À quoi servent les aires marines protégées si la pêche industrielle y sévit toujours ?

Les aires marines protégées tiennent-elles vraiment leurs promesses ? Une étude révèle l’ampleur du décalage entre les promesses affichées et la réalité sur le terrain.

Les aires marines protégées restent largement ouvertes à la pêche industrielle.
Les aires marines protégées restent largement ouvertes à la pêche industrielle.

À quoi bon protéger la mer… si les filets y traînent toujours ? C’est la question qui fâche. Une étude internationale, publiée le 24 juillet 2025 dans la revue Science, vient de jeter un pavé dans la mare : dans la moitié des aires marines protégées (AMP) côtières étudiées, des navires de pêche industrielle ont été détectés entre 2022 et 2024, et dans deux tiers des cas, ces navires échappaient à tout suivi public.

Autrement dit, dans de nombreux cas, la pêche industrielle continue de sévir en douce… en zone « protégée ».

Un outil essentiel, mal utilisé ?

En théorie, les AMP comptent parmi les outils les plus puissants pour préserver la biodiversité, restaurer les écosystèmes marins, soutenir la pêche artisanale et même atténuer le dérèglement climatique en protégeant des zones riches en carbone. Et la science est claire : plus une AMP est rigoureuse dans ses règles et bien gérée sur le terrain, plus elle est efficace.

Or, pour atteindre les objectifs fixés lors de la COP15 de la biodiversité qui visent à « protéger 30 % des océans d’ici 2030 » certains gouvernements ont multiplié les annonces de « protection » … sans toujours y mettre les moyens ni la volonté politique. Hélas, derrière les discours triomphants et les jolies cartes marines habillées de bleu turquoise, la réalité est souvent bien moins éclatante : peu de surveillance, peu de réglementation, et trop souvent, aucune véritable protection.

La France, par exemple, annonce protéger plus de 33 % de ses eaux, mais seulement 4 % sont réellement régulées, et 0,1 % en métropole. Même les nouvelles promesses faites lors du Sommet de l’ONU sur l’océan à Nice en juin 2025, comme interdire le chalutage de fond dans certaines zones, concernent des fonds marins où cette pratique était déjà absente…

La pêche industrielle, premier facteur de destruction

Aujourd’hui, un tiers des populations de poissons sont surexploitées, et les grands poissons ont perdu jusqu’à 99 % de leurs effectifs dans certaines régions. La pêche industrielle est en première ligne : chalutage de fond, prises accidentelles, destruction des habitats… Le paradoxe ? Ces pratiques continuent au sein même de zones censées protéger l’océan.

L’étude s’appuie sur une base de données inédite combinant le système AIS (système d’identification automatique des navires) et les satellites Sentinel-1. Résultat : dans 3 000 AMP étudiées dans le monde, des navires ont été détectés, qu’ils soient suivis ou non. Et même dans l’Union européenne, où l’AIS est théoriquement obligatoire pour les navires de plus de 15 mètres, des bateaux non suivis opèrent dans des AMP.

Protéger vraiment, ou protéger sur le papier ?

Fait troublant : la présence moindre de navires dans certaines AMP semble davantage liée à leur emplacement reculé ou peu productif, qu’à leur niveau réel de protection. En clair, on place parfois les AMP là où les bateaux ne vont déjà pas, histoire d’afficher de bons scores sans contrainte.

Mais tout n’est pas noir : là où les AMP sont vraiment réglementées, la pêche industrielle recule. La leçon est limpide : les AMP peuvent fonctionner, si elles sont conçues sérieusement, surveillées efficacement et intégrées à une politique cohérente de protection de l’océan.

Car l’enjeu est immense : l’océan nourrit plus de 3 milliards d’humains, régule notre climat et soutient nos économies. En continuant à faire semblant de le protéger, c’est notre propre avenir que nous sabotons.

Source de l'article

Séguin, R., & Mouillot, D. (2025, juillet 24). La majorité de la pêche industrielle dans les aires marines protégées échappe à toute surveillance. The Conversation.