Réchauffement climatique : ce géant pétrolier savait tout et n'a rien dit !

Ce sont des révélations publiées dans la revue Science qui font grand bruit : dès 1977, le grand groupe pétrolier ExxonMobil connaissait déjà l'impact des activités humaines polluantes sur le climat. Les prévisions des scientifiques de l'industriel se sont révélées exactes, 40 ans plus tard. Des résultats sous-estimés voire niés, aucune alerte pour le grand public et toujours plus d'activités polluantes : ce double discours vaut à ExxonMobil des procédures juridiques...

Températures terrestres : 10 projections cohérentes sur 16

"Une exactitude troublante" : ce sont ces mots qu'utilise l'un des co-auteurs de l'étude publiée dans la revue Science, Geoffrey Supran, pour qualifier les modélisations et prévisions réalisés par ExxonMobil au sujet du réchauffement climatique. Les scientifiques ont comparé les données du groupe pétrolier (révélées en 2015 par des journalistes d'Inside Climate News et du Los Angeles Times) à celles d'autres chercheurs de l'époque, ainsi qu'aux données de températures issues du réchauffement climatique actuel. Conclusion : ExxonMobil savait depuis longtemps que les activités humaines étaient responsables du réchauffement climatique.

Au total, 32 documents internes produits par les scientifiques d'ExxonMobil entre 1977 et 2002 ont été analysés par les chercheurs de Science. Dans ces documents se nichent 16 projections de températures, et le résultat est sans appel : "10 d'entre elles sont cohérentes avec les observations" (c'est-à-dire un réchauffement moyen de 0,2°C par décennie). Sur les 6 projections restantes, 2 sont même encore plus alarmistes.

Le problème est que ces documents n'avaient jamais été révélés au grand public, ExxonMobil n'ayant pour autant jamais nié leur authenticité. Toutefois, le géant pétrolier est accusé de tenir un double discours, en niant la vérité scientifique des travaux, ou en continuant à rejeter d'immenses quantités de gaz à effet de serre dans l'atmosphère via la combustion de charbon ou de pétrole. Des procédures juridiques ont d'ailleurs été lancées contre l'entreprise aux Etats-Unis. ExxonMobil continue à réfuter les accusations : "ceux qui évoquent ce que Exxon savait ont faux dans leurs conclusions", a déclaré à l'AFP un porte-parole du groupe.

"Assez pour prendre des mesures et alerter le public"

Le professeur Geoffrey Supran hausse le ton, en déclarant que les scientifiques d'ExxonMobil "en savaient autant que les scientifiques indépendants et gouvernementaux, et vraisemblablement assez pour prendre des mesures et alerter le public". Ces révélations raisonnent avec les derniers chiffres de l'Organisation météorologique mondiale, selon lesquels les 8 dernières années ont bien été les plus chaudes jamais enregistrées sur la planète.

Devant le Congrès américain, lors d'une audition en 2019, l'un des chercheurs employés par ExxonMobil n'avait pas donné plus d'explications sur la qualité de ses prédictions : "Nous étions d'excellents scientifiques", a-t-il simplement déclaré. Un avis pas forcément partagé par les anciens PDG du groupe : en 2000, Lee Raymond estimait ne pas pouvoir "faire des prédictions raisonnables" en raison de l'absence d'une "compréhension scientifique suffisante du changement climatique". Plus récemment, en 2013, Rex Tillerson jugeait qu'il existait des "incertitudes" sur les "principaux facteurs du changement climatique". Ambiance...

Du côté de la NASA, le climatologue Gavin Schmidt ne jette pas l'opprobre sur ExxonMobil : selon lui, "dénoncer et faire honte" au groupe pétrolier n'aide "pas beaucoup" à trouver des solutions pour la transition énergétique. Toutefois, une prise de conscience des grands groupes pétroliers pourrait donner l'impulsion à un mouvement de masse dans l'industrie pour changer de paradigme... L'espoir fait vivre, mais pour combien de temps ?