Des scientifiques de la NASA et d’Oxford découvrent qu’Uranus est plus chaud qu’on ne le pensait

Le survol d’Uranus par la sonde Voyager 2 de la NASA en 1986 avait révélé que la planète était plus froide que prévu, remettant en question les théories sur la formation et l’évolution des planètes. Ces théories évoluent aujourd’hui grâce à de nouvelles données.

Une sphère circulaire bleu-blanc brillante au centre de l’image, entourée de multiples anneaux concentriques fins de luminosité variable sur un fond noir. Les anneaux apparaissent comme des bandes grises, blanches et claires entourant le disque central bleu-blanc. L’anneau extérieur semble plus lumineux que les intérieurs, avec de subtiles variations d’épaisseur et d’éclat tout au long de sa structure. Cette image agrandie d’Uranus, capturée par la caméra infrarouge proche du télescope spatial James Webb de la NASA le 6 février 2023, révèle une vue saisissante des anneaux d’Uranus. Crédits : NASA, ESA, ASC, STScI
Une sphère circulaire bleu-blanc brillante au centre de l’image, entourée de multiples anneaux concentriques fins de luminosité variable sur un fond noir. Les anneaux apparaissent comme des bandes grises, blanches et claires entourant le disque central bleu-blanc. L’anneau extérieur semble plus lumineux que les intérieurs, avec de subtiles variations d’épaisseur et d’éclat tout au long de sa structure. Cette image agrandie d’Uranus, capturée par la caméra infrarouge proche du télescope spatial James Webb de la NASA le 6 février 2023, révèle une vue saisissante des anneaux d’Uranus. Crédits : NASA, ESA, ASC, STScI

Jupiter, Saturne et Neptune émettent plus d’énergie qu’ils n’en reçoivent du Soleil, signe qu’ils possèdent un intérieur relativement chaud. Uranus pourrait désormais rejoindre ce cercle restreint de planètes.

Un nouveau regard sur le mystérieux Uranus

Grâce à des modèles informatiques avancés et à une nouvelle analyse d’anciennes données, les scientifiques estiment désormais qu’Uranus pourrait en réalité être plus chaud qu’on ne le pensait jusqu’ici.

Pendant des millénaires, les astronomes ont cru qu’Uranus n’était qu’une lointaine étoile. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle qu’il a été universellement reconnu comme une planète. Aujourd’hui encore, ce monde bleu entouré d’anneaux continue de déjouer les attentes des scientifiques. Mais une nouvelle recherche de la NASA permet de lever une partie du mystère.

Uranus est différent de tous les autres corps du Système solaire. Il tourne sur le côté, ce qui signifie que chacun de ses pôles fait directement face au Soleil durant un été continu de 42 ans. Uranus tourne également dans le sens inverse de tous les autres planètes, à l’exception de Vénus. Les données recueillies lors du survol de Voyager 2 en 1986 avaient aussi suggéré que l’intérieur de la planète était anormalement froid, poussant les scientifiques à repenser les théories fondamentales sur la formation et l’évolution des planètes dans notre système.

« Depuis le passage de Voyager 2, tout le monde dit qu’Uranus n’a pas de chaleur interne », explique Amy Simon, planétologue au centre de vol spatial Goddard de la NASA à Greenbelt, dans le Maryland. « Mais cela a toujours été difficile à expliquer, surtout par rapport aux autres géantes gazeuses. »

Aujourd’hui, grâce à une technique de modélisation informatique avancée et à l’analyse de plusieurs décennies de données, Amy Simon et une équipe de chercheurs ont découvert qu’Uranus génère en fait un peu de chaleur. Ces résultats ont été publiés le 16 mai 2025 dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.

Uranus rejoint le club des planètes spéciales

La chaleur interne d’une planète peut être estimée en comparant la quantité d’énergie qu’elle reçoit du Soleil à celle qu’elle renvoie dans l’espace, sous forme de lumière réfléchie et de chaleur émise. Les autres planètes géantes du Système solaire — Saturne, Jupiter et Neptune — émettent plus de chaleur qu’elles n’en reçoivent, ce qui signifie qu’une partie de cette chaleur provient de leur intérieur, vestige des processus énergétiques intenses qui ont donné naissance aux planètes il y a 4,5 milliards d’années.

La quantité de chaleur émise par une planète peut aussi donner une indication sur son âge : plus elle libère peu de chaleur par rapport à ce qu’elle absorbe du Soleil, plus elle pourrait être ancienne.

Uranus se distinguait jusqu’ici des autres géantes car il semblait émettre autant de chaleur qu’il en recevait, ce qui laissait penser qu’il ne possédait aucune chaleur interne. De quoi dérouter les scientifiques. Certains ont émis l’hypothèse que la planète était peut-être bien plus vieille que les autres et s’était totalement refroidie. D’autres ont suggéré qu’une gigantesque collision — possiblement celle qui a incliné la planète sur le côté — aurait expulsé toute sa chaleur. Mais aucune de ces théories n’a vraiment convaincu, poussant les chercheurs à élucider le mystère.

« Nous nous sommes demandé : “Est-il possible qu’Uranus n’ait vraiment aucune chaleur interne ?” », raconte Patrick Irwin, auteur principal de l’étude et professeur de physique planétaire à l’université d’Oxford. « Nous avons effectué de nombreux calculs pour déterminer la quantité de lumière solaire réfléchie par Uranus, et nous nous sommes rendu compte qu’en réalité, il est plus réfléchissant qu’on ne le pensait. »

Les chercheurs ont alors voulu établir le bilan énergétique complet d’Uranus : combien d’énergie il reçoit du Soleil, combien il en renvoie sous forme de lumière, et combien il en émet sous forme de chaleur. Pour cela, ils devaient estimer la lumière réfléchie par la planète dans toutes les directions. « Il faut observer la lumière diffusée sur les côtés, pas seulement celle qui revient vers nous », explique Amy Simon.

Afin d’obtenir l’estimation la plus précise à ce jour du bilan énergétique d’Uranus, des chercheurs d’Oxford ont mis au point un modèle informatique intégrant tout ce que l’on sait de son atmosphère, sur la base de décennies d’observations réalisées avec des télescopes terrestres et spatiaux, dont le télescope spatial Hubble de la NASA et le télescope infrarouge de la NASA à Hawaï. Le modèle prend en compte les brumes, les nuages et les variations saisonnières de la planète, autant de facteurs qui influencent la manière dont la lumière solaire est réfléchie et dont la chaleur s’échappe.

Ces images parallèles d’Uranus, prises à huit ans d’intervalle par le télescope spatial Hubble de la NASA, illustrent les variations saisonnières de la réflectivité de la planète. L’image de gauche montre Uranus sept ans après son équinoxe de printemps boréal, alors que le Soleil brillait juste au-dessus de son équateur. La seconde, prise six ans avant le solstice d’été, révèle une vaste calotte polaire nord brillante. Crédit : NASA, ESA, STScI, A. Simon (NASA-GSFC), M.H. Wong (UC Berkeley), J. DePasquale (STScI)
Ces images parallèles d’Uranus, prises à huit ans d’intervalle par le télescope spatial Hubble de la NASA, illustrent les variations saisonnières de la réflectivité de la planète. L’image de gauche montre Uranus sept ans après son équinoxe de printemps boréal, alors que le Soleil brillait juste au-dessus de son équateur. La seconde, prise six ans avant le solstice d’été, révèle une vaste calotte polaire nord brillante. Crédit : NASA, ESA, STScI, A. Simon (NASA-GSFC), M.H. Wong (UC Berkeley), J. DePasquale (STScI)

Images côte à côte d’une sphère circulaire bleu blanchâtre presque identique sur fond noir. La sphère de l’image de gauche, datée de « 2014 » en bas au centre, est majoritairement bleu clair avec quelques zones légèrement violacées et des taches blanches diffuses. Celle de droite, marquée « 2022 » en bas, est très similaire, mais présente une grande tache blanche sur la droite ainsi qu’un anneau allongé à peine visible autour d’elle.

Les chercheurs ont découvert qu’Uranus émet environ 15 % d’énergie en plus que ce qu’il reçoit du Soleil, un chiffre similaire à une autre estimation récente issue d’une étude indépendante, partiellement financée par la NASA et publiée le 14 juillet dans Geophysical Research Letters. Ces travaux suggèrent qu’Uranus possède bel et bien sa propre chaleur, bien qu’elle reste bien inférieure à celle de sa voisine Neptune, qui émet plus du double de l’énergie qu’elle reçoit.

« Nous devons maintenant comprendre ce que signifie exactement cette quantité de chaleur résiduelle sur Uranus, et obtenir des mesures plus précises », a déclaré Amy Simon.

Déchiffrer le passé d’Uranus ne permet pas seulement d’établir une chronologie de la formation des planètes du Système solaire et de leur migration vers leurs orbites actuelles. Cela aide aussi les scientifiques à mieux comprendre de nombreux mondes découverts en dehors de notre système, appelés exoplanètes, dont la majorité sont de taille comparable à celle d’Uranus.

Référence de l'article :

Source : NASA, par Emma Friedman
Centre de vol spatial Goddard de la NASA