Des scientifiques découvrent que les éruptions d’étoiles magnétisées peuvent forger l’or et le platine des planètes
Une étoile de type magnétar a généré une puissante explosion de rayonnement qui n’a duré que quelques secondes, mais a libéré plus d’énergie que celle que le Soleil émet en un million d’années, constituant ainsi l’origine de minéraux lourds comme l’or et le platine.

Les astronomes ont découvert un lieu de naissance jusqu’ici inconnu pour certains des éléments les plus rares de l’univers : une gigantesque éruption déclenchée par une étoile supermagnétisée. Ils estiment que ces éruptions pourraient être responsables de la formation de jusqu’à 10 % de l’or, du platine et d’autres éléments lourds de notre galaxie.
Cette découverte permet également de résoudre un mystère vieux de plusieurs décennies lié à un éclat lumineux intense et à des particules détectés par un télescope spatial en décembre 2004. La lumière provenait d’un magnétar (un type d’étoile entourée de champs magnétiques des milliers de milliards de fois plus puissants que celui de la Terre) qui avait déclenché une gigantesque éruption.
Bien que l’origine de l’éruption ait été rapidement identifiée, un second signal, plus faible, émis par l’étoile et ayant atteint son pic dix minutes plus tard, avait déconcerté les scientifiques de l’époque. Pendant vingt ans, ce signal est resté sans explication.
Aujourd’hui, une nouvelle découverte réalisée par des astronomes du Centre d’astrophysique computationnelle (CCA) de l’Institut Flatiron à New York a révélé que ce signal inexpliqué marquait la naissance inhabituelle d’éléments lourds comme l’or et le platine. En plus de confirmer une autre source possible de ces éléments, les astronomes ont estimé que l’éruption de 2004 à elle seule avait produit l’équivalent d’un tiers de la masse terrestre en métaux lourds. Ils font état de leur découverte dans un article publié le 29 avril dans The Astrophysical Journal Letters.
« C’est véritablement la deuxième fois que nous voyons une preuve directe de l’endroit où se forment ces éléments », la première ayant été observée lors de fusions d’étoiles à neutrons, déclare Brian Metzger, coauteur de l’étude, chercheur principal au CCA et professeur à l’université Columbia. « C’est une avancée majeure dans notre compréhension de la production des éléments lourds ».
Génération de minéraux lourds comme l’or et le platine
La plupart des éléments que nous connaissons et apprécions aujourd’hui n’ont pas toujours existé. L’hydrogène, l’hélium et une petite quantité de lithium se sont formés lors du Big Bang, mais presque tout le reste a été créé par les étoiles, soit au cours de leur vie, soit lors de leur mort violente. Si les scientifiques comprennent parfaitement où et comment se forment les éléments les plus légers, les lieux de production de nombreux éléments plus lourds, riches en neutrons (ceux plus lourds que le fer), restent encore mal identifiés.
Ces éléments, qui incluent l’uranium et le strontium, sont produits à travers un ensemble de réactions nucléaires appelé processus de capture rapide de neutrons, ou processus-r. Ce processus exige un excès de neutrons libres, une condition que l’on ne retrouve que dans des environnements extrêmes. C’est pourquoi les astronomes pensaient que les contextes extrêmes créés par les supernovas ou les fusions d’étoiles à neutrons étaient les endroits les plus propices au processus-r.
Ce n’est qu’en 2017 que les astronomes ont pu confirmer l’existence d’un processus-r, en observant la collision de deux étoiles à neutrons. Ces étoiles sont les restes effondrés d’anciens géants stellaires, composées d’une masse de neutrons si dense qu’une simple cuillerée pèserait plus d’un milliard de tonnes. Les observations de 2017 ont démontré que la collision cataclysmique de deux de ces étoiles crée l’environnement riche en neutrons nécessaire à la formation des éléments issus du processus-r.

Cependant, les astronomes se sont rendus compte que ces collisions rares, à elles seules, ne peuvent pas expliquer tous les éléments issus du processus-r que nous observons aujourd’hui. Certains ont alors soupçonné que les magnétars — des étoiles à neutrons hautement magnétisées — pourraient également constituer une source.
En 2024, Metzger et ses collègues ont calculé que des éruptions géantes pouvaient expulser de la matière provenant de la croûte d’un magnétar dans l’espace, où des éléments issus du processus-r pourraient se former.
« C’est incroyable de penser que certains des éléments lourds qui nous entourent, comme les métaux précieux de nos téléphones et de nos ordinateurs, sont produits dans ces environnements extrêmes et improbables », déclare Anirudh Patel, doctorant à l’université Columbia et auteur principal de la nouvelle étude.
Les calculs de l’équipe montrent que ces éruptions géantes créent des noyaux radioactifs lourds et instables, qui se désintègrent ensuite en éléments stables comme l’or. En se désintégrant, ces éléments radioactifs émettent une lueur et donnent naissance à de nouveaux éléments.
Le groupe a également calculé en 2024 que la lueur issue des désintégrations radioactives serait visible sous la forme d’une explosion de rayons gamma, un type de lumière hautement énergétique. En discutant de leurs résultats avec des astronomes spécialisés dans l’observation des rayons gamma, ils ont découvert qu’un tel signal avait effectivement été observé des décennies plus tôt, sans jamais recevoir d’explication. Comme il existe peu de liens entre l’étude de l’activité des magnétars et la science de la synthèse des éléments lourds, personne n’avait jusque-là proposé que la production d’éléments puisse être à l’origine de ce signal.
« L’événement avait pratiquement été oublié avec le temps », explique Metzger. « Mais nous nous sommes vite rendu compte que notre modèle lui correspondait parfaitement. »
Dans leur nouvel article, les astronomes se sont appuyés sur les observations de l’événement de 2004 pour estimer que l’éruption avait produit deux milliards de tonnes d’éléments lourds (soit environ l’équivalent de la masse de Mars). Sur cette base, ils estiment qu’entre 1 % et 10 % de tous les éléments issus du processus-r présents aujourd’hui dans notre galaxie auraient été créés lors de telles éruptions géantes. Le reste pourrait provenir de fusions d’étoiles à neutrons, mais avec seulement une éruption géante de magnétar et une fusion documentées à ce jour, il reste difficile de déterminer les proportions exactes — voire même si cette explication est complète.
« Nous ne pouvons pas exclure l’existence d’un troisième, voire d’un quatrième site de production que nous n’aurions pas encore détecté », conclut Metzger.
Référence de l'article :
Anirudh Patel et al, Direct Evidence for r-process Nucleosynthesis in Delayed MeV Emission from the SGR 1806–20 Magnetar Giant Flare, The Astrophysical Journal Letters (2025). DOI: 10.3847/2041-8213/adc9b0