L’Europe continue d’exporter des pesticides interdits sur son sol, où en est la France ?

L’Union européenne a exporté près de 122 000 tonnes de pesticides interdits en 2024, alors que la Commission européenne s'était engagée à faire cesser cette pratique. Malgré les alertes de plusieurs ONG, la France a, elle aussi, continué d'exporter des pesticides.

Face à l'interdiction de l'usage de certains pesticides dans l'UE, les industriels n'hésitent pas à se tourner vers des pays à la législation moins restrictive.
Face à l'interdiction de l'usage de certains pesticides dans l'UE, les industriels n'hésitent pas à se tourner vers des pays à la législation moins restrictive.

« Il semble que pour les pays qui produisent et exportent des pesticides interdits, la vie et la santé des populations des pays destinataires ne soient pas aussi importantes que celles de leurs propres citoyens », a dénoncé Marcos Orellana, rapporteur spécial des Nations Unies sur les produits toxiques et les droits humains.

L'Union européenne a en effet exporté près de 122 000 tonnes de pesticides interdits en 2024, soit une hausse de 50 % par rapport à 2018, vers des pays à revenus faibles ou intermédiaires, où les risques pour la santé et l’environnement sont plus élevés. C'est un nouveau rapport publié par les ONG Unearthed et Public Eye qui a révélé ce scandale.

La France engagée à stopper les exportations dès 2022

« La France, qui avait en théorie interdit ces exportations à compter de 2022, a continué d’exporter plus de 6 600 tonnes de pesticides interdits, principalement vers les pays du Sud », avec des conséquences terribles : pollutions, maladies, morts. Les ONG dénoncent « un commerce cynique et amoral, qui repose sur une logique de colonialisme chimique ».

Carte des exportations de pesticides interdits depuis l'UE en 2024. Crédit Public Eye.
Carte des exportations de pesticides interdits depuis l'UE en 2024. Crédit Public Eye.

Selon le rapport, 75 pesticides interdits dans l’UE ont été annoncés à l’exportation en 2024 contre 41 en 2018. On y trouve notamment le dichloropropène, un pesticide utilisé en maraîchage. Classé cancérogène probable aux États-Unis, il est interdit dans l’UE depuis 2007 en raison de risques de contamination des eaux souterraines et pour la biodiversité.

« Deux poids, deux mesures »

Plus de 600 ONG et syndicats, dont Public Eye, ont demandé à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, de tenir sa promesse et de mettre fin aux exportations de pesticides interdits depuis le sol européen. Les ONG critiquent la politique du « deux poids, deux mesures » de la Commission, notamment néfaste pour la crédibilité de l’UE.

Les plus gros exportateurs de pesticides interdits dans l’UE sont l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas, la Bulgarie et la France. En 2024, la France était par ailleurs attaquée en justice par les associations CCFD-Terre Solidaire et l’Institut Veblen pour faire cesser ces exportations.

La coalition des ONG pointe également du doigt une concurrence déloyale pour les agriculteurs et un risque pour les consommateurs en Europe, qui se retrouvent exposés à des résidus des pesticides bannis dans les denrées alimentaires importées. « C’est l’effet boomerang : retour à l’envoyeur. »

Références de l'article :

Public Eye, Les exportations de l’UE en forte hausse malgré les promesses de la Commission

Reporterre, La France continue d’exporter des pesticides interdits sur son sol.

20 Minutes, Pesticides : L’UE continue d’exporter des milliers de tonnes de produits interdits sur son propre sol