Les restaurants expérientiels, nouvelle tendance de la gastronomie ?

Manger avec les doigts en forêt, retrouver une ambiance de maison de campagne en plein Paris ou plonger dans l'atmosphère du Japon sans quitter la France... Ces expériences résument les nouvelles tendances de la restauration.

Expérimenter la forêt est le pari osé de Jérémy Galvan. Ici, chou-fleur torréfié, agrumes, amandes.
Expérimenter la forêt est le pari osé de Jérémy Galvan. Ici, chou-fleur torréfié, agrumes, amandes.

Manger bien, une cuisine à base de produits frais, tout en vivant une expérience qui sublime les plats... Bienvenue dans les restaurants immersifs ou expérientiels qui piochent dans le registre des arts décoratifs, du théâtre et du voyage pour faire vivre à leurs convives une expérience qui dépasse la simple gastronomie. So Soir, le magazine lifestyle du journal belge Le Soir, a interrogé deux chefs, Jérémy Galvan et Paul-Antoine Bertin, qui proposent chacun à leur façon de vivre des expériences culinaires.

Un voyage sensoriel

« Disrupteur », « insoumis culinaire », comme il se décrit lui-même, le chef lyonnais Jérémy Galvan a récemment décidé d’abandonner son étoile pour transformer son établissement en bistrot baptisé Contre-Champ. Fenêtre ouverte sur la campagne, Contre-Champ propose une cuisine du marché locale et accessible à tous.

En parallèle, le chef vient d'inaugurer son nouveau restaurant expérientiel, 220 BPM, en pleine forêt, à proximité de Lyon. Les convives, transportés les yeux bandés depuis la place Bellecour, sont plongés dans un voyage sensoriel d'une durée de trois heures. Les participants dégustent une trentaine de créations du chef sous forme de bouchées qui honorent le vivant.

On ne sert plus le vin dans une bouteille, on mange avec les doigts, on ressent les textures, on joue avec l’inconfort.

Pour le chef de 42 ans, à l'heure de l'hyper esthétisation de la cuisine sur Instagram, il s'agit de se recentrer sur le corps et sur l'instinct. « On ne sert plus le vin dans une bouteille, on mange avec les doigts, on ressent les textures, on joue avec l’inconfort, précise-t-il. Ce que je propose, ce n’est pas juste un dîner. C’est une expérience qui bouscule, qui questionne. » Une expérience qui a un coût tout de même, puisqu'il faut compter 455 € le Dream Ticket, qui comprend les trajets aller et retour, l'expérience culinaire avec l'accord mets/vins et les élixirs.

Conscient que le pari est risqué, Jérémy Galvan indique se sentir plus proche des chefs espagnols que des chefs français. « Je sais qu’en termes de gastronomie, j’irai toujours le plus loin possible, pour réussir à faire passer les émotions des clients par les tripes plutôt que le mental », assène-t-il.

Une mise en scène raffinée

À l’autre versant de cette radicalité, le chef belge Paul-Antoine Bertin conçoit l’expérience gastronomique comme un instant suspendu, une mise en scène raffinée plutôt qu’un choc des sens. Son restaurant éphémère, Tatami, s’inspire de l’esthétique et de la philosophie japonaises pour inventer une pièce aux tatamis. Les convives s’installent au sol, dans une ambiance feutrée où chaque détail compte. Ici, le repas devient un rituel. « L’idée n’est pas de répliquer un dîner traditionnel japonais, mais de créer un espace qui invite à ralentir, à savourer autrement, explique le chef. Les gens veulent plus qu’un repas : ils veulent une histoire, une ambiance, une signature unique. »

Les izakaya de Tokyo ont inspiré l'atmosphère de Kodawari Ramen.
Les izakaya de Tokyo ont inspiré l'atmosphère de Kodawari Ramen.

On retrouve cette idée dans l’univers d’inspiration japonaise de Kodawari Ramen, qui propose à Paris deux restaurants immersifs. L’un reproduit l’ambiance typique des yokochō, ces ruelles étroites abritant des izakaya, des bars et des petits restaurants japonais. L’autre nous propulse au cœur de l’historique marché aux poissons de Tokyo. L'objectif est de faire découvrir aux Occidentaux la dimension gastronomique et la diversité du ramen, plat traditionnel du Japon servi dans un bol que l’on peut ainsi apprécier « dans son jus ».

Plonger dans l'inattendu

Dans un tout autre paradigme, le restaurant Chez Monix reconstitue à Asnières-sur-Seine une authentique station de ski des années 1960 où l’on peut dîner dans un chalet en bois ou dans des télécabines. Une parfaite mise en condition pour apprécier les raclettes, fondues et autres spécialités montagnardes qui composent la carte. Et en version été, on a le Splash, un bistrot au bord de la piscine qui sert une cuisine méditerranéenne avec vue sur la Seine à 10 minutes de la Porte Maillot.

Le parc des Buttes-Chaumont, dans le XIXe arrondissement de Paris et son cadre le cadre bucolique duquel s'inspire Ora Farmhouse.
Le parc des Buttes-Chaumont, dans le XIXe arrondissement de Paris et son cadre le cadre bucolique duquel s'inspire Ora Farmhouse.

Et pour les nostalgiques des ambiances champêtres, Ora Farmhouse accueille les convives dans son restaurant au cœur du parc des Buttes-Chaumont, à Paris. Pensé comme une maison de campagne, le lieu offre une immersion en pleine nature grâce à son décor chaleureux fait de tissus, de papiers peints, de bois et de fleurs immenses et aux terrasses avec vue sur le parc. A table, on mange évidemment des fruits et légumes locaux et de saison et en soirée, le Grenier promet des soirées inattendues.

Et si finalement ces nouvelles tendances étaient simplement une invitation à se laisser porter par l'imaginaire, associant sensations culinaires et voyage onirique ?

Références

Manger avec les doigts en forêt ou sur des tatamis : et si c’était ça le futur de la gastronomie ?, Camille Vernin, 8 mars 2025

Quand la restauration se lance dans l’expérience immersive, décembre 2022