Inédit en Antarctique, un air vieux de 6 millions d'années analysé : que peut-il nous apprendre sur notre planète ?

Des chercheurs américains viennent de découvrir les plus vieux échantillons de glace de la planète en Antarctique : datés de 6 millions d'années, ils renferment des bulles d'air pouvant nous en apprendre davantage sur le passé de la planète Terre.

Antarctique glace prétexte
Ce prélèvement exceptionnel a été réalisé par les équipes de l'Institut océanographique américain de Woods Hole, dans la région d'Allan Hills, en Antarctique oriental (image d'illustration).

Voici un exploit scientifique hors du commun : des chercheurs américains ont retrouvé en Antarctique oriental des échantillons de glace vieux de 6 millions d'années ! En analysant les bulles d'air emprisonnées dans cette glace, les secrets du passé de notre planète Terre pourraient bien être enfin révélés. Comment ont-ils réussi cette prouesse ?

Les "carottes de glace"

Jusqu'où irons-nous dans les records scientifiques ? En janvier dernier, des chercheurs du CNRS avaient annoncé avoir réalisé le plus ancien prélèvement "continu" de glace terrestre, jusqu'à un échantillon de plus de 1,2 million d'années, après 2800 mètres de forage. Sans aucun trou dans l'échantillon, cette "carotte de glace" permettait alors de retracer l'entière histoire climatique de la Terre.

Mais des expéditions polaires ont déjà permis de remonter encore plus loin dans le temps, sans prélever d'échantillon "continu" : 5 millions d'années en 2022, et désormais 6 millions d'années, pour une équipe américaine de chercheurs de l'Institut océanographique de Woods Hole, aux États-Unis. Cette glace, la plus vieille jamais analysée, a été prélevée dans la région d'Allan Hills, en Antarctique oriental.

Ces prélèvements verticaux sont donc appelés "carottes de glace", et renferment des bulles d'air dont le contenu peut nous renseigner sur la composition de l'atmosphère terrestre à cette époque. La chercheuse Sarah Shackleton, qui a réalisé ce prélèvement, le compare à une machine "à remonter le temps" permettant "aux scientifiques d'observer à quoi ressemblait notre planète par le passé".

Pour obtenir ce prélèvement, les chercheurs ont foré pendant plusieurs mois à une profondeur de 100 à 200 mètres en bordure de la calotte glaciaire, en se focalisant sur les endroits où le relief montagneux et l'écoulement de la glace contribuaient à préserver la glace ancienne et à la rapprocher de la surface, la rendant plus accessible.

Une datation à l'argon

C'est l'air emprisonné dans ces carottes de glace qui permet aux chercheurs de dater la glace, à travers la mesure de l'isotope de l'argon, un gaz rare. Il ne s'agit pas d'une déduction, mais bien d'une "datation directe" grâce aux éléments chimiques présents dans la glace.

Mais les scientifiques s'interrogent encore : comment ces glaces vieilles de 6 millions d'années ont-elles pu se maintenir si près de la surface de l'Antarctique ? En plus du relief particulier de la zone, une combinaison de vents violents et d'un froid glacial pourraient être la responsable : le vent emporte en effet la neige fraîche et le froid ralentit la glace, jusqu'à quasiment l'immobiliser.

Par ailleurs, en mesurant dans la glace d'autres isotopes, comme ceux de l'oxygène, les chercheurs ont révélé que cette zone de l'Antarctique oriental avait connu, entre cette époque (il y a 6 millions d'années) et aujourd'hui, un refroidissement "progressif et durable" d'environ 12°C.

Les recherches autour de cette vieille carotte (pardonnez-moi l'expression) vont se poursuivre, notamment pour retracer les niveaux anciens de gaz à effet de serre et la chaleur océanique de l'époque. L'enjeu est de comprendre un jour les causes, toujours mystérieuses, de ces changements climatiques naturels…

Références de l'article :

GEO. L'air le plus ancien jamais mesuré retrouvé bloqué dans des glaces de l'Antarctique vieilles de six millions d'années.

S. Shackleton et al., PNAS, 2025. Miocene and Pliocene ice and air from the Allan Hills blue ice area, East Antarctica.