L’expérience Bion-M n° 2, une « arche de Noé » russe revenue de l’espace avec son équipage et voici les résultats

Le biosatellite Bion-M n° 2, avec à son bord un équipage d’organismes, a voyagé 30 jours avant de revenir en Russie. Quels étaient les objectifs de l’expérience, pourquoi un biosatellite et quelle est sa signification pour la science spatiale ?

L’expérience Bion-M n° 2, une « arche de Noé » russe revenue de l’espace avec son équipage, et voici les résultats. Crédits : RAS
L’expérience Bion-M n° 2, une « arche de Noé » russe revenue de l’espace avec son équipage, et voici les résultats. Crédits : RAS

Le 19 septembre 2025, le module de descente du biosatellite Bion-M n° 2 a atterri dans les steppes d’Orenbourg après 30 jours en orbite polaire. À bord se trouvaient 75 souris, plus de 1500 mouches des fruits et d’autres échantillons biologiques, dans le cadre de plus de 30 expériences coordonnées par Roscosmos et l’Institut des Problèmes Biomédicaux (IBMP) de l’Académie des Sciences de Russie (RAS).

Le projet étudie la façon dont les organismes vivants survivent à un vol en orbite à haute latitude, où le niveau de rayonnement spatial est un tiers plus élevé que sur l’orbite de la Station Spatiale Internationale (ISS).

Le satellite avait été lancé le 20 août depuis Baïkonour à bord d’une fusée Soyouz-2.1b, construite par le Progress Rocket Space Center, avec le suivi scientifique de l’IBMP. La mission a utilisé une orbite polaire/héliosynchrone afin d’accroître l’exposition au rayonnement cosmique et d’étudier ses impacts biologiques en vue de futures opérations en orbites de haute latitude.

Qu’est-ce que Bion-M n° 2 et quelle est sa fonction

Bion-M est la continuation d’une série soviéto-russe de biosatellites consacrée à la biologie spatiale. Il s’agit de vols automatisés avec retour qui permettent d’analyser, sur Terre, les effets de l’apesanteur, du rayonnement et du confinement contrôlé sur de multiples organismes. La série remonte à 1973 ; la génération actuelle Bion-M a volé pour la première fois en 2013 et a été conçue pour des campagnes d’environ 30 jours.

La variante n° 2 a été configurée comme un « laboratoire en orbite », intégrant des modules d’habitat, de contrôle environnemental et de télémétrie afin de maintenir les paramètres physiologiques dans des plages de bien-être animal durant le vol, et d’enregistrer en continu les variables comportementales. L’IBMP a indiqué, au cours de la mission, que « l’équipage » se trouvait dans des conditions de confort.

Bion-M est la continuité d’une série soviéto-russe de biosatellites consacrée à la biologie spatiale. Ce sont des vols automatisés avec retour qui permettent d’analyser, sur Terre, les effets de l’apesanteur, du rayonnement et du confinement contrôlé sur de multiples organismes.

Au-delà de sa valeur scientifique, Bion-M n° 2 teste des profils orbitaux pertinents pour la future ROSS (station russe en orbite polaire), où le rayonnement peut être environ un tiers plus élevé que dans l’orbite de l’ISS. Évaluer les tolérances biologiques et les technologies de protection dans ce régime est stratégique pour la médecine spatiale et la biosécurité.

L’« équipage » et la conception expérimentale

La cargaison biologique, autrement dit l’équipage, a cette fois-ci inclus : des souris de laboratoire, des mouches Drosophila, des plantes, des champignons/lichens, des micro-organismes et des cultures cellulaires. L’ensemble a permis des études croisées de physiologie gravitationnelle, de neurobiologie, de microbiologie, de radiobiologie et de biotechnologie, avec plus de 30 protocoles menés en parallèle

La cargaison biologique, autrement dit l’équipage, a dans ce cas inclus : des souris de laboratoire, des mouches Drosophila, des plantes, des champignons/lichens, des micro-organismes et des cultures cellulaires. Crédits : RAS
La cargaison biologique, autrement dit l’équipage, a dans ce cas inclus : des souris de laboratoire, des mouches Drosophila, des plantes, des champignons/lichens, des micro-organismes et des cultures cellulaires. Crédits : RAS

L’orbite polaire (~370–380 km, i≈96–97°) a exposé les organismes à des trajectoires avec un passage accru dans les ceintures de radiation. L’objectif est de quantifier les altérations moléculaires et des systèmes (nerveux, musculosquelettique, cardiovasculaire), les changements des microbiomes et les taux de dommages dus au rayonnement, en comparaison avec des contrôles restés sur Terre.

Dans Bion-M n° 2, des études expérimentales de physiologie gravitationnelle, de neurobiologie, de microbiologie, de radiobiologie et de biotechnologie ont été menées.

Une partie du programme a repris la logique de « l’arche de Noé » afin d’évaluer les réponses convergentes ou divergentes entre taxons. Le module de descente récupérable a permis une extraction rapide sur place et un transfert vers les laboratoires de l’IBMP/RAS pour les analyses post-vol (histologie, omiques, comportement). La récupération à Orenbourg a eu lieu immédiatement après l’atterrissage.

Une « pilule » contre le rayonnement spatial

Les scientifiques estiment que, lors des vols de longue durée, les équipages interplanétaires seront exposés au rayonnement spatial. Dans ces conditions, des espèces réactives de l’oxygène (ERO) se forment dans les tissus, substances toxiques qui provoquent des dommages cellulaires et un stress oxydatif. Les humains et les animaux disposent d’un système de défense contre cet effet, dont l’activité est régulée par le gène Nrf2. L’un des objectifs de la mission Bion-M n° 2 est d’étudier la fonction de ce gène et des systèmes qu’il régule dans l’espace.

Le projet étudie comment les organismes vivants survivent à un vol en orbite de haute latitude, où le rayonnement spatial est un tiers plus élevé que dans l’orbite de l’ISS. Crédits : RAS
Le projet étudie comment les organismes vivants survivent à un vol en orbite de haute latitude, où le rayonnement spatial est un tiers plus élevé que dans l’orbite de l’ISS. Crédits : RAS

Au cours du vol, l’expérience a été menée avec trois groupes de souris de laboratoire. Le premier était constitué de souris knockout, chez lesquelles le gène Nrf2 avait été désactivé. Le deuxième groupe était composé de souris normales. Le troisième groupe a reçu le médicament omevaxolone, qui active l’expression du gène Nrf2 et stimule les systèmes antioxydants.

Les spécialistes cherchent à déterminer si l’activation ciblée de ces systèmes de protection garantira la santé des astronautes lors de vols interplanétaires de longue durée et, à l’avenir, la capacité des humains à travailler sur d’autres planètes.

Atterrissage, imprévus et premières données

Le module a touché terre dans la région d’Orenbourg le 19 septembre 2025, vers 11 heures (heure de Moscou), avec une récupération assurée par les équipes de Roscosmos. Les rapports officiels indiquent un petit incendie de végétation, rapidement maîtrisé, qui n’a pas affecté l’extraction de la cargaison scientifique.

L’IBMP a confirmé la survie de la majorité des rongeurs ; 10 des 75 souris n’ont pas survécu, pour des causes encore en cours d’analyse (multifactorielles, pas nécessairement liées au rayonnement). Le reste des spécimens a été transféré à Moscou pour des études détaillées dans les premières 24 heures après l’atterrissage, une fenêtre critique pour les biomarqueurs labiles.

L’objectif de Bion-M n° 2 est de quantifier les altérations moléculaires et des systèmes (nerveux, musculosquelettique, cardiovasculaire), les changements des microbiomes et les taux de dommages dus au rayonnement, en les comparant avec des contrôles restés sur Terre.

Les analyses porteront sur les dommages liés au rayonnement (γ/HZE) et leur réparation, la plasticité synaptique et la locomotion (souris/Drosophila), les altérations d’expression génique et épigénétique, la dynamique des microbiomes et la viabilité des biotechnologies (par exemple : culture/fermentation en microgravité). Seront également évaluées des technologies de protection radiologique et des critères de bien-être animal pour les missions de longue durée.

L’IBMP a confirmé la survie de la majorité des rongeurs. Le reste des spécimens a été transféré à Moscou pour des études détaillées. Crédits : RAS
L’IBMP a confirmé la survie de la majorité des rongeurs. Le reste des spécimens a été transféré à Moscou pour des études détaillées. Crédits : RAS

En parallèle, la NASA a documenté le cadre de coopération historique IBMP–NASA autour de Bion-M ainsi que les objectifs généraux de M-2 (rongeurs comme modèle de mammifère, diversité des spécimens et axes de radiobiologie), utiles pour contextualiser les lignes d’analyse comparables aux standards internationaux.

Références de l'article :

Progress Rocket Space Center. “Soyuz-2 coloca en órbita el biosatélite Bion-M”. Comunicado de lanzamiento del 20 de agosto de 2025.

Tass, Russian News Agency, "Biosatellite Bion-M No. 2 with mice on board to land in Orenburg steppes". 18 de septiembre de 2025.

Academia Rusa de Ciencias (RAS). “Top-5 expectativas de los resultados de la expedición Bion-M No. 2” . 19 de septiembre de 2025.