Quand le patrimoine devient la victime (in)attendue du dérèglement climatique, les consciences s'éveilleront-elles enfin
Près de 9 Français sur 10 se disent attachés à leur patrimoine. Un amour qui se reflète dans les 49 sites français inscrits à l’UNESCO… mais que le changement climatique menace de plus en plus visiblement.

Près de 86 % des Français affirment être attachés à leur patrimoine culturel. Chez les plus de 60 ans, ce chiffre grimpe à 94 %, et atteint 92 % chez les cadres. Les plus jeunes sont moins nombreux à partager cet attachement, mais restent majoritaires. Cette passion nationale trouve un écho dans la richesse exceptionnelle du pays : 49 sites français figurent aujourd’hui sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, qu’il s’agisse de monuments emblématiques ou de paysages naturels.
Les Français, passionnés de leur patrimoine
En 2024, la fréquentation culturelle a connu un regain. Plus d’un Français sur deux, soit 56 %, a visité un musée, une exposition ou un lieu patrimonial, contre 51 % l’année précédente. Un sur cinq a participé à un événement gratuit, qu’il s’agisse des Journées européennes du patrimoine, de la Nuit des musées.
Les expériences immersives payantes séduisent aussi davantage, avec 14 % des visiteurs y ayant goûté au moins une fois dans leur vie, soit cinq points de plus qu’en 2023. Cette vitalité culturelle contraste avec la fragilité grandissante des lieux eux-mêmes face au climat.
Le changement climatique grignote nos pierres
Devant les caméras de BFMTV, Stéphane Bern n’a pas mâché ses mots :
Les exemples sont déjà visibles. À Chenonceaux, le Cher ronge peu à peu la pierre. Fort Boyard se fragilise sous les coups répétés des vagues et des tempêtes. La forêt du château de Chambord souffre des sécheresses qui affaiblissent les sols et la biodiversité qui les habite. Dans bien d’autres lieux, l’humidité, les variations brutales de température ou la montée des eaux accélèrent l’usure des matériaux.
Ces monuments n’ont pas été conçus pour résister à de telles contraintes. Les bâtisseurs d’hier ignoraient que leurs ouvrages affronteraient un jour des cycles de gel et de dégel plus violents, des périodes de sécheresse prolongées ou des pluies extrêmes capables d’infiltrer les fondations. Ce constat, partagé par les conservateurs et architectes, met en lumière une réalité préoccupante : protéger le patrimoine revient désormais à s’adapter à un climat qui change plus vite que nos moyens de le préserver.
Quand le patrimoine devient un levier d'action
Le lien entre patrimoine et climat pourrait pourtant jouer en faveur de la mobilisation. Les grandes fortunes et décideurs, souvent à distance des impacts quotidiens du dérèglement climatique, sont attachés à la culture.
L’exemple de Notre-Dame de Paris l’illustre : après l’incendie de 2019, près d’un milliard d’euros ont été réunis en quelques mois, la moitié provenant de très grandes fortunes. À titre de comparaison, les Restos du Cœur collectent environ 150 millions d’euros par an, avec un supplément exceptionnel de quelques dizaines de millions en 2023 lors de leur appel face à la crise alimentaire.
Autrement dit, voir un monument menacé peut toucher un public qui, par ailleurs, se sent peu concerné par les catastrophes climatiques lointaines. En reliant explicitement la préservation des pierres à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, il est possible de susciter un engagement plus large et plus puissant.
S'adapter pour préserver
Face à cette urgence, le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC3), lancé par le gouvernement en mars 2025, prévoit de croiser les données climatiques, notamment sur la sécheresse, la submersion marine, les canicules, avec la localisation précise des monuments, archives, musées et sites archéologiques.
Cette cartographie, attendue cette année, doit permettre d’anticiper les menaces. Parallèlement, les plans de sauvegarde et de continuité d’activité seront renforcés : d’ici la même échéance, 80 % des archives devront en être dotées et l’ensemble des musées nationaux devra au moins avoir amorcé ce travail.
La prévention passera aussi par des diagnostics énergétiques et architecturaux, en particulier pour les bâtiments construits avant les normes thermiques récentes. Les travaux viseront à améliorer l’isolation, gérer les abords pour limiter les infiltrations et réduire la consommation d’énergie.
La formation sera un autre pilier, avec l’intégration de l’adaptation climatique dans toutes les écoles du patrimoine, d’architecture et de paysage d’ici 2026. Les normes de conservation, elles aussi, évolueront pour tenir compte des nouvelles réalités climatiques, tout comme les expérimentations menées sur des sites pilotes afin de tester et diffuser des solutions d’adaptation.
Sauver pour transmettre
Pour Stéphane Bern, la question n’est pas de savoir si ces mesures coûtent cher, mais de comprendre qu’elles constituent un véritable investissement. « On n’a pas envie que les touristes visitent des ruines, mais des monuments en parfait état. » Le Loto du patrimoine en est la preuve : 320 millions d’euros récoltés en sept ans et demi, et 1 000 sites sauvés.
Quand une tempête fragilise un clocher ou qu’une sécheresse fend les pierres d’un château, ce n’est pas seulement un monument qui s’abîme, mais une partie de notre mémoire collective qui disparaît. Le patrimoine n’est pas un luxe : il raconte notre histoire. Le défi climatique pousse désormais à envisager un fonds international pour préserver le patrimoine mondial.
Références de l'article
Ministère de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche. (2025, 10 mars). Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3). Gouvernement français.
BFMTV. (2025, 1 août). « Notre patrimoine est partout menacé » : le cri d’alarme de Stéphane Bern face aux dangers du dérèglement climatique sur les sites historiques.