Boutique SheIn au BHV à Paris : que reproche-t-on à l'enseigne chinoise ?

Grève, pétition, départ d'autres enseignes du BHV... Pourquoi l'ouverture d'une boutique Shein à Paris suscite-t-elle autant de réactions négatives ?

BHV Paris Shein Boutique
Le géant chinois n'est visiblement pas le bienvenu en France...

L'annonce de l'ouverture d'une boutique permanente Shein au BHV Marais de Paris, prévue pour novembre 2025, a déclenché une onde de choc dans le commerce et le milieu associatif français. Entre pétitions massives, départs de marques et mobilisation des grévistes, la venue du géant de "l'ultra-fast fashion" n'est pas du goût de tout le monde... Mais pourquoi ?

Que se passe-t-il au BHV Marais à Paris ?

Une pétition citoyenne intitulée « PARIS MÉRITE MIEUX QUE SHEIN ! » a été lancée début octobre et a rapidement recueilli près de 98 500 signatures, dénonçant l'implantation d'une entreprise chinoise "déloyale" qu'elle qualifie d'« ultra-fast fashion ».

La contestation s'est traduite dans la rue et en interne : des syndicats du BHV ont appelé à la grève et à des rassemblements pour protester contre la décision de la direction et ses conséquences sur l'image et les conditions de travail du magasin. Les manifestations ont pris de l'ampleur à la mi-octobre, marquant l'intensité de la désapprobation tant des travailleurs que des consommateurs.

Les conséquences sont montées jusqu'au niveau institutionnel et commercial : plusieurs marques ont retiré leurs corners ou suspendu leurs livraisons au BHV, et l'exploitant du grand magasin, la Société des Grands Magasins (SGM), a été exclu de la fédération professionnelle (Union du Grand Commerce de Centre-Ville) à la suite de son alliance avec Shein.

Que reproche-t-on à Shein exactement ?

Les critiques portent d'abord sur les conditions sociales et la traçabilité : Shein est accusée d'opacité dans ses chaînes d'approvisionnement et d'avoir été liée, par le passé, à des pratiques de production à bas coût avec de faibles garanties sociales. Ces reproches nourrissent l'argument d'une concurrence déloyale face à des acteurs qui respectent normes et salaires européens.

Sur le plan environnemental, des analyses récentes, ainsi que le rapport interne de l'entreprise, montrent une explosion des émissions : Shein a déclaré une forte augmentation de ses émissions en 2024, tandis que des analystes estiment l'empreinte carbone totale de l'entreprise à plusieurs dizaines de millions de tonnes de CO₂.

Le transport seul aurait généré 8,52 millions de tonnes de CO₂ en 2024, selon les chiffres publiés, et l'entreprise s'est engagée — sous pression — à réduire une partie de ses émissions d'ici 2030. Les détracteurs soulignent aussi la nature même du modèle : production ultra-rapide (des milliers de nouveautés mises en ligne chaque jour), recours massif aux fibres synthétiques — sources de microplastiques — et prix cassés qui encouragent l'achat compulsif et le déchet.

L'affaire BHV-Shein cristallise une fracture : d'un côté, des choix commerciaux visant à attirer du flux et réduire les coûts ; de l'autre, une société et des commerçants qui y voient la normalisation d'un modèle incompatible avec les objectifs climatiques et sociaux.

Au-delà de ça, la question reste politique et économique : comment réguler un modèle qui exporte ses coûts environnementaux et sociaux tout en restant extrêmement compétitif sur le prix ? À Paris comme ailleurs, la réponse pèse déjà sur l'avenir des centres-villes et sur la crédibilité des engagements "durables" affichés par les enseignes.

Référence de l'article :

Estelle Dautry, LeParisien, (01/10/2025), « Une façon de créer le buzz » : le BHV et cinq Galeries Lafayette vont accueillir Shein en magasin