Du sommet de Genève à nos train-train quotidiens : comment couper le plastique à la source ?
Pas d’accord mondial à Genève pour limiter la pollution plastique. En France, les étals se couvrent encore d’emballages jetables. Plus que jamais, il faut s’attaquer au problème à la racine. Mais comment ?

Le 15 août, après dix jours de pourparlers à Genève, la déception est tombée comme une enclume : aucun traité mondial contre la pollution plastique n’a été adopté. Présentée comme « la dernière chance » pour sceller un accord juridiquement contraignant, cette session baptisée INC-5.2 n’aura finalement été qu’un nouvel épisode d’un feuilleton où l’urgence écologique se heurte aux intérêts économiques.
Deux camps s’y opposaient frontalement : d’un côté, les pays producteurs de pétrole, composés principalement de l’Arabie saoudite, du Koweït, de l’Irak, de Qatar, et de la Russie…, refusant toute contrainte sur la production d’hydrocarbures, base de l’industrie plastique, et toute interdiction de molécules dangereuses. De l’autre, la « Coalition de la haute ambition », dont la France, réclamant une baisse nette de la production.
Des intérêts bien huilés
Le président des négociations, l’Équatorien Luis Vayas Valdivieso, a proposé deux compromis en 24 heures. Le premier, jugé trop favorable aux producteurs de pétrole, a été rejeté. Le second, plus proche des ambitions environnementales, restait truffé de failles.
Les tactiques de blocage ont été habiles : prises de parole interminables, pressions diplomatiques et financières sur certains pays en développement, promesse de solutions « miracles » comme le recyclage chimique ou les bioplastiques, loin d’être durables….Et finalement, pas de traité, juste une promesse floue d’un possible INC-5.3.
Une production qui explose...et étouffe
Depuis l’an 2000, le monde a produit plus de plastique que durant les cinquante années précédentes. Aujourd’hui, environ 460 millions de tonnes sortent chaque année des usines : en termes de masse, c’est comme si l’on réunissait toute la population mondiale sur une balance. Autrement dit, chaque personne fabrique son propre « jumeau en plastique ». Si rien n’est fait, ce volume pourrait tripler d’ici 2060, prévient l’OCDE.
Pourtant, plus de 60 % de ce plastique est à usage unique. Moins de 10 % est recyclé. Le reste est brûlé, enfoui, ou dispersé dans les sols, l’eau, l’air. Imaginer que le recyclage suffira est illusoire.
Le plastique tue à petit feu. Dans les océans, il étouffe les tortues, les poissons, les oiseaux. Sur terre, il contamine les sols, menace les vers de terre, les animaux domestiques. Et il nous empoisonne, nous aussi, par l’air que nous respirons et les aliments que nous consommons.
Ce n’est pas qu’une question environnementale. C’est aussi une injustice flagrante : les pays les plus touchés par la pollution plastique sont souvent ceux qui en produisent le moins. Dans certaines rivières au Niger, au Cameroun ou au Congo, l’eau est invisible sous les amas de déchets.
Paradoxe français : retour en arrière sur les emballages ?
Alors que les négociations internationales s’enlisent, certaines décisions nationales donnent l’impression de reculer. Le 8 novembre 2024, le Conseil d’État a annulé un décret interdisant depuis juillet 2023 la vente au détail de fruits et légumes frais dans des emballages plastiques.
Ce texte, issu de la loi Anti-gaspillage et économie circulaire (Agec), visait à limiter les emballages à usage unique, sauf pour certaines exceptions (produits très fragiles comme framboises, fraises, endives…). Mais le Conseil d’État a relevé un « vice substantiel de procédure » : la France avait adopté ce décret sans respecter la procédure européenne obligatoire de notification préalable à la Commission européenne.
Cette notification, prévue pour garantir la compatibilité du texte avec le marché intérieur, devait retarder l’adoption jusqu’en décembre 2023. Or, le décret a été publié dès juin 2023, en avance, ce qui l’a rendu juridiquement vulnérable.
Aujourdhui, à Genève, les négociations pour un traité contre la pollution plastique ont échoué.
— Agnès Pannier-Runacher (@AgnesRunacher) August 15, 2025
Je suis déçue et je suis en colère.
Je suis déçue car une poignée de pays, guidés par des intérêts financiers de court terme et non par la santé de leurs populations et la
En conséquence, la haute juridiction a tranché et tous les fruits et légumes peuvent à nouveau être vendus emballés dans du plastique. Ce revirement illustre un paradoxe : la France défend à Genève la baisse de la production mondiale, tout en rendant possible chez elle des millions d’emballages jetables supplémentaires. Un signal contradictoire envoyé aux consommateurs…
Notre pouvoir d'action
Ce sommet devait prouver que le multilatéralisme peut répondre à l’urgence écologique. Il a montré l’inverse. Mais la partie n’est pas finie. Chaque achat, chaque choix de consommation, chaque voix qui exige un changement est une fissure dans l’armure des lobbies.
Face à cet échec diplomatique, notre réponse doit être claire : réduire à la source dès maintenant. Concrètement, c'est dire non aux produits à usage unique, choisir le vrac, exiger des emballages réutilisables, soutenir les entreprises qui innovent pour éliminer le plastique.
Ne nous contentons pas de gestes symboliques, bannir quelques pailles ou touillettes, pendant que les usines crachent des millions de tonnes. La bataille se joue sur la production elle-même, pas seulement sur le recyclage.
Genève a raté l’occasion. Nous, citoyens, entreprises, collectivités, pouvons encore la saisir, car si l’histoire du plastique se joue dans les salles de conférence, elle se gagne… à la maison.
Références de l'article
Moreau, Z. (2025, 13 août). Traité contre la pollution plastique : “Si on se contente d’interdire les touillettes, on aura échoué”. Vert
Marina Fabre. (2025, 15 août). L’échec cuisant du sommet de Genève : il n’y aura pas de traité plastique. Novethic