Promesses envolées : pourquoi 95% des Etats signataires freinent-ils l'Accord de Paris ?
Dix ans après l’Accord de Paris, l’ambition climatique s’efface alors que les menaces deviennent de plus en plus sérieuses. Pourquoi tant d’États retardent-ils leurs engagements ?

Dix ans après la signature de l'Accord de Paris, les promesses climatiques s'effondrent face aux réalités politiques et économiques. Le 10 février 2025, les 195 pays signataires étaient censés soumettre leur nouvelles feuilles de route pour 2035, ces fameuses Contributions Déterminées au niveau National (CDN), qui devaient préciser leurs efforts de réduction des émission.
Un engagement qui s'effrite
En 2015, l’Accord de Paris était clair : chaque Partie devait mettre à jour ses engagements tous les cinq ans pour rester aligné avec les dernières avancées scientifiques. Pourtant, seuls 10 pays ont respecté l'échéance, autrement dit, 95 % des États ont laissé passer la date butoir.
Faute de nouveaux engagements, les États restent sur leurs plans de 2020, qui, selon l’ONU, nous mènent vers un réchauffement de 2,6 à 2,8°C d’ici 2100, bien au-delà de la limite fixée par l’Accord de Paris. Sans accélération immédiate des efforts, nous courons vers un emballement climatique aux effets irréversibles.
Des poids lourds parmi les retardataires
Parmi les pays qui n'ont pas respecté l'échéance, on retrouve des acteurs majeurs comme la Chine, l'Union européenne, le Canada et le Japon. Chacun avance ses propres raisons : difficultés techniques, incertitudes politiques, pressions économiques.
Le retour au pouvoir de Donald Trump, climatosceptique notoire, a semé le doute au sein de nombreuses chancelleries. Des diplomates confient au Guardian qu’il serait désormais "préférable d’attendre que la tempête Trump passe" avant d’annoncer de nouvelles mesures.
En Europe, le retard s'explique par la lenteur du processus de validation entre les 27 États membres. Pourtant, Caroline François-Marsal du Réseau Action Climat (RAC) souligne l'urgence : "L'Europe doit accélérer la cadence et redevenir un moteur des négociations climatiques."
La Chine, première émettrice mondiale, entretient le flou sur son calendrier. "Son plan est extrêmement important à surveiller, mais elle montre rarement ses cartes en avance", regrette Gaïa Febvre, du RAC.
De son côté, l’Inde prévoit une annonce entre juin et décembre, mais déjà, des sources officielles avertissent que son engagement sera minime, en raison de son mécontentement envers les accords jugés "néocolonialistes" signés lors de la COP29 à Bakou.
Des engagements faibles, même pour les bons élèves
Si certains pays ont soumis leur plan à temps, cela ne signifie pas pour autant qu'ils soient exemplaires. Parmi eux, le Royaume-Uni, le Brésil, les Émirats arabes unis, la Nouvelle-Zélande et la Suisse. Cependant, selon Climate Action Tracker, les plans du Brésil, des Émirats et des États-Unis sont jugés "incompatibles" avec l'objectif de +1,5°C. Quant à la Nouvelle-Zélande, ses engagements sont qualifiés "d'incroyablement peu ambitieux".
Un cas emblématique est celui des États-Unis. Juste avant de quitter ses fonctions, Joe Biden a soumis une feuille de route ambitieuse, mais Donald Trump a déjà amorcé le processus de retrait du pays de l'Accord de Paris. Ce revirement illustre bien le fait que sans stabilité politique, les efforts peuvent être balayés en un clin d'œil.
Un report dangereux
Au total, les pays retardataires sont responsables de 83 % des émissions de gaz à effet de serre et représentent près de 80 % de l’économie mondiale. Une situation qui inquiète la communauté scientifique.
Pourtant, du côté de l’ONU, on joue la carte de la patience. Simon Stiell, secrétaire exécutif des Nations Unies pour le climat, assure que « les gouvernements prennent cela très au sérieux » et que les nouveaux plans devraient être publiés au plus tard en septembre.
Ce retard généralisé n’est malheureusement pas une première. En 2020, seuls cinq États avaient respecté l’échéance de février. Cette inertie révèle le principal talon d’Achille de l’Accord de Paris : sans contrainte légale, chaque État est libre de repousser l’échéance à sa convenance.
Le Brésil, hôte de la prochaine COP30 en novembre, espère faire de cet événement un tournant historique pour l'action climatique. Son ambition est claire : remettre le monde sur la trajectoire de l’Accord de Paris.
Sans une mise à jour rapide des engagements, les négociations risquent de stagner, voire de tourner au fiasco marqué par une nouvelle série de promesses creuses, sans véritable action concrète.
Sources de l'article
Clévenot, E. (2025, 11 février). Climat : une échéance cruciale ignorée par 95 % des pays. Reporterre.
Morton, A. (2024, 5 septembre). L'Australie pourrait retarder l'annonce de son objectif climatique pour 2035 alors que le monde attend le résultat de l'élection américaine. The Guardian.