Le phénomène qui défie la logique : comment l'endroit le plus sec du monde s'est-il retrouvé couvert de neige ?
Une chute de neige exceptionnelle dans le désert d'Atacama a contraint le télescope le plus puissant du monde à suspendre ses activités et a révélé les mécanismes atmosphériques complexes qui peuvent transformer temporairement le paysage de la région la plus aride du monde.

Le 25 juin 2025, un événement météorologique exceptionnel a transformé le paysage du désert d'Atacama, considéré comme l'endroit le plus sec de la planète. Une chute de neige inhabituelle a recouvert de blanc les zones les plus élevées de l'altiplano, créant un contraste visuel spectaculaire dans une région où les précipitations sont pratiquement inexistantes pendant la majeure partie de l'année.
Ce phénomène météorologique, capturé par les satellites Terra et Landsat 9 de la NASA, n'était pas seulement remarquable pour sa rareté, mais aussi pour ses implications pratiques. Les chutes de neige ont été suffisamment importantes pour obliger à suspendre temporairement les activités de l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), l'un des radiotélescopes les plus avancés au monde, situé sur le plateau de Chajnantor à plus de 5 000 mètres d'altitude.
Selon les météorologues, il s'agit de la première chute de neige significative enregistrée dans la région depuis plus de dix ans, comparable seulement à l'événement de 2011 qui avait également surpris la communauté scientifique internationale. L'exceptionnalité du phénomène réside dans le fait que le désert d'Atacama reçoit moins d'un millimètre de précipitations annuelles dans certaines de ses zones, ce qui fait de toute précipitation un événement scientifique digne d'être étudié.
Cyclones à noyau froid : architectes du changement atmosphérique
L'explication scientifique de cet événement exceptionnel réside dans la formation de cyclones à noyau froid, également connus sous le nom de « cut-off lows » ou dépressions isolées en altitude. Ces systèmes atmosphériques représentent une brèche temporaire dans les défenses naturelles qui maintiennent le désert d'Atacama dans son état d'aridité extrême. René Garreaud, spécialiste de l'atmosphère à l'université du Chili, explique que ces cyclones isolés sont plus fréquents dans les régions subtropicales, mais qu'ils peuvent parfois remonter vers le nord du Chili, où ils deviennent les principaux responsables des précipitations hivernales dans l'Atacama.
¡INCREÍBLE! ¡El desierto de Atacama, el más árido del mundo, está NEVADO! pic.twitter.com/a0bN22J56R
— Observatorio ALMA (@ALMAObs_esp) June 26, 2025
Ces systèmes météorologiques agissent comme de véritables « perturbateurs » de l'équilibre climatique régional, en introduisant des masses d'air froid et humide qui contrastent fortement avec les conditions désertiques habituelles. Le mécanisme de formation de ces cyclones implique la séparation d'une portion d'air froid des principaux courants de vent d'ouest, créant un système fermé qui peut persister pendant plusieurs jours.
Lorsque ce système se déplace vers des latitudes plus basses, il apporte avec lui les conditions nécessaires à la formation de nuages et de précipitations, brisant temporairement la barrière normalement imposée par les Andes à l'est et le courant froid Pérou-Chili à l'ouest. L'intensité et la durée de ces phénomènes dépendent de multiples facteurs, dont la température du système, sa vitesse de déplacement et les conditions topographiques locales.
La lutte entre la neige et le rayonnement solaire : un équilibre éphémère
Une fois déposée, la neige du désert d'Atacama est soumise à des conditions extrêmes qui limitent considérablement sa pérennité. La région connaît l'une des irradiations solaires les plus élevées de la planète, ce qui accélère considérablement le processus de sublimation, au cours duquel la neige se transforme directement en vapeur d'eau sans passer par l'état liquide.

Les observations satellitaires et terrestres montrent que ce rayonnement solaire intense, combiné à l'extrême sécheresse de l'air, crée un environnement hostile à la persistance de la neige. L'air sec agit comme une éponge atmosphérique, absorbant rapidement les molécules d'eau qui s'évaporent ou se subliment de la surface enneigée. Ce processus est renforcé par l'altitude élevée de la région, où l'atmosphère est moins dense et le rayonnement ultraviolet particulièrement intense.
Les images capturées par le satellite MODIS montrent clairement cette transition temporelle. Alors que le 26 juin, la couverture neigeuse était étendue et bien définie, le 16 juillet, elle avait en grande partie disparu, ne persistant que dans les zones abritées et ombragées. Les caméras en direct de l'observatoire ALMA et les rapports des chercheurs invités ont confirmé que la neige restante était principalement concentrée dans des dépressions naturelles et des zones partiellement ombragées pendant la journée, ce qui démontre l'importance de la protection solaire pour la survie des précipitations solides dans cet environnement extrême.