Un effondrement imminent de l'AMOC ? Les derniers résultats de cette étude vont-ils dans ce sens ?

De nombreux scientifiques avaient mis en garde ces dernières années sur le risque d'effondrement de l'AMOC, un courant océanique régulant les températures et les précipitations d'une partie de la planète, d'ici la fin du siècle. Néanmoins, une nouvelle étude réfute cette théorie.

Courant
L'AMOC est ainsi l'un des plus grands systèmes de transport de chaleur de la planète et a un impact non négligeable sur le climat de l'Europe

De nombreuses publications scientifiques ont récemment fait état d'un effondrement de la circulation méridionale de retournement de l'Atlantique (AMOC) d'ici la fin du siècle. Néanmoins, une nouvelle étude étude britannique ne va pas dans ce sens.

Réchauffement climatique et fonte des glaces : un arrêt de l'AMOC ?

La circulation méridionale de retournement de l'Atlantique est un vaste réseau de courants marins qui régule les températures et les précipitations d'une partie de la planète, y compris l'Europe et la France. Sans l'AMOC, notre pays connaîtrait par exemple des hivers similaires à celui du Québec, c'est à dire bien plus froids et neigeux.

L'AMOC fonctionne grâce à un cycle d'échanges de chaleur et de densité entre l'Atlantique tropical et les hautes latitudes de l'hémisphère Nord. Autrement dit, les eaux chaudes et salées remontent vers le Nord via le Gulf Stream puis se refroidissent en approchant du Groenland, ce qui augmente leur densité et les fait plonger en profondeur, formant donc un courant d'eau froide qui redescend vers l'Atlantique Sud. Ce processus est appelé « circulation thermohaline ».

Cependant, le réchauffement climatique perturbe cet équilibre, d'une part par l'augmentation des températures moyennes qui entraîne un refroidissement moins important de l'eau des océans et d'autre part par la fonte accélérée de la calotte glaciaire du Groenland, qui injecte une grande quantité d’eau douce dans l'Atlantique Nord. Or, cette eau douce étant moins dense que l'eau salée, elle perturbe le processus de plongée des eaux froides, ce qui entraîne un ralentissement progressif de la circulation thermohaline.

Ainsi, bon nombre de modèles climatiques suggèrent que le ralentissement de l'AMOC se poursuivrait jusqu'à un point de bascule, le rendant irréversible jusqu'à ce qu'il finisse par complètement se stopper. Néanmoins une nouvelle étude britannique montre que les différences de densité et de température de l'eau ne sont pas les deux seuls « moteurs » de l'AMOC, d'autres paramètres ont également une influence, ce qui pourrait bien changer le sort envisagé jusqu'à aujourd'hui de cette grande circulation océanique.

Le vent va-t-il « sauver » l'AMOC ?

Selon une récente étude menée par l'Université d'Exeter en Angleterre et le Met Office UK, un facteur clé a été sous-estimé jusque là par les études prédisant l'arrêt de l'AMOC d'ici la fin du siècle : les vents forts soufflant au-dessus de l'océan Austral. En effet, ces vents puissants favorisent un phénomène pourtant bien connu appelé l'upwelling.

En soufflant au-dessus d'une masse d'eau plus ou moins grande, le vent entraîne un déplacement des eaux de surface, en général plus douces, permettant ainsi aux eaux froides de remonter des profondeurs pour la remplacer. C'est par exemple ce phénomène qui entraîne un refroidissement soudain des eaux côtières de certaines régions Méditerranéennes en été après un coup de Mistral.

Ainsi, ce mécanisme permet dans tous les cas de maintenir une circulation résiduelle et ce même si l'AMOC ralentit fortement. En d'autres termes, tant que ces vents soufflent, l'effondrement total des courants de la circulation méridionale de retournement de l'Atlantique ne pourra pas se produire contrairement à ce qu'annonçaient bon nombre d'études jusqu'à aujourd'hui.

Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont simulés les projections de 34 modèles climatiques comprenant certains scénarios extrêmes de changement climatique et aucune simulation n'a montré un effondrement total de l'AMOC avant 2100. Selon Jonathan Baker, auteur principal, ces modèles confirment que des mécanismes de compensation, notamment dans l’océan Austral, permettent de maintenir une circulation affaiblie, mais fonctionnelle.

Même si il est donc très peu probable que l'AMOC s'effondre complètement au cours des 75 prochaines années, les chercheurs précisent que son affaiblissement posera dans tous les cas des problèmes climatiques pour certaines régions du monde et notamment pour l'Europe, un paramètre qu'il sera important d'appréhender dans un avenir proche.

Référence de l'article :

Continued Atlantic overturning circulation even under climate extremes, Nature (26 février 2025), J. A. Baker, M. J. Bell, L. C. Jackson, G. K. Vallis, A. J. Watson, R. A. Wood