Le cormoran, objet de conflit entre pêcheurs et associations : peut-on parler d'un "désastre écologique" en France ?

    Espèce protégée ou espèce à réguler compte tenu de son impact sur la mortalité des poissons dans nos rivières ? Le cormoran, oiseau gros mangeur de poissons, fait l'objet d'intenses débats entre pêcheurs et associations.

    Cormoran poisson
    Le cormoran, grand oiseau noir, rode souvent au-dessus de l'eau pour se nourrir et manger du poisson (photo d'illustration).

    Le cormoran est-il une menace pour la biodiversité ? Depuis trois ans, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) fait annuler en justice les arrêtés préfectoraux permettant de les tuer pour réguler leur population. Les pêcheurs sont vent debout, estimant que le cormoran décime les poissons dans les rivières. Qui faut-il croire ? Que disent les chiffres concernant cette espèce protégée ?

    500 grammes de poisson avalés chaque jour

    Le sujet du cormoran devient de plus en plus sensible, marqueur d'une lutte acharnée entre pêcheurs et associations de défense et de protection des oiseaux. Les fédérations de pêche estiment que le cormoran prolifère et décime les poissons dans les rivières de tout le pays, et réclament le retour en urgence des tirs de régulation, interdits en justice grâce à la mobilisation de la LPO.

    La notion de "désastre écologique" est même invoquée par certains d'entre eux. En Dordogne, où nos confrères de France Info ont mené l'enquête, les barques sont vides et les pêcheurs ont déserté les rivières, au-dessus desquelles rodent les cormorans. Ces derniers arrivent souvent en masse, parfois en plusieurs dizaines d'individus : le problème, c'est qu'ils mangent en moyenne chacun plus de 500 grammes de poisson par jour !

    Selon certains pêcheurs, qui parlent de "carnage", les poissons vont jusqu'à se jeter sur le bord des rivières, par peur des cormorans. En Dordogne, des pisciculteurs (qui élèvent des poissons pour la pêche) confirment que les cormorans attaquent tout ce qui bouge, avec des impacts de bec dévastateurs sur les poissons.

    L'envahissement des cormorans provoque une perte de production pour eux, passant de plus d'une tonne et demie de poisson à une centaine de kilos environ. Alors que des arrêtés préfectoraux autorisent en théorie les tirs de régulation des cormorans pour les activités économiques comme la pisciculture, certains étangs de Dordogne n'obtiennent pas d'autorisation… D'où la sensation d'être maltraité et laissé pour compte.

    D'autres responsables ?

    Certaines fédérations de pêcheurs considèrent la Ligue de protection des oiseaux (LPO) comme extrémiste, ne s'intéressant pas à la vie sous la surface de l'eau, pointant notamment la disparition du brochet, espèce classée en danger dans les cours d'eau. La LPO réplique en évoquant un discours de haine et en estimant que les pêcheurs se trompent de coupable et pêchent moins bien que les cormorans. Ambiance…

    Les cormorans ne sont en effet pas les seuls responsables de la disparition des poissons : des espèces exotiques envahissantes comme le silure, le black-bass ou le sandre, souvent relâchées pour la pêche de loisir, ont des effets dévastateurs sur les poissons de nos rivières françaises. Relâcher des truites arc-en-ciel dans les ruisseaux est un non-sens, équivalent au lâchage de tigres ou de lions en pleine forêt périgourdine…

    Sur le front des chiffres, la Ligue de protection des oiseaux est sans appel : après des derniers comptages effectués en février dernier, on recense en Dordogne 1.488 cormorans, moins qu'en 2021 (1.504), alors qu'à l'époque il était encore possible de les chasser. Arrivera-t-on à jour à réconcilier les deux parties du conflit ? Rien n'est moins sûr…

    Référence de l'article :

    France Info. Pourquoi les cormorans sont-ils devenus la bête noire des pêcheurs ?