Poussière de freins : pourquoi ce tueur silencieux n'est-il toujours pas réglementé ?
Plus toxique que les gaz d’échappement, la poussière de freins reste pourtant hors des radars des régulateurs. Décryptage d’un enjeu de santé publique.

Chaque jour, en traversant une rue ou en marchant sur un trottoir, nous inhalons sans le savoir, une pollution qui ne fait l’objet d’aucune réglementation jusqu' à présent : la poussière de freins. Contrairement aux gaz d’échappement, souvent pointés du doigt, ces particules métalliques invisibles sont issues de l’usure des disques et des plaquettes de frein.
Une récente étude révèle qu’elles pourraient être encore plus toxiques pour nos poumons que les émissions diesel.
Danger imminent !
Si les pots d’échappement sont désormais soumis à des contrôles stricts, les émissions dites « non issues à l’échappement », comme l’usure des routes, des pneus et des freins, génère plus de pollution que les émissions des moteurs thermiques, notamment en Europe.
Au Royaume-Uni, ce type d'émissions représente 60 % des particules polluantes liées aux véhicules. Contrairement aux gaz d’échappement, elles ne sont pas filtrées et se dispersent directement dans l’air que nous respirons.
La poussière de freins contient un cocktail de métaux lourds (fer, cuivre, antimoine) qui, une fois inhalés, pénètrent profondément dans nos poumons. Selon les chercheurs, l’un des coupables principaux est le cuivre, un métal qui altère la fonction pulmonaire et augmente le risque de maladies respiratoires. Or, près de 50 % du cuivre présent dans l’air provient des freins et des pneus.
Les voitures électriques non épargnés
On pourrait penser que le passage aux véhicules électriques résoudra le problème. Erreur. Certes, ces voitures n’émettent plus de gaz d’échappement, mais elles n’échappent pas aux émissions issues de l’usure mécanique. Plus lourdes que les véhicules thermiques en raison de leurs batteries massives, elles génèrent souvent davantage de poussière de freins et de pneus.
Les systèmes de freinage régénératif, qui permettent de ralentir le véhicule en utilisant le moteur comme générateur, réduisent en partie ce problème. Cependant, ces voitures restent équipées de freins classiques qui continuent de produire des particules fines à chaque arrêt complet.
Autre paradoxe : les plaquettes de frein modernes, censées être plus sûres après l’interdiction de l’amiante en 1999, se révèlent en réalité encore plus nocives. La nouvelle étude montre que les poussières issues des freins sans amiante libèrent des particules encore plus toxiques que celles des anciens modèles… et même plus nocives que les émissions diesel.
Pourquoi n'y a-t-il pas encore de réglementation ?
Malgré les preuves de leur toxicité, les poussières de freins restent hors du cadre réglementaire. Contrairement aux gaz d’échappement, contrôlés et taxés, ces émissions invisibles ne font l’objet d’aucune restriction dans la plupart des pays.
L’Europe prévoit enfin d’introduire des limites avec la future norme Euro 7 en 2026. Une première avancée qui pourrait pousser les constructeurs à revoir la composition de leurs plaquettes de frein. Mais l’ambition de cette réglementation reste floue et son application pourrait être retardée sous la pression des lobbies industriels.
Aux Etats-Unis, la Californie et l’État de Washington, ont pris les devants en imposant une réduction du cuivre dans les freins. Mais ces initiatives restent isolées et ne répondent qu’à une partie du problème.
Nécessité d'une action immédiate
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la pollution de l’air tue environ sept millions de personnes chaque année. Pourtant, un de ses vecteurs majeurs, cette fine poussière libérée à chaque freinage, reste ignoré des politiques publiques.
L’industrie automobile a déjà su s’adapter par le passé : elle a éliminé l’amiante, elle peut aujourd’hui trouver des alternatives aux matériaux toxiques utilisés dans les plaquettes de frein. Mais elle ne bougera pas sans une pression forte des citoyens et des gouvernements.
Les urbanistes aussi ont un rôle à jouer : réduire la circulation, fluidifier le trafic, limiter les freinages inutiles. Ce ne sont pas seulement des choix écologiques, mais des décisions vitales pour la santé publique.
Sources de l'article :
Parkin, J.G.H., Dean, L.S.N., Bell, J.A. et al. Copper-enriched automotive brake wear particles perturb human alveolar cellular homeostasis. Part Fibre Toxicol 22, 4 (2025). https://doi.org/10.1186/s12989-024-00617-2
Parkin, J., & Loxham, M. (2025, 14 février). La poussière des freins peut être plus nocive que les émissions diesel – nouvelle étude. The Conversation.