Les scientifiques révèlent comment la réionisation est la clé pour découvrir l'origine de l'Univers
De nouvelles observations du télescope spatial James Webb ont levé le voile sur l'obscurité de l'Univers primordial, révélant les processus par lesquels les premières étoiles et galaxies ont mis fin à l'Âge sombre.

Après le Big Bang, toute la matière qui est "apparue" n’était qu’une sorte de soupe d’hydrogène, composée d’un proton et d’un électron, c’est-à-dire qu’aucune des structures que nous observons aujourd’hui dans le ciel nocturne, comme les étoiles ou les galaxies, n’existait encore. Cette beauté actuelle est apparue après l’Âge sombre.
On parle de période sombre car les particules élémentaires qui existaient alors n’interagissaient pas entre elles, rendant l’Univers opaque et relativement homogène, avec quelques zones de plus grande densité, qui allaient devenir les germes de ce qui se transformerait plus tard en étoiles.

Le rayonnement émis par ces premières étoiles a transformé radicalement tout le milieu interstellaire, car les photons libérés ont commencé à briser les atomes d’hydrogène, ne laissant que des noyaux nus, un phénomène connu sous le nom d’hydrogène ionisé. C’est ce processus qui a constitué un tournant crucial permettant à l’Univers de devenir transparent.
Un effet immédiat de cette situation était que la lumière ne pouvait pas voyager librement, raison pour laquelle on dit que l’Univers n’était pas transparent. Ce n’est que lorsque les premières étoiles ont commencé à se former qu’a eu lieu l’“allumage” de l’Univers.
La grande transformation cosmique
Cette époque de réionisation a été fondamentale pour faire émerger l’Univers “visible”, car de plus en plus de sources de lumière apparaissaient, comme un effet domino, dissipant peu à peu le brouillard cosmique qui persistait encore. Un problème pour la science actuelle est que l’on ne sait pas exactement à quel moment ce processus a commencé.
Le rayonnement des premières étoiles était suffisamment puissant pour transformer tout leur environnement et, grâce à leurs grandes masses, elles ont enrichi l’Univers en éléments plus lourds, nourri les galaxies et préparé le terrain à la formation des grands trous noirs que nous connaissons aujourd’hui.
Cependant, ces étoiles, connues des astronomes sous le nom de Population III, ont une durée de vie très courte car, étant très massives, elles consomment rapidement leur carburant. On pense donc qu’elles n’ont pas été suffisantes pour ioniser entièrement l’Univers. Une théorie suggère que des galaxies actives ainsi que des trous noirs supermassifs ont également joué un rôle.
Ce qui est certain, c’est que, bien que nous puissions aujourd’hui observer les effets de la réionisation, ses causes et ses “dates” restent un mystère. Identifier les objets impliqués, déterminer le moment exact du début de ce processus et sa durée sont autant de questions encore ouvertes en astronomie, auxquelles il faudra répondre à l’aide de nouveaux instruments d’observation.
Webb et la première lumière
Sans aucun doute, l’un des instruments qui nous a grandement aidés à commencer à percer ces mystères est le télescope spatial James Webb (JWST), notamment grâce à sa capacité à observer dans le spectre infrarouge, ce qui permet de détecter de la lumière provenant de plus de 13 milliards d’années-lumière.
Depuis sa mise en service en 2022, Webb a pu identifier des galaxies plus anciennes (et plus lointaines) que prévu ; certaines d’entre elles se sont formées alors que l’Univers n’avait que 300 millions d’années. Les observations du télescope remettent en question nos connaissances actuelles sur la manière dont se forment les galaxies.

Le plus grand atout du télescope réside dans ses instruments, qui permettent non seulement d’analyser la distance, mais aussi la composition des objets observés, ce qui rend possible l’estimation de leur âge. Il peut également identifier des signatures chimiques, des taux de formation stellaire, des explosions d’étoiles, et ainsi déterminer le niveau d’ionisation du milieu environnant.
Rappelons que l’ionisation d’un élément consiste essentiellement à lui arracher ses électrons les plus externes, ce qui implique un changement dans l’énergie des photons incidents et, par conséquent, une transformation de tout le milieu interstellaire. Un domaine dans lequel Webb nous est d’une aide précieuse.
Un long chemin à parcourir
De nombreuses questions restent encore sans réponse, comme les processus qui ont eu lieu pendant cette période et dans quelle mesure les trous noirs y ont contribué. Il s’agit aussi de déterminer si la réionisation s’est produite brusquement ou de manière progressive, mais surtout de comprendre pourquoi certaines régions ont été ionisées avant d’autres, alors que l’Univers était supposé homogène.
La cosmologie est encore en quête de réponses, en particulier pour comprendre le rôle du gaz d’hydrogène neutre ayant survécu à la réionisation. Pour cela, les chercheurs s’appuient sur l’étude de ce que l’on appelle le signal des 21 centimètres, émis par cet élément. Si l’on parvient à le détecter précisément, il sera alors possible de cartographier le chemin suivi par la réionisation.
Et comme si cela ne suffisait pas, il faut encore prendre en compte le rôle de la matière noire dans tout ce processus. Nous savons qu’elle était présente, mais nous ignorons comment elle était distribuée, et certains modèles suggèrent que cette répartition est cruciale pour comprendre où et quand sont apparues les premières sources de lumière — et, par conséquent, pour tenter de percer l’origine même de cette mystérieuse substance.
Une chose est certaine : l’histoire de la lumière triomphant de l’obscurité est aussi fascinante que complexe, et elle soulève encore bien plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Mais grâce aux nouveaux télescopes spatiaux, ceux déjà en orbite et ceux qui seront bientôt lancés, nous pourrons, petit à petit, mieux comprendre notre place dans ce vaste cosmos.