Pourquoi la France continue-t-elle d'accélérer sur le solaire et l'éolien alors que sa consommation d'électricité baisse
La France consomme moins d’électricité qu’il y a dix ans, mais accélère comme jamais sur le solaire et l’éolien. Un paradoxe ? Non : un tournant majeur pour le système énergétique et le climat. Décryptage.

La consommation française d’électricité baisse depuis plus de dix ans : en 2024, elle atteint 449,2 TWh, soit environ 6 % de moins que la moyenne 2014-2019. Par rapport au pic historique de 2013, la chute atteint même 11 %. Cette sobriété durable s’explique par la hausse des prix durant la crise énergétique, les économies engagées depuis 2022 et les progrès continus d’efficacité énergétique dans les logements comme dans l’industrie.
Ce phénomène ne concerne d’ailleurs pas que la France. L’Europe entière a vu sa consommation stagner à partir de 2008 avant de reculer, entraînée par le ralentissement structurel de l’économie et par la fin de l’ère du pétrole abondant. Mais si la demande diminue, un autre mouvement s’accélère : celui d’une production électrique de plus en plus bas carbone, portée par un triptyque puissant : nucléaire, hydraulique, renouvelables.
Une production en plein essor, tirée par les énergies renouvelables
En 2024, la France a produit 539 TWh d’électricité, son plus haut niveau en cinq ans. Trois moteurs expliquent ce rebond : un parc nucléaire remis sur pied (361,7 TWh), une hydraulique exceptionnelle (75,1 TWh) et une croissance solide du solaire et de l’éolien, qui atteignent ensemble 71,6 TWh contre 45,8 TWh en 2019.
Ce chiffre, encore modeste à l’échelle nationale, révèle pourtant une dynamique profonde : les renouvelables ont battu un record à 150 TWh, couvrant près de 34 % de la consommation et faisant passer le pays sous la barre historique des 20 TWh d’électricité fossile, un niveau jamais vu depuis les années 1950. Pour la première fois, le solaire produit davantage que les centrales au gaz et au charbon réunies.
Installer plus pour émettre moins
Alors pourquoi continuer à installer des capacités, notamment renouvelables, malgré une demande atone ? Parce que l’enjeu n’est pas la quantité d’électricité, mais sa nature. En 2024, 95 % de la production française est bas carbone, un niveau parmi les plus élevés au monde. Cette abondance propre permet d’exporter 89 TWh vers nos voisins, évitant près de 20 millions de tonnes de CO₂ en Europe.

Autrement dit, chaque mégawatt solaire ou éolien additionnel réduit l’usage du gaz ou du charbon quelque part sur le continent. Cette logique est simple : une centrale thermique s’efface toujours en premier lorsque un nucléaire, de l’hydro ou du renouvelable est disponible. La France devient alors un moteur de décarbonation à l’échelle européenne.
Préparer l'avenir malgré la consommation stable
La stabilité de la demande ne signifie pas que l’avenir sera identique au présent. Au contraire : électrifier les transports, chaufferies, processus industriels demande d’anticiper une hausse future de consommation. RTE le rappelle :
C’est dans cette perspective que la France a augmenté ses capacités de 6,7 GW en 2024, un rythme comparable aux années fastes du nucléaire dans les années 1980. Le solaire en représente l’essentiel, avec un bond record de 5 GW. L’éolien, notamment en mer, complète cet essor avec près de 1,5 GW offshore désormais opérationnels.
Vers un système plus flexible et plus résilient ?
Cette abondance renouvelable s’accompagne de nouveaux défis : gestion des pics de production, apparition d’heures à prix négatifs, besoin de flexibilité pour stocker, moduler et mieux répartir l’énergie. Là encore, installer plus de capacités n’est pas une incohérence mais une étape. Cela permet de sécuriser l’approvisionnement, réduire les importations de combustibles fossiles et stabiliser les prix, déjà revenus autour de 58 €/MWh en 2024, proches des niveaux d’avant-crise.
La France n’accélère donc pas sur le solaire et l’éolien malgré la baisse de consommation : elle accélère à cause de l’urgence climatique et de la nécessité de se libérer des énergies fossiles.
Références de l'article
RTE. (2025). Annual Electricity Review 2024 – Key findings.
Energynews.pro. (2025, 6 juin). Renewable energies accounted for 33.9% of electricity consumption in France in 2024.