Energies fossiles, forêts, océans : qui absorbera nos 42 milliards de tonnes de CO2 par an ?
Chaque année, nous relâchons plus de CO₂ que la Terre ne peut en absorber. Entre l’essor des énergies fossiles, la fragilité des forêts et la surchauffe des océans, qui portera encore le poids de nos 42,2 milliards de tonnes ?

En 2025, les émissions mondiales de CO₂ atteignent 42,2 milliards de tonnes. À ce rythme, en un peu plus d’un mois, l’humanité rejette autant de CO₂ que le monde entier en une année dans les années 1940. La part issue des énergies fossiles devrait encore augmenter de 1,1 %. Comprendre ces ordres de grandeur est essentiel pour mesurer l’ampleur du défi climatique.
Parmi ces 42,2 milliards de tonnes, 38,1 proviennent des énergies fossiles et 4,1 de changements d’usage des terres, comme la déforestation.
La machine continue de tourner !
La réalité est simple à expliquer : le CO₂ est un gaz « longue durée ». Une fois émis, il peut rester dans l’air pendant des siècles. C’est cette persistance qui en fait le principal moteur du changement climatique d’origine humaine.
Ce qui frappe, cette année, c’est le contraste entre les régions du monde. La Chine et l’Inde, bien que responsables respectivement de 32 % et 8 % des émissions globales, voient leur croissance ralentir par rapport à la dernière décennie.
Les émissions de la Chine devraient augmenter de 0,4 % et celles de l’Inde de 1,4 %, des croissances plus faibles que par le passé, grâce à un développement soutenu des énergies renouvelables. À l’inverse, les émissions des États-Unis (13 %) et de l’Union européenne (6 %) repartent à la hausse, parfois sous l’influence… de la météo. Elles sont projetées à +1,9 % pour les USA et +0,4 % pour l’UE, tandis que le Japon voit ses émissions diminuer de 2,2 % pour la première fois dans ces projections. Le monde avance, mais pas dans le même sens.
Forêts : un poumon qui s'essouffle ?
Les forêts jouent un rôle vital dans le cycle du carbone. On les appelle « puits de carbone » parce qu’elles absorbent une partie du CO₂ issu de nos activités. Sur la dernière décennie, la terre a capté 21 % de nos émissions. Mais le rapport 2025 confirme ce que de nombreux chercheurs redoutaient : les puits terrestres sont plus petits que ce que l’on pensait, une révision due à une meilleure compréhension de la dynamique des sols et des écosystèmes.
L’année 2024 a été particulièrement rude pour ces puits naturels. Sous l’effet d’El Niño et de températures élevées, la capacité d’absorption du CO₂ a chuté. En 2025, une partie de cette force revient, une preuve de la résilience du vivant, mais aussi de sa vulnérabilité. Plus le climat se réchauffe, plus ces puits risquent de s’affaiblir. Leur rôle futur dépendra étroitement de nos choix présents.
Malgré cela, certaines politiques montrent leur efficacité : la déforestation en Amazonie a diminué et les émissions liées à l’usage des terres restent en moyenne à 4 GtCO₂/an, compensées pour moitié par la reforestation et la régénération forestière. Cependant, les forêts tropicales d’Asie du Sud-Est et d’Amérique du Sud sont désormais devenues des sources nettes de CO₂ à cause du changement climatique et de la déforestation.
Océans : le plus grand allié... jusqu'à quand ?
Si un héros devait être désigné dans notre histoire carbone, ce serait l’océan. Sur la dernière décennie, il a absorbé 29 % de nos émissions, plus que les terres. Ce gigantesque puits bleu est 15 % plus efficace que le puits terrestre, selon les nouvelles observations. Sans lui, l’atmosphère serait aujourd’hui étouffée par des concentrations bien plus élevées de CO₂.
Toutefois, ce « géant » a ses limites. Le changement climatique réduit progressivement l’efficacité des puits naturels de CO₂. Depuis 1960, cette baisse d’efficacité a ajouté 8,3 ppm de CO₂ dans l’atmosphère.
Leur rôle demeure crucial, mais leur marge de manœuvre se réduit. Depuis 1960, environ 8 % de l’augmentation du CO₂ atmosphérique est attribuable à l’affaiblissement des puits terrestres et océaniques sous l’effet du changement climatique. En 2025, la concentration de CO₂ dans l’atmosphère atteindra 425,7 ppm, soit 52 % au-dessus du niveau préindustriel.
Que faire de nos 42,2 milliards de tonnes ?
Le budget carbone restant, la quantité totale de CO₂ que nous pouvons encore émettre pour limiter le réchauffement, fond à grande vitesse. Pour avoir 50 % de chances de rester sous +1,5 °C, il ne reste que 170 milliards de tonnes, soit… quatre années au rythme d’émissions de 2025. Pour rester sous +2 °C, nous avons 25 ans devant nous.
35 pays ont réussi à réduire leurs émissions tout en continuant de croître économiquement, soit deux fois plus qu’il y a dix ans. Mais ces progrès restent fragiles et insuffisants.
Ce constat est une invitation à réduire drastiquement nos émissions avant qu'il ne soit trop tard. Même si les valeurs exactes comportent une variabilité naturelle et une incertitude statistique, la tendance est robuste : les forêts et les océans ne pourront pas absorber éternellement ce que nous ne sommes pas prêts à réduire.
Le rapport de Global Carbon Project souligne également l’importance de l’innovation technologique et des politiques publiques : les technologies propres se révèlent efficaces et moins coûteuses que les alternatives fossiles, mais il faut agir vite.
Références de l'article
CSIRO. (2025, 13 novembre). Global carbon dioxide emissions from fossil fuels rise in 2025.
Global Carbon Project. (2025, 13 novembre). Fossil fuel CO₂ emissions hit record high in 2025.