La production solaire est-elle menacée par les mégafeux ? Un modèle révolutionnaire révèle la réponse

La prochaine panne électrique pourrait-elle être causée par la fumée d’un incendie à des centaines de kilomètres ? Découvrez comment une équipe de Cornell University a développé un outil innovant pour prévenir ce genre de situation.

Un modèle d’apprentissage automatique (machine learning) s’appuyant sur les données météorologiques les plus avancées permet d'optimiser la gestion de l’énergie solaire en temps réel.
Des chercheurs ont développé un modèle de machine learning qui s’appuie sur les données météorologiques les plus avancées dans le but d'optimiser la gestion de l’énergie solaire en temps réel. @Forward Pathway LLC

En juin 2023, New York s’est réveillée sous un ciel orange, étouffé par une brume épaisse venue des gigantesques feux de forêt canadiens. Si les alertes sanitaires ont occupé le devant de la scène, la chute brutale de la production d’énergie solaire est passée sous les radars, alors même que nous étions en plein été.

Pour Max Zhang, professeur d’ingénierie à Cornell et spécialiste de l’énergie, ce fut un déclic. Il recevait des tonnes de questions sur la pollution de l’air et ses effets sur la santé, mais il ne s’était jamais posé cette question toute simple, mais fondamentale, jusqu’à ce jour-là : « Et l’énergie dans tout ça ? » Face à l’incapacité des prévisions traditionnelles à intégrer le facteur « fumée », il réunit une équipe pour développer un outil prédictif révolutionnaire.

Un modèle inédit basé sur l'IA

L'équipe de Zhang a ainsi conçu un modèle prédictif unique en son genre, basé sur l’intelligence artificielle, capable de prévoir heure par heure l’impact de la fumée des incendies sur la production d’énergie solaire. Une avancée scientifique sans équivalent à ce jour. Ce modèle est révolutionnaire parce que :

  • Il fonctionne à l’échelle horaire, pas journalière. Contrairement aux modèles classiques, celui de Cornell fournit des prévisions heure par heure, bien plus adaptées à la gestion en temps réel du réseau électrique. C’est essentiel pour équilibrer l’offre et la demande à chaque instant.
  • Il exploite pour la première fois les données du système HRRR-Smoke. Développé par la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), ce système prédit la densité, la hauteur et la dispersion de la fumée en temps réel. Par conséquent, le modèle de Cornell est le premier à utiliser ces données spécifiquement pour la production solaire.
  • Il a surpassé les prévisions officielles de NYISO (New York Independent System Operator). Lors des incendies de 2023, les prévisions classiques surestimaient régulièrement la production solaire. Le modèle de Cornell, lui, s’est montré nettement plus précis, évitant des recours coûteux aux générateurs de secours.
  • Il apprend à gérer des événements rares. Les mégafeux restent peu fréquents dans l’est des États-Unis, ce qui limite les données locales. Pour contourner cela, les chercheurs ont eu recours à une technique appelée « upsampling », qui consiste à amplifier le poids des journées de forte fumée dans l’entraînement du modèle. Résultat : une capacité renforcée à anticiper les pires scénarios.

Qu'apporte concrètement ce modèle ?

Ce que change vraiment le modèle de Cornell, c’est la capacité d’anticipation. Il ne se contente pas de constater les baisses de production après coup. Il permet aux opérateurs de réseau de prévoir en avance les impacts de la fumée sur la production solaire heure par heure, grâce à des données météorologiques et satellitaires en temps réel.

C’est cette précision prédictive qui en fait un outil stratégique. Elle offre une fenêtre de réaction pour ajuster les ressources électriques avant que la baisse de production ne provoque un déséquilibre sur le réseau.

Sans cette anticipation, les opérateurs doivent allumer à la dernière minute des générateurs de réserve très coûteux, comme ce fut le cas à New York pendant les incendies de 2023. Avec le modèle de Cornell, on peut planifier en amont, éviter les gaspillages, et renforcer la fiabilité du réseau dans un contexte climatique toujours plus imprévisible.

Quel enjeu ?

À l'échelle mondiale, le solaire photovoltaïque a représenté près de 7 % de la production d'électricité en 2024, soit le double par rapport à 2022. En Europe, l'énergie solaire a généré 11 % de l'électricité de l'Union européenne en 2024, dépassant pour la première fois le charbon.

En France, la production d'électricité solaire photovoltaïque a couvert 5,7 % de la consommation électrique en 2024, malgré une année moins ensoleillée que la moyenne.

L'enjeu est donc immense. Gagner ce pari revient à miser sur la capacité à prévoir avec justesse la production réelle, et à ne pas se laisser surprendre par un ciel obscurci.

Accessibilité aux données

Ce projet incarne aussi un véritable plaidoyer en faveur de la science ouverte et des infrastructures climatiques publiques. Le modèle développé repose sur un vaste ensemble de données libres d'accès, notamment satellitaires.

Cela illustre l’importance de l’investissement public dans les outils de surveillance climatique, et montre que l’innovation en matière énergétique dépend étroitement de la disponibilité et du partage de l’information environnementale.

Parmi les données utilisées figurent la FRP (Fire Radiative Power), qui mesure l’intensité des incendies via plusieurs satellites (Suomi-NPP, NOAA-20, Terra, Aqua), les conditions météorologiques et des cartes de végétation, afin de modéliser la propagation de la fumée, ainsi que le modèle HRRR-Smoke, une simulation 3D de la dispersion des fumées dans l’atmosphère, mise à jour quatre fois par jour. Sans ces outils, aucune modélisation fiable des impacts de la fumée sur la production d’énergie solaire ne serait envisageable.

Sources de l'article

Forward Pathway. (2025, May 9). Cornell University develops a machine learning model to predict wildfire smoke's impact on solar power generation. LLMBy.

Nutt, D. (2025, May 8). Tool predicts impact of wildfire smoke on solar power generation. Cornell Chronicle.