Je clique, ça arrive... mais qui paie l'empreinte carbone ?
Livraisons ultra-rapides, impact climatique XXL. L’ADEME met en garde : notre habitude menace nos objectifs carbone. Elle mise sur des alternatives sobres pour décarboner la logistique.

Commander un t-shirt, un livre, ou un robot-mixeur n’a jamais été aussi simple. Un clic, une notification, et hop : votre colis est là. Parfois en quelques heures, livré au pied de votre porte. Pourtant, cette fluidité constitue une véritable machine énergétique, dont l’impact climatique est loin d’être neutre.
En France, la logistique représente 63 millions de tonnes équivalent CO2, soit 16 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES). Et ce chiffre ne baisse pas, au contraire ; car le développement du e-commerce pousse les flux toujours plus proches du client, jusqu’à la porte de son appartement.
Un dernier kilomètre...lourd de conséquences
À lui seul, le transport de marchandises en ville représente 25 % des émissions de GES des transports urbains, 30 % de l’occupation de la voirie et 33 % des polluants atmosphériques. Autant dire qu’un colis n’arrive jamais seul : il amène avec lui du bruit, de la pollution et de la congestion.
Le fameux « dernier kilomètre », celui qui relie un centre logistique à notre porte, est le plus coûteux… et le plus polluant. Il est au cœur des enjeux de la transition écologique. Son impact sur le climat est tel qu’il menace les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), qui vise une réduction de 50 % des émissions d’ici 2030. Et l’électrification des flottes, bien qu’essentielle, ne suffira pas.
Le grand défi
La promesse de neutralité carbone d’ici 2050 passe donc forcément par une réinvention du secteur logistique, et notamment de ses premiers et derniers kilomètres.
Pour transformer ce secteur qui emploie 1,8 million de personnes, l’ADEME a lancé en 2024 l’eXtrême Défi Logistique, une initiative inédite pour repenser la logistique du premier et dernier kilomètre. Trois solutions, un même objectif : mutualiser pour moins polluer.
Centres de distribution urbains (CDU): des mini-gares logistiques
Parmi les leviers identifiés, les CDU font figure de pionniers. Ce sont de petits entrepôts à la périphérie des centres-villes qui agrègent les flux de plusieurs transporteurs pour optimiser les tournées vers le cœur urbain. Cette approche nous permettra de réduire jusqu’à 13 % les émissions de GES dans les villes denses.
Toutefois, si l'idée paraît simple, la réalité économique est plus complexe. Beaucoup de projets souffrent d’un manque de flux ou d’un modèle économique instable. Ceux qui perdurent s’appuient sur des financements diversifiés et proposent des services à valeur ajoutée comme le stockage ou la préparation de commandes.
La clé réside dans l’implication des collectivités, qui peuvent instaurer des cadres réglementaires incitatifs. Exemple à Lille, où un CDU fermé a été relancé grâce à une livraison mutualisée entre transporteurs.
Les microhubs : des bulles logistiques au cœur des villes
Autre solution plus souple et en plein essor : les microhubs. Ce sont de petits espaces logistiques temporaires, souvent placés sur une place de parking, qui permettent de faire le lien entre les poids lourds et des modes de livraison doux comme les vélos-cargos. Leur principal atout, c'est qu'ils réduisent la distance à parcourir en ville et facilitent la cyclologistique.
Moins coûteux à installer, ils se heurtent principalement à des verrous fonciers et réglementaires. Selon l'ADEME, sans un soutien politique clair, leur développement reste marginal. À Nantes, la filiale Sofub teste ainsi plusieurs microhubs pour évaluer leur viabilité selon les territoires.
Circuits courts mutualisés : quand manger local devient aussi logistique
Paradoxalement, acheter local n’est pas toujours synonyme d’écologie. Faute d’organisation, les producteurs livrent eux-mêmes avec des véhicules peu remplis et polluants. D’où l’idée de mutualiser les trajets, comme dans l’Aveyron, où une société coopérative d’intérêt collectif va centraliser les flux.
Un changement culturel autant que logistique s'impose : il faut convaincre les producteurs de confier la livraison à un tiers, tout en gardant l’éthique du circuit court.
Le Département de l’Aveyron montre l’exemple en mettant en place une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) portée par la Chambre d’agriculture et les collectivités. L’objectif : organiser des ramassages mutualisés et des distributions efficaces, avec un fort potentiel de montée en échelle.
Une responsabilité collective
Quel que soit le modèle, les acteurs privés seuls ne suffiront pas. Pour que ces solutions se généralisent, les collectivités locales doivent jouer un rôle moteur. En facilitant l’accès au foncier, en imposant des réglementations incitatives (zones à faibles émissions, accès restreint…), ou encore en développant des outils de planification et de partage de données, elles peuvent enclencher une dynamique vertueuse.
Certaines villes européennes s’y sont déjà mises : à Padoue, les livraisons passent par un opérateur municipal exonéré du péage urbain. À Chartres, l’accès des camions est limité, une alternative locale a été créée.
Désormais, il est fondamental de repenser la manière dont nos colis nous parviennent. À chaque clic, il faut se dire : à quel prix arrive mon colis ? Pas seulement en euros, mais en kilomètres parcourus, en carburant brûlé, en CO2 rejeté. Il est temps de passer de l’instantané au durable.
Source de l'article
Bourvon, T. (2025, avril 28). Livraison du dernier kilomètre : Quelles solutions demain pour décarboner la logistique ? The Conversation.