts pyrénéens et les régions alpines figurent parmi les secteurs les plus exposés.
Une Europe plus chaude...et plus instable
Les chercheurs ont ensuite simulé un climat réchauffé de +3 °C, horizon plausible d’ici la fin du siècle. Dans ce monde plus chaud, la fréquence des supercellules augmente en moyenne de 11 %. Cette hausse n’est toutefois pas uniforme : elle dessine un dipôle spatial marqué.
En effet, les supercellules deviennent plus fréquentes en Europe centrale et orientale, ainsi que dans les régions alpines. À l’inverse, leur occurrence diminue sur la péninsule Ibérique et dans le sud-ouest de la France.

Ces contrastes reflètent des modifications régionales des conditions favorables aux supercellules, liées notamment aux évolutions thermiques et dynamiques de l’atmosphère simulée.
Une France située dans un contrast régional marqué
Dans le contexte de ce dipôle, la France se trouve dans une situation intermédiaire. Le sud-ouest du pays est inclus dans la zone de diminution projetée, ce qui correspond aux régions où les conditions favorables aux supercellules deviendraient moins fréquentes. Cette évolution est cohérente avec la grande zone de baisse identifiée sur la péninsule Ibérique, qui s’étend vers le nord-est. Ces territoires seraient donc concernés par une occurrence plus faible dans le scénario simulé.
À l’inverse, les régions alpines françaises s’insèrent dans l’axe où l’augmentation est projetée. Comme les reliefs alpins correspondent déjà au maximum d’occurrence observé actuellement, les simulations suggèrent que cette tendance pourrait se renforcer dans un climat plus chaud. Le territoire français apparaît ainsi à cheval sur deux dynamiques européennes opposées : une baisse au sud-ouest, une hausse au niveau des Alpes.
Références de l'article
Feldmann, M., Blanc, M., Brennan, K. P., Thurnherr, I., Velasquez, P., Martius, O., & Schär, C. (2025). European supercell thunderstorms—An underestimated current threat and an increasing future hazard. https://doi.org/10.48550/arXiv.2503.07466
Météo-France. L'orage supercellulaire ou supercellule.