Climat : concilier adaptation et réduction des émissions, la France concernée ?

Sécheresses, canicules, inondations : l’adaptation est vitale. Mais réduire nos émissions reste incontournable. Et si les deux objectifs pouvaient avancer main dans la main ?

. Une étude de plus de 300 projets d’adaptation a montré que plus de la moitié réduisaient aussi les émissions.
. Une étude de plus de 300 projets d’adaptation a montré que plus de la moitié réduisaient aussi les émissions.

Le changement climatique n’est plus une perspective lointaine. En France, la sécheresse historique de 2022 a privé 700 communes d’eau potable, les incendies en Gironde ont détruit 30 000 ha de forêt, et la tempête Alex en 2020 a dévasté les Alpes-Maritimes. Les canicules, les crues soudaines et les submersions marines sont désormais des réalités annuelles.

Pendant longtemps, l’atténuation, qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à traiter les causes du changement climatique, et l’adaptation, qui consiste à ajuster les systèmes naturels ou humains pour réduire les vulnérabilités aux impacts climatiques, ont été considérées comme des objectifs séparés. Pourtant, les deux approches sont complémentaires : même si l’atténuation est massive, le climat continuera à changer dans les prochaines décennies, rendant l’adaptation indispensable, tandis que l’adaptation seule ne suffira pas à éliminer les effets négatifs du changement climatique.

Une étude portant sur plus de 300 projets d’adaptation a montré que plus de la moitié réduisaient également les émissions, démontrant que certaines initiatives apportent un double bénéfice. Le dilemme est donc dépassé : certaines actions peuvent et doivent être gagnantes à la fois pour l’atténuation et pour l’adaptation.

Energie et agriculture : deux leviers gagnant-gagnant

Le secteur de l’énergie illustre parfaitement les solutions win-win. Les énergies fossiles représentent encore plus de 50 % de la production mondiale d’électricité, et les infrastructures centralisées sont particulièrement vulnérables aux tempêtes et aux vagues de chaleur.

Développer des énergies renouvelables locales, qu’il s’agisse de panneaux solaires, d’éolien décentralisé ou de mini-réseaux, permet non seulement de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de renforcer la résilience des territoires en cas de coupures ou d’aléas climatiques.

Dans l’agriculture, qui représente environ 21 % des émissions mondiales, des pratiques comme l’agroforesterie ou le sylvopâturage permettent de séquestrer cinq à dix fois plus de carbone qu’une prairie classique, tout en protégeant les cultures et les revenus des agriculteurs face aux aléas climatiques. En France, la réintroduction des haies bocagères et le développement de l’agroécologie illustrent ces solutions « sans regret » qui conjuguent réduction des émissions, résilience des exploitations et préservation de la biodiversité.

Réinventer ville et transports

Les bâtiments concentrent 37 % des émissions mondiales et sont particulièrement vulnérables aux vagues de chaleur. Améliorer l’isolation, végétaliser les toits ou peindre les toitures en blanc, capables de réfléchir jusqu’à 90 % de la lumière solaire, permet de réduire la consommation d’énergie et donc les émissions, tout en protégeant les habitants contre la chaleur extrême. Cette stratégie participe à la fois à l’atténuation et à l’adaptation.

Les transports, responsables de 24 % des émissions mondiales, sont eux aussi exposés aux inondations et à la chaleur et au froid extrêmes. Développer le ferroviaire et le transport collectif réduit fortement les émissions par passager-kilomètre tout en garantissant une mobilité plus résiliente face aux événements climatiques.

Restaurer les écosystèmes - planifier les territoires

Les zones humides côtières, les marais et les lagunes stockent entre 10 et 24 milliards de tonnes de carbone et protègent les populations contre les submersions. Leur restauration peut capturer jusqu’à 290 millions de tonnes de carbone supplémentaires par an d’ici 2050. Ces écosystèmes offrent un bénéfice double, en réduisant les émissions et en renforçant la résilience des territoires côtiers face aux aléas climatiques.

La planification territoriale vient compléter ces mesures en obligeant collectivités et régions à anticiper un climat radicalement différent. Elle permet à la fois de réduire les émissions et de renforcer la résilience des territoires face aux futurs aléas climatiques, illustrant ainsi parfaitement la complémentarité entre adaptation et atténuation.

SNBC 3 et PNACC 3 : deux stratégies encore trop cloisonnées

La France dispose de deux cadres complémentaires : la SNBC 3 (Stratégie nationale bas-carbone) pour l’atténuation, et le PNACC 3 (Plan national d’adaptation au changement climatique) pour l’adaptation.

  • Vers la neutralité carbone en 2050....

La SNBC 3, actuellement en phase de finalisation, vise la neutralité carbone en 2050, avec un jalon de -50 % d’émissions en 2030 par rapport à 1990. Elle introduit pour la première fois un objectif sur l’empreinte carbone, incluant les émissions importées. Ses budgets carbone fixent un cap exigeant : 333 MtCO₂eq en 2029-2033, puis 255 MtCO₂eq en 2034-2038.

Ces trajectoires impliquent des transformations profondes : sortie progressive du charbon, du pétrole et du gaz, division par deux de la consommation d’énergie d’ici 2050, électrification massive des usages, alimentation plus sobre en carbone, recyclage accru et réindustrialisation verte. La SNBC 3 trace donc une feuille de route claire pour l’atténuation, mais son succès dépendra de sa mise en œuvre réelle et de la mobilisation de tous les secteurs.

  • ....mais une France encore mal préparée

Le PNACC 3, quant à lui, pose un cadre pour l’adaptation. Mais le Haut Conseil pour le Climat tire la sonnette d'alarme :

La France n’est pas prête.

Le HCC critique des moyens financiers insuffisants, une gouvernance trop éclatée, et surtout l’absence d’objectifs chiffrés permettant de suivre l’efficacité des mesures. Même sur l’adaptation seule, la France accuse un retard préoccupant.

Cette séparation entre SNBC et PNACC révèle une faiblesse structurelle : l’atténuation et l’adaptation restent conçues comme deux plans distincts, alors que les solutions les plus efficaces combinent systématiquement les deux.

Le défi est immense, mais la voie est claire : investir dans des solutions intégrées, « sans regret », capables à la fois de réduire les émissions, de protéger les territoires et d’améliorer la qualité de vie, est non seulement souhaitable mais parfaitement réalisable.

Références de l'article

Brandon, C., & Kratzer, B. (2025, 4 septembre). 6 stratégies pour concilier atténuation et adaptation au changement climatique. World Resources Institute.

Dametis. (2025, 25 juillet). Stratégie nationale bas carbone et adoption de la SNBC 3.

Ministère de la Transition Écologique. (2024). Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3).

Le Haut Conseil pour le climat publie son avis sur le Plan national d’adaptation au changement climatique du gouvernement, le 13 mars 2025.