Insecticides : pourquoi l'État français a fait marche arrière sur la vente des produits aux particuliers ?

Officiellement interdits à la vente pour les particuliers depuis 2018, les insecticides et les biocides les plus toxiques trônent pourtant toujours sur les étales des jardineries et autres supermarchés. Alors pourquoi l'État français laisse-t-il faire ?

La vente, l’usage et la détention des insecticides devraient être interdits pour les jardiniers amateurs depuis 2018.
La vente, l’usage et la détention des insecticides devraient être interdits pour les jardiniers amateurs depuis 2018.

Depuis 2018, les particuliers ne peuvent plus acheter, utiliser et stocker de pesticides pour jardiner et désherber. En théorie. Car d'après une enquête menée par Reporterre, les autorités auraient discrètement abandonnée la mesure au profit de rayons de jardineries, supermarchés et magasins de bricolage qui continuent de proposer ces produits parfois dangereux pour la santé et les écosystèmes.

Des produits toxiques en libre-service

Parmi les insecticides et biocides encore disponibles, se trouvent des produits contre les petits rongeurs, les guêpes, les mouches, les fourmis, les moustiques, etc. Selon l'enquête, « une large part de ces produits, trop risqués pour la santé ou pour l’environnement, ne devrait plus être en accès libre. »

Le problème lié à cette loi votée en 2018 ? Depuis sept ans, les différents gouvernements n'ont jamais pris l'arrêt qui définit la liste exacte des produits concernés, rendant la mesure inutile. Elle aurait même été abandonnée, et ce dans des « conditions pour le moins opaques », au risque de laisser les Français faire un « usage inconsidéré » de nombre de produits, en étant « trop peu informés sur leur toxicité », selon les experts.

Les intentions gouvernementales sont pourtant louables au départ : « protéger efficacement nos citoyens et en particulier les populations sensibles. » Un amendement à la loi Egalim (Équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire) est adopté en 2018 pour mieux encadrer les produits destinés à combattre les organismes jugés nuisibles.

Alors pourquoi un tel recul ? Le gouvernement demande à l'Anses de déterminer quels produits devraient être enlevés des rayons. En 2022, après avoir passé en revue les principales substances actives, l’agence se prononce pour une interdiction très large, notamment l’essentiel des rodonticides et des insecticides.

Après cet avis, rien n'est mis en place. Les autorités ont renoncé à appliquer l’interdiction de vente en libre-service. Contacté par Reporterre, le ministère de la Transition écologique dévoile avoir mené une concertation avec fabricants et distributeurs : « Cette concertation a mis en évidence des obstacles, notamment quant aux dispositions pratiques de mise en œuvre, qui n’ont pu être levés. »

Aujourd'hui, les associations environnementales s’inquiètent des dérives dans l’utilisation quotidienne des insecticides et autres biocides, tout comme l'Anses qui a publié une mise en garde à destination du grand public. L’Inspection générale de l’environnement et du développement durable préconise aussi de mener une campagne d’information sur les alternatives non chimiques et notamment de s’inspirer des campagnes menées, dans le domaine de la santé, sur les antibiotiques : « Les biocides, c’est pas automatique », résume le rapport.

Références de l'article :

Reporterre, Insecticides : en catimini, l’État renonce à interdire la vente aux particuliers