1,5°C : trop tard pour agir ou encore possible ?

Le monde dépassera très probablement 1,5 °C de réchauffement dès le début des années 2030. Mais selon une nouvelle étude de Climate Analytics et du PIK, ce seuil n’est pas perdu : tout dépend de notre ambition collective dès 2025.

Le monde dépassera très probablement 1,5°C de réchauffement dès le début des années 2030.
Le monde dépassera très probablement 1,5°C de réchauffement dès le début des années 2030.

Dix ans après l’Accord de Paris, la science parle d’une seule voix : le monde atteindra très probablement 1,5 °C de réchauffement global d’ici le début des années 2030.

Le rapport de Climate Analytics et PIK, intitulé « Rescuing 1.5°C: New Evidence on the Highest Possible Ambition », confirme que, faute d’action suffisante dans les années 2020, nous entrons dans une période de dépassement temporaire du seuil fixé par l’Accord de Paris.

Ce phénomène, appelé overshoot, signifie que les températures dépasseront ce seuil critique avant, peut-être, de redescendre plus tard dans le siècle.

Le cap des 1,5 °C, désormais inévitable !

L’année 2024 a marqué un tournant symbolique : la température moyenne mondiale a, pour la première fois, dépassé 1,5 °C sur douze mois consécutifs, selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Cela ne signifie pas que le seuil de Paris est « cassé », car celui-ci se mesure sur des moyennes de plusieurs décennies.

Cette étape illustre la vitesse à laquelle nous approchons des limites de stabilité du système climatique. Plus ce dépassement s’étendra dans le temps, plus les risques de basculement irréversible, fonte accélérée des calottes glaciaires, effondrement d’écosystèmes, dérèglements océaniques... deviendront réels.

L'overshoot : comprendre ce dépassement temporaire

L’overshoot désigne le dépassement provisoire de la limite de 1,5 °C avant un retour possible sous ce seuil à long terme. Dans le nouveau scénario établi par Climate Analytics et le Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), les températures mondiales pourraient atteindre un pic d’environ 1,7 °C autour de 2040, avant de redescendre vers 1,2 °C d’ici 2100.

Ce scénario implique un dépassement d’environ quarante ans, soit une décennie de plus que les estimations du GIEC. Ce sursis coûteux est la conséquence directe du retard pris entre 2020 et 2025 dans la réduction des émissions mondiales, alors même que la science alertait déjà sur l’urgence d’agir.

L’overshoot est un échec politique, mais pas une fatalité climatique.

Les chercheurs soulignent que ce dépassement, aussi préoccupant soit-il, ne remet pas en cause les fondements de l’Accord de Paris. Bien au contraire : il renforce la nécessité de limiter l’ampleur et la durée de ce dépassement. L’objectif n’est plus seulement d’éviter les 1,5 °C, mais de revenir sous ce seuil le plus vite possible grâce à une transformation rapide et coordonnée des systèmes énergétiques et économiques.

L'ambition maximale : un scénario encore possible

Face à cette urgence, le rapport propose un nouveau cadre, baptisé Highest Possible Ambition (HPA). Ce scénario repose sur une idée simple : partir des émissions actuelles, en 2025, et pousser l’action climatique à la limite du possible sur le plan technologique, économique et politique.

Selon cette modélisation, il est encore possible de ramener le réchauffement sous 1,5°C d’ici la fin du siècle, à condition d’agir dès maintenant avec un niveau d’ambition inédit. Le monde pourrait ainsi atteindre la neutralité carbone avant 2050, puis la neutralité totale des gaz à effet de serre dans les années 2060. Ces objectifs seraient atteints cinq à dix ans plus tôt que dans les trajectoires du GIEC.

Il existe encore une voie vers des niveaux de réchauffement sûrs.@Climate Analytics
Il existe encore une voie vers des niveaux de réchauffement sûrs.@Climate Analytics

Cette trajectoire exige un effort colossal : réduire les émissions mondiales d’environ 20 % d’ici 2030 par rapport à 2019, puis accélérer le rythme à plus de 11 % par an dans les années 2030. António Guterres, secrétaire général des Nations unies, l’a rappelé lors de la COP30 à Belém, au Brésil :

1,5 °C n’est pas perdu, mais nous vivons à crédit. Il faut aller plus vite et ensemble.

Pour lui, cette décennie représente un tournant moral et politique : « Pas de faux-semblants, pas de verdissement de façade. Mise en œuvre, mise en œuvre, mise en œuvre. »

Les leviers de changement : énergie, carbone, nature

Le rapport Rescuing 1.5°C identifie plusieurs leviers essentiels pour contenir la hausse des températures et amorcer le retour sous 1,5 °C. Le premier repose sur une électrification massive des usages à partir d’énergies renouvelables. D’ici 2050, plus de deux tiers de l’énergie mondiale devraient provenir de l’électricité verte, avec plus de 90 % de la production assurée par le solaire et l’éolien.

Ces technologies, désormais plus compétitives que les énergies fossiles, forment la colonne vertébrale d’un système énergétique propre, sobre et résilient. Cette transition, combinée à une meilleure efficacité énergétique, permettrait de réduire drastiquement la dépendance aux combustibles fossiles et de limiter les émissions à la source.

L’alliance entre technologie, nature et sobriété ouvre ainsi la voie à une transformation systémique, plus juste et plus humaine.

Mais l’action ne peut pas reposer uniquement sur la technologie. Les solutions fondées sur la nature (SFN) constituent un pilier tout aussi stratégique pour stabiliser le climat. Restaurer les forêts, protéger les tourbières, les mangroves et les océans, régénérer les sols agricoles : ces écosystèmes agissent comme de véritables puits de carbone vivants, capables d’absorber une partie du CO₂ émis tout en renforçant la biodiversité et la résilience des territoires.

Le rapport estime que les actions de captation et de stockage du carbone devront atteindre environ 8 gigatonnes de CO₂ par an d’ici 2050, mais souligne qu’elles doivent s’appuyer sur des approches durables et équitables. En parallèle, la réduction du méthane, un gaz au pouvoir de réchauffement 80 fois supérieur à celui du CO₂ sur vingt ans, doit se poursuivre rapidement, avec une baisse d’au moins 20 % d’ici 2030.

Références de l'article

Climate Analytics & PIK. (2025, novembre). Rescuing 1.5ºC : New evidence on the highest possible ambition to deliver the Paris Agreement (Report).

Comité français de l’UICN. Les solutions fondées sur la Nature.