Peut-on encore compter sur du lait bio en France quand seul le prix compte ?
En France, le lait bio traverse une crise silencieuse. Entre chute des conversions, désengagement des producteurs et course au prix bas, existe-t-il encore une lueur d'espoir ? Décryptage.

Depuis quelques années, le lait biologique est le symbole d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement, du bien-être animal et de la santé. Pourtant, en France, si certains consommateurs pensaient que choisir bio était un geste acquis, les chiffres et la réalité du terrain racontent une toute autre histoire : celle d’un système à bout de souffle, où même les convictions peinent à survivre à la pression des prix.
Un travail de titan pour des peanuts !
Le prix moyen du lait bio s’élevait à 438 €/1 000 litres, une quasi-stagnation par rapport à 2023. À la même période, le lait conventionnel atteignait 50 centimes par litre, contre 54 centimes pour le bio.
Cet écart, historiquement de 130 €/1 000 l, s’est réduit à peine, à 50 €. Une différence minime pour un effort considérable. Cela prouve que compter uniquement sur le marché pour rémunérer ce qui est bon pour l’environnement est un pari risqué. Le bio coûte plus cher à produire, mais sa valeur environnementale reste largement sous-rémunérée.
De plus, la météo défavorable, notamment les fortes pluies du printemps 2024, a impacté les systèmes herbagers, essentiels à la production bio. Récoltes compromises, pâturages difficiles… La nature elle-même semble se liguer contre une production pourtant respectueuse de ses cycles.
Moins de producteurs, moins d'avenir
Depuis le pic de juin 2022, où plus de 4 300 producteurs livraient du lait bio, ce nombre est passé sous la barre des 3 900 en novembre 2024, soit une chute de 10 %. Et la tendance se poursuit. La région Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, enregistre une baisse de 7,6 %, tandis que l’Est de la France, touché par la Fièvre Catarrhale Ovine (FCO), dépasse les -8 %.
Et pourtant, l’espoir fleurit ailleurs. L’Allemagne fait figure d'exception malgré une part encore faible de lait bio dans sa production (4,4 %): la collecte de lait bio y augmente, portée par une demande nationale dynamique . Le pays devient ainsi le premier producteur de lait bio de l’UE, démontrant que des politiques adaptées peuvent changer la donne.
Un marché en perte de vitesse
Côté consommation, les nouvelles ne sont guère plus rassurantes. En 2024, les ventes de produits laitiers bio continuent leur déclin, avec un recul de 5,7 % en grande distribution.
Si jamais la demande repart, ce qui est probable avec la montée des préoccupations écologiques, l’offre pourrait ne pas suivre. Car convertir une exploitation au bio ne se fait pas en un claquement de doigts, et beaucoup de producteurs renoncent face aux incertitudes économiques.
Par ailleurs, les produits laitiers bio restent plus chers, alors que l’inflation redessine les priorités des consommateurs. À titre d’exemple, le beurre bio coûte +10 % par rapport au conventionnel, les yaourts : +15 à 20 %, la crème et les fromages : jusqu’à +45 %.
Une régulation nécessaire
En France, l’incitation à convertir vers l’agriculture biologique s’essouffle. Trop de contraintes, pas assez de garanties.
L’avenir du lait bio ne peut reposer sur la seule loi du marché. Il nécessite des règles du jeu équitables. Une réglementation plus ambitieuse, qui protège les producteurs face à une concurrence déloyale et valorise les externalités positives du bio, est essentielle.
Si on veut vraiment d’un lait qui respecte la terre, les animaux et ceux qui les élèvent, le soutien public, la réglementation protectrice, et une consommation engagée sont les seules pistes crédibles.
Le choix nous appartient encore. Mais pour combien de temps ?
Sources de l'article
Turban, P. (2025, avril 22). L'inquiétant déclin du lait bio. Les Echos.
Struna, H., & Sanchez Manzanaro, S. (2024, octobre 31). Durable, mais invendable : les producteurs de lait bio lâchés par l’industrie. EURACTIV.