Découvrez comment les chercheurs réinventent la gouvernance mondiale pour préserver notre planète !

Six limites planétaires ont été franchies, ce qui représente des risques sérieux et irréversibles pour l'environnement, la vie et la Terre. Pour répondre à cette crise, les scientifiques ont avancé le concept de biens communs planétaires.

Les "éléments terrestres" qui contribuent aux fonctions de régulation : les grandes forêts, les calottes glaciaires, les espaces de pergélisol, les mangroves, etc., doivent figurer dans les biens communs mondiaux.
Les "éléments terrestres" qui contribuent aux fonctions de régulation : les grandes forêts, les calottes glaciaires, les espaces de pergélisol, les mangroves, etc., doivent figurer dans les biens communs mondiaux.

Une équipe de plus d'une vingtaine de scientifiques, dirigée par Johan Rockström propose, une refonte de la gouvernance des biens communs mondiaux, intégrant les système biophysiques clés pour maintenir la vie sur Terre.

Les limites planétaires

Les limites planétaires définissent les seuils critiques à ne pas dépasser pour maintenir les équilibres naturels essentiels à la vie sur Terre, et pour éviter des changements brutaux et irréversibles dans les écosystèmes naturels. Établies par une équipe de chercheurs dirigée par Johan Rockström du Stockholm Resilience Center (SRC), neuf limites ont été identifiées, à savoir :

  • le changement climatique ;
  • l'érosion de la biodiversité ;
  • la perturbation des cycles de l'azote et du phosphore ;
  • le cycle de l'eau douce ;
  • le changement d'usage des sols ;
  • l'acidification des océans ;
  • l'introduction d'entités nouvelles dans la biosphère ;
  • l'appauvrissement de la couche d'ozone ;
  • l'augmentation de la présence d'aérosols dans l'atmosphère.

Publiées en 2009 et révisées en 2015 et 2023, ces limites fournissent des indicateurs précieux pour évaluer l'état de notre planète. Malheureusement, avec six limites déjà franchies, nous sommes actuellement bien au-delà d'un espace sûr pour l'humanité.

Un changement de paradigme est vital

Cette fois, les scientifiques pilotés par Johan Rockström, qui sont à l'origine du concept des limites planétaires avancent une proposition intéressante dans la revue scientifique PNAS : intégrer dans la gouvernance des biens communs planétaires "tous les systèmes biophysiques critiques de régulation de la Terre et leurs fonctions, quelle que soit leur localisation, parce qu'ils sont essentiels pour maintenir la vie sur la planète, y compris la stabilité de nos sociétés."

Plus précisément, il s'agit d'inclure dans les communs mondiaux les "éléments terrestres" qui contribuent aux fonctions de régulation : les grandes forêts, les calottes glaciaires, les espaces de pergélisol, les mangroves, etc., indépendamment des frontières des Etats.

Des biens communs mondiaux…

Depuis de nombreuses années, les concepts de "biens communs", de "patrimoine commun", et de "biens publics mondiaux" sont devenus des enjeux cruciaux pour la préservation et l'amélioration de la vie humaine.

Le droit international public a établi la notion de "biens communs mondiaux" vers la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Ces notions remettent en question les paradigmes traditionnels du droit, de l'économie et de la sociologie, et reflètent un questionnement sur la manière dont ces "biens" devraient être réglementés à l'échelle internationale, en tenant en compte de leur impact sur l'équité intergénérationnelle et intragénérationnelle.

Les biens communs mondiaux incluent la haute mer, les grands fonds marins, l'Antarctique, l'atmosphère et l'espace extra-atmosphérique, étant des zones au-delà des juridictions nationales. La plupart des institutions internationales reconnaissent que ces "biens publics mondiaux" ou "biens communs" qui transcendent les frontières et affectent aussi bien les générations présentes que futures, nécessitent une régulation à l'échelle mondiale.

Des traités internationaux, tels que celui sur l'Antarctique de 1959 et celui sur la haute mer adopté par les Nations Unies en juin 2023, ont été mis en place pour assurer une gestion collective de ces biens, garantissant un accès équitable aux ressources ou interdisant leur exploitation.

…aux biens communs planétaires

Le cadre des biens communs mondiaux représente actuellement la meilleure approche existante pour gouverner les systèmes biophysiques sur Terre dont dépendent collectivement les habitants de la planète. Cependant, ce cadre, forgé dans des conditions stables d'Holocène, doit désormais évoluer pour répondre aux nouvelles dynamiques de l'Anthropocène.

L'Anthropocène, c'est une période fondamentalement différente de l'Holocène. Cette nouvelle trajectoire se caractérise par des risques croissants de déclencher des changements irréversibles et ingérables dans le fonctionnement du système Terre.

Nous avons ainsi besoin de toute urgence d'une nouvelle approche globale pour protéger de manière plus efficace et complète les fonctions régulatrices critiques du système Terre. Il est essentiel de passer d'une focalisation exclusivement sur la gouvernance des ressources partagées au-delà des frontières nationales à une approche qui sécurise les fonctions critiques du système Terre, indépendamment des limites géographiques.

Dans cette optique, les chercheurs proposent un nouveau cadre : les biens communs planétaires, qui va au-delà du cadre des biens communs mondiaux. Les biens communs planétaires incluraient non seulement les régions géographiques partagées à l'échelle mondiale, mais également les systèmes biophysiques critiques qui régulent la résilience et l'état de la planète. Cette approche holistique permettrait de mieux appréhender et de protéger les fonctions vitales du système Terre.

Qu'est-ce-que cela implique ?

La transition vers les biens communs planétaires nécessitera une refonte fondamentale de la gouvernance mondiale. Plutôt que de se concentrer uniquement sur les ressources partagées, cette approche holistique reconnaît l'interdépendance complexe des systèmes biophysiques de la Terre.

Elle exige également une collaboration étroite entre les Etats, les peuples autochtones et les communautés locales, reconnaissant leur rôle crucial en tant que gardiens des écosystèmes. En fin de compte, la question qui se pose est la suivante : sommes-nous prêts à relever le défi de protéger notre planète pour les générations futures ?

La proposition des chercheurs offre une voie prometteuse vers un avenir durable, mais cela nécessitera un engagement collectif et une volonté politique forte. En reconnaissant la valeur intrinsèque des systèmes biophysiques de la Terre, nous pouvons forger un avenir où la vie prospère et où la planète est préservée pour les générations à venir.

Référence : Johan Rockström et al,. The planetary commons: A new paradigm for safeguarding Earth-regulating systems in the Anthropocene. https://doi.org/10.1073/pnas.2301531121

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