Quel est ce phénomène qui peut, selon une étude, précipiter la rupture des icebergs ?
Une étude publiée jeudi dernier dans la revue Nature révèle qu'un phénomène marin très courant pourrait favoriser la rupture de la banquise en Antarctique. De quoi expliquer le détachement spectaculaire d'un iceberg géant en 2023 ?

En analysant le détachement spectaculaire d'un iceberg géant en 2023, des chercheurs ont révélé le rôle des marées océaniques, combinées à d'autres facteurs, dans la rupture de la banquise en Antarctique. Serait-il possible de prédire et d'anticiper ce phénomène, susceptible de modifier le niveau de la mer ? Séquence explications.
Une rupture au pic des marées
Tout a débuté en 2023, lorsqu'un immense iceberg, baptisé A81, aussi large que 15 fois la superficie de Paris, s'est détaché de la Barrière de Brunt, en Antarctique. En analysant ce détachement, des chercheurs, emmenés par le glaciologue Olivier Marsh, ont prouvé dans une étude publiée jeudi 24 juillet qu'il avait été accéléré par un phénomène très particulier.
Iceberg #A81 #Antartica
— ️ (@ar_etsch) November 21, 2023
#Sentinel2 2023.11.20
Footage: @CopernicusEU @sentinel_hub
Open in a new Tab ️️ pic.twitter.com/Ey9tKZ73ER
Olivier Marsh avait d'ailleurs prédit la rupture de cet immense iceberg comme "imminente", une question de semaines ou de mois, et n'a donc pas du tout été surpris, après plusieurs années à étudier la grande faille qui lacérait ce géant de glace.
Principales responsables, selon les scientifiques, de la rupture accélérée de la banquise : les marées océaniques. Phénomène naturel, ces marées, associées à des vents élevés et à des tensions dans la glace de la banquise, pourraient donc provoquer le détachement de grands icebergs du continent antarctique, un détachement appelé vêlage.
Comme attendu, ce vêlage est intervenu au moment du pic des marées de printemps, lorsque les amplitudes entre marée basse et marée haute sont les plus fortes. Ces chercheurs pensent ainsi que la rupture de la banquise pourrait être prévisible, grâce à ces facteurs, alors que théoriquement il est impossible de prévoir le détachement d'un iceberg.
Un phénomène naturel déséquilibré
L'iceberg A81, détaché du continent antarctique en 2023, dérive désormais à l'Est de la péninsule, en direction de la mer de Weddell. Olivier Marsh a constaté sur place que l'eau avait remplacé la glace "aussi loin que l'on regardait avant".
More than 400 #Copernicus #Sentinel1 ️ images acquired between January 2019 - June 2024 condensed in few seconds showing the cracks and calvings of three major icebergs in the Brunt Ice Shelf, #Antarctica
— -- -- --------- (@i_ameztoy) June 13, 2024
Check them out: #A74: 2021, #A81: 2023, #A83: 2024 pic.twitter.com/3ypQs4zpMN
Outre la hausse du niveau de la mer via la fonte de la glace, cet iceberg pourrait approcher de l'île de Géorgie du Sud, site de reproduction des pingouins, des phoques et d'autres animaux, et serait donc susceptible de perturber la faune locale et la biodiversité.
L'Antarctique perd sa glace de deux manières : par la fonte de la banquise et par le vêlage, le détachement des icebergs. La fonte est accélérée par le réchauffement climatique, en revanche on ne sait pas pour le moment si le taux de vêlage a augmenté, c'est un phénomène trop peu fréquent pour pouvoir en tirer des conclusions.
Le vêlage de la banquise a toujours été un phénomène naturel, destiné à équilibrer les chutes massives de neige sur l'Antarctique. Le problème, c'est qu'il est désormais déséquilibré… Tout en sachant qu'il est difficile de prévoir ce phénomène, Olivier Marsh s'attend toutefois à un très gros épisode de vêlage dans cette zone dans les prochaines années.
Références de l'article :
Geo. Antarctique : des chercheurs découvrent que les marées peuvent précipiter la rupture des icebergs.
J.D. Kirkham et al., Nature, 2025. Change in iceberg calving behavior preceded North Sea ice shelf disintegration during the last deglaciation.