Un acide invisible tombe avec la pluie : pourquoi inquiète-t-il de plus en plus de scientifiques européens ?

Un acide ultra-résistant, invisible et diffus, contamine l’eau, les sols et même les vignes européennes. Les chercheurs s’inquiètent de ses effets et de l’inaction politique.

L’acide trifluoroacétique ou TFA inquiète de plus en plus les scientifiques et les autorités sanitaires en Europe
L’acide trifluoroacétique ou TFA inquiète de plus en plus les scientifiques et les autorités sanitaires en Europe

Il ne pique ni les yeux ni le nez, mais il est là, dans chaque goutte de pluie, dans les raisins des vignes françaises, et même dans nos verres de vin. L’acide trifluoroacétique ou TFA inquiète de plus en plus les scientifiques et les autorités sanitaires en Europe. Ce composé chimique persistant, quasiment indestructible dans l’environnement, est en train de se frayer un chemin silencieux dans l’environnement.

Issu de la dégradation lente de gaz fluorés, utilisés dans les climatiseurs ou les mousses isolantes, ou de certains pesticides, le TFA ne se forme pas toujours directement dans les usines. Il apparaît parfois bien plus tard, après des transformations chimiques complexes. Ce qui fait qu'il est devenu un polluant diffus, difficile à tracer, et largement échappant aux régulations actuelles.

500 tonnes par an, rien qu'en Allemagne

La première alerte sérieuse est survenue en 2016, quand des taux anormalement élevés de TFA ont été détectés dans une rivière allemande. Depuis, les chercheurs ont révélé une réalité plus inquiétante : selon le Financial Times, plus de 500 tonnes de TFA seraient rejetées chaque année en Allemagne uniquement par l’agriculture, via l’usage de pesticides.

Les industriels avancent parfois l’hypothèse d’une origine naturelle, océanique notamment, mais aucune preuve biologique ou géologique solide ne vient la confirmer à ce jour. Le consensus scientifique se renforce : le TFA est d’origine essentiellement anthropique, et sa dissémination s’accélère.

Un polluant qui voyage avec l'eau

Ce qui rend le TFA particulièrement redoutable, c’est sa solubilité totale dans l’eau. Contrairement à d’autres polluants qui s’accrochent aux graisses ou aux sols, celui-ci se balade librement dans tout le cycle hydrologique : pluie, rivières, nappes, glaciers… rien ne l’arrête.

Des analyses de carottes de glace au Canada montrent même que des traces de TFA étaient déjà présentes dans la neige arctique dès 1969, bien avant l’usage massif des fluides frigorigènes actuels.

En Europe, une enquête de PAN Europe révèle que 98 % des PFAS présents dans l’eau sont en réalité du TFA. Ce n’est pas tout : cette molécule se retrouve aussi dans des raisins, et même dans certains crus européens, avec des concentrations jusqu’à 100 fois supérieures à celles observées dans l’eau potable.

Une menace pour l'agriculture et la santé

Les plantes absorbent le TFA par leurs racines, mais ne peuvent l’éliminer. Ce phénomène d’accumulation progressive dans les cultures laisse planer des doutes sur ses effets à long terme. Bien que les recherches soient encore limitées, des expériences sur les rongeurs ont montré des malformations fœtales à fortes doses, poussant l’agence environnementale allemande à réclamer son classement parmi les substances toxiques pour la reproduction.

L'UE hésite encore : faut-il protéger l’environnement et la santé publique en réglementant strictement le TFA ? Ou préserver les secteurs industriels stratégiques qui en dépendent de la pharmacie, de l’électronique, et de la chimie fine ?

Des groupes comme Solvay ont déjà dû fermer des sites en Allemagne à cause de rejets jugés excessifs. Mais pendant que l’Europe tergiverse, la production se déplace vers la Chine ou l’Inde, déplaçant le problème sans le résoudre.

Source de l'article

Polge, A. (2025, août 1). Des chercheurs ont découvert un nouveau type d'acide d'origine industrielle dans la pluie. Faut-il s'inquiéter ? Science & Vie.