Fast fashion et 12 millions de tonnes de déchets chaque année : où se situe la France face à l'UE ?

Chaque année, l’Europe croule sous 12,6 millions de tonnes de déchets textiles. L’UE fixe un nouveau cap. Et la France, est-elle à la hauteur de l’enjeu ?

Pour fabriquer un simple t-shirt en coton, il faut 2 700 litres d’eau douce.
Pour fabriquer un simple t-shirt en coton, il faut 2 700 litres d’eau douce.

Chaque Européen jette en moyenne 12 kilos de textiles par an. Additionnés, ces gestes individuels pèsent lourd : 12,6 millions de tonnes de déchets chaque année, dont moins de 1 % seulement est réellement recyclé. Le reste finit incinéré, enfoui ou expédié vers des marchés saturés en Afrique et en Asie. Voilà le vrai visage de la mode à bas prix.

En France, la réalité est tout aussi frappante. Près de 120 millions de vêtements neufs dorment dans nos placards sans jamais être portés, selon l’ADEME. En moyenne, chacun possède 175 pièces, mais n’en reconnaît qu’une centaine. Comme si nous refusions collectivement d’admettre l’ampleur de notre surconsommation.

L'Europe muscle sa législation

Consciente de l’urgence, l’Union européenne vient d’adopter une législation qui impose aux producteurs de prendre en charge la collecte, le tri et le recyclage des textiles qu'ils mettent sur le marché. Un principe de responsabilité élargie du producteur (REP) qui concernera aussi les géants de l'e-commerce, et qui doit encourager la conception de vêtements plus durables.

Chaque État membre a désormais 30 mois pour transposer ces règles dans sa loi nationale et mettre en place les régimes de collecte. L’UE espère ainsi freiner l’accumulation de déchets qui, jusque-là, reposait sur les collectivités locales et donc sur les citoyens.

La fast fashion dans le viseur

Cette réglementation cible particulièrement la mode ultra-éphémère, la « fast-fashion ». La production d’un simple t-shirt en coton consomme 2 700 litres d’eau, l’équivalent de deux ans et demi de besoins en eau potable d’une personne. Or, des milliards de pièces sont produites chaque année, souvent à bas prix et de faible qualité.

Rien qu’en 2022, 4,6 milliards de petits colis sont arrivés dans l’UE, soit 145 par seconde, dont 91 % depuis la Chine. Shein, symbole du secteur, met en ligne 7 220 nouvelles références par jour, contre 290 pour H&M. Pour contrer ce flux massif, Bruxelles envisage une taxe de 2 euros par colis.

La France choisit la voie dure ?

En juin 2025, le Sénat a adopté à l’unanimité une loi « anti-fast fashion » pour encadrer ce secteur, jugé incontrôlable.

Cette proposition de loi, portée par la députée Anne-Cécile Violland, prévoit plusieurs leviers : interdiction de la publicité pour la mode ultra-éphémère ; sanctions pour les influenceurs qui en feraient la promotion ; écocontributions renforcées pour les entreprises peu durables, avec un système de bonus-malus ; pénalité de 10 € par article non durable d’ici 2030, et une mesure inattendue : une taxe de 2 à 4 € sur les petits colis venus de plateformes hors UE, visant notamment Shein et Temu.

Pour Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, cette loi est une réponse « aussi ambitieuse qu’on pouvait l’espérer » face à une industrie destructrice.

Mais il faut le dire : la fast fashion n’existe que parce qu’elle a son carburant principal – nous, les consommateurs. Plus de la moitié du gaspillage textile en Europe a lieu directement dans nos foyers. Acheter, jeter, recommencer : tant que ce cycle perdure, ni Bruxelles ni Paris ne pourront vraiment changer la donne.

Références de l'article

Proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile

Le Parlement adopte de nouvelles règles pour réduire le gaspillage textile et alimentaire