Le mystérieux et inhabituel fleuve qui coule dans deux directions. Comment est-ce possible ?
Il existe un fleuve dans le monde qui prend naissance et s’écoule dans deux directions opposées dès sa source, en raison de caractéristiques et de conditions particulières.

Située dans le paysage plat et marécageux du centre du Manitoba, au Canada, la source du fleuve Echimamish est tout à fait inhabituelle. Contrairement à une source classique, comme un ruisseau isolé ou une fontaine de montagne, on pense que sa naissance est un étang formé par des barrages de castors au beau milieu du cours d’eau. De là, l’Echimamish – un nom d’origine crie qui signifierait « eau qui coule dans les deux sens » – s’écoule d’est en ouest, depuis son centre vers l’extérieur.
Un fleuve déroutant
L’image présentée ici a été capturée le 23 mai 2025 par l’instrument OLI-2 (Operational Land Imager-2) du satellite Landsat 9. Selon des témoignages directs, le cours du fleuve se divise dans une zone inondée par les castors, à l’ouest de Painted Stone Portage. Sur ses 67 kilomètres de longueur, l’Echimamish relie le fleuve Nelson à l’ouest et le fleuve Hayes à l’est, tous deux se jetant dans la baie d’Hudson, à environ 500 kilomètres au nord-est de la zone observée.
Les scientifiques déconcertés
Cette hydrologie peu conventionnelle s’est révélée très pratique pour les marchands de fourrures qui utilisaient ces eaux pour acheminer leurs marchandises jusqu’aux comptoirs de la baie. Le fleuve Hayes, plus calme et navigable, offrait en effet une alternative bienvenue au turbulent fleuve Nelson. Néanmoins, pour les scientifiques qui tentent de comprendre la dynamique de l’Echimamish, ce fleuve reste « déroutant ».
Un terrain très plat
D’après une étude menée par Rob Sowby, ingénieur civil à l’université Brigham Young, le flux divergent est subtil, du fait du terrain très plat. Les canoéistes qui empruntent la voie navigable ne remarquent pas toujours le changement de courant. De plus, le point de séparation du flux peut varier de plusieurs kilomètres selon l’emplacement des zones inondées par les barrages de castors – une localisation difficile à déterminer sans observations directes sur le terrain.
« Les conditions ont donné lieu à des récits historiques contradictoires, voire à des réflexions mythiques, dont certaines restent à élucider », écrivent les chercheurs.
Un fleuve encore en formation
Selon Sowby, l’explication la plus probable de cette ambiguïté est que l’Echimamish est un fleuve en formation, encore dans une phase de transition. Il pourrait, à terme, absorber le cours supérieur du fleuve Hayes ou bien se scinder définitivement entre les bassins du Hayes et du Nelson.
Si ce fleuve laisse aujourd’hui les scientifiques perplexes, il n’en reste pas moins qu’il a joué un rôle culturel et économique crucial pour l’humanité depuis des millénaires. Les vestiges archéologiques découverts le long de ses berges témoignent de son importance pour les peuples autochtones, et le Portage de la Pierre Peinte reste un site sacré.
Plus récemment, l’Echimamish a permis aux marchands de fourrures d’accéder au fleuve Hayes, navigable, et à son embouchure où fut établi un important comptoir : York Factory. Fondé à la fin du XVIIe siècle, ce poste fut exploité pendant près de 300 ans par la Compagnie de la Baie d’Hudson. En reconnaissance de cette histoire, les fleuves Hayes, Echimamish et une portion du Nelson sont aujourd’hui classés dans le Système des rivières du patrimoine canadien.
Référence de l'article :
Image : NASA Earth Observatory / Wanmei Liang, à partir des données Landsat du Service géologique des États-Unis. Texte : Lindsey Doermann