Plastique et lobbying : comment l'industrie fossile influence-t-elle les décisions mondiales ?

Le plastique, principalement dérivé du pétrole, reste au cœur des débats environnementaux, où l'influence persistante de l'industrie fossile soulève une question fondamentale : peut-on espérer une réelle transformation dans l'avenir ?

Objets en plastique jetables à usage unique tels que bouteilles, tasses, fourchettes, cuillères et pailles qui polluent l'environnement, notamment les océans.
Objets en plastique jetables à usage unique tels que bouteilles, tasses, fourchettes, cuillères et pailles qui polluent l'environnement, notamment les océans.

Le plastique est aujourd'hui omniprésent dans notre vie quotidienne. Nous l'utilisons dans nos emballages, nos vêtements, nos appareils électroniques, et bien d'autres applications encore. Pourtant, saviez-vous que près de 99 % de ce matériau provient encore du pétrole ?

Une dépendance problématique

Cette dépendance à une ressource fossile soulève des questions cruciales sur notre avenir, notamment en ce qui concerne la pollution plastique et son impact sur notre santé et notre environnement.

Entre 2000 et 2019, la production de plastique a doublé pour atteindre les 460 millions de tonnes par an. Si rien n'est fait, cette production devrait encore tripler d'ici 2060. Cette croissance fulgurante est alimentée par la demande croissante des consommateurs, mais aussi par les intérêts de l'industrie fossile, qui voit dans le plastique un débouché lucratif pour son produit phare, le pétrole.

Pourtant, derrière cette prospérité se cachent des conséquences désastreuses. Les plastiques, qui ne se décomposent pas facilement, se retrouvent dans nos océans, contaminent nos sols et perturbent nos écosystèmes, entraînant une détérioration de l'environnement et de la santé humaine.

Les enjeux des négociations : entre lobbying et intérêts publics

Face à cette crise, les Nations-Unies ont pris une initiative historique en adoptant une résolution visant à élaborer un traité international contraignant sur la pollution plastique. Pour que le texte final soit prêt d'ici 2025, cinq réunions sont prévues sur deux années consécutives.

La première a eu lieu en Uruguay en décembre 2022, suivie par une session à Paris en juin 2023, une autre au Kenya en novembre de la même année et la quatrième s'est clôturée le 30 avril 2024 à Ottawa. La cinquième et dernière rencontre est prévue à Pusan, en Corée du Sud, du 25 novembre au 1er décembre prochain. Le but est de mettre fin à la pollution plastique d’ici 2040.

Cependant, les négociations sont loin d'être simples. Les États pétroliers et l'industrie fossile exercent une influence considérable sur ces discussions, cherchant à orienter leur issue à leur avantage.

À Paris, lors de la deuxième réunion en juin 2023, certains pays producteurs de pétrole ont tenté de saboter les discussions en soulevant des questions de procédure pour éviter d'aborder le fond du problème. Leur objectif ? Éviter que le futur traité ne soit approuvé par un vote à la majorité des deux tiers, ce qui aurait permis de contourner une minorité de blocage. Cette manœuvre a été perçue comme une prise d'otage par les participants, soulevant des critiques quant à l'influence du lobbying de l'industrie plastique.

À Nairobi, pendant la troisième session en novembre 2023, les négociations ont été entravées par des désaccords persistants sur l'objet et le champ d'application du futur traité. D'un côté, une coalition de pays prônent une approche ambitieuse visant à réguler l'ensemble du cycle du plastique, de la production à la gestion des déchets. De l'autre, une coalition dirigée par des États producteurs de pétrole s'opposent à toute régulation de la production, cherchant à limiter le traité à la gestion des déchets.

Cette influence de l'industrie fossile se fait également sentir dans les sommets mondiaux sur le climat, où les groupes de pression liés aux énergies fossiles sont de plus en plus présents. À la COP28 à Dubaï en décembre 2023, la présence de lobbyistes a atteint un record, soulignant les liens étroits entre les intérêts des États et ceux de l'industrie.

Ce qu'il faut retenir de la 4e réunion à Ottawa

Les délégués de 175 nations se sont réunis à Ottawa, sous l'égide de l'ONU jusqu'au 29 avril dernier pour la quatrième session de négociations intergouvernementales, avant un dernier rendez-vous prévu du 25 novembre au 1er décembre à Pusan, en Corée du Sud.

  • Malgré une atmosphère tendue, pour la première fois, les pays ont entamé les négociations sur le texte du traité, et conviennent de poursuivre les discussions jusqu'à la prochaine réunion en Corée du Sud.
  • L’idée de limiter la production de plastique reste dans le texte malgré les objections des producteurs de plastique et des exportateurs de combustibles fossiles.
  • Les producteurs de plastique et les entreprises chimiques veulent un traité axé sur le recyclage et la réutilisation plutôt que sur la réduction de la production.
  • Des groupes de travail d'experts continueront à travailler entre les réunions pour préparer les discussions finales. Les sujets abordés incluent le financement du traité, l'évaluation des substances chimiques préoccupantes et la conception des produits.
  • Les défenseurs de l'environnement sont inquiets que la réduction de la production de plastique ne soit pas au centre des travaux des groupes de travail entre les réunions.

Toutefois, les représentants espèrent toujours l'adoption d'un traité ambitieux pour mettre fin à la pollution plastique dans les délais prévus malgré les défis persistants et les tensions entre les parties prenantes.

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