Investir dans l'énergie sans intelligence climatique, jusqu'où iront les risques ?

2 400 milliards de dollars investis dans la transition énergétique en 2024. Jamais un tel capital n’a afflué, jamais un tel risque n’a été aussi réel : comment le climat peut-il décider de la rentabilité ?

A mesure que les systèmes énergétiques reposent sur le soleil, le vent et l’eau, ils deviennent structurellement dépendants du climat.
A mesure que les systèmes énergétiques reposent sur le soleil, le vent et l’eau, ils deviennent structurellement dépendants du climat.

En 2024, le monde a investi 2 400 milliards de dollars dans la transition énergétique. Les véhicules électriques ont attiré 763 milliards de dollars, en hausse de 33 % sur un an. Le solaire photovoltaïque a mobilisé 554 milliards de dollars, avec une progression spectaculaire de 49 %. Les réseaux électriques ont concentré 359 milliards de dollars, en augmentation de 14 %, tandis que le stockage par batteries s’impose comme le segment le plus dynamique, avec une croissance de 73 %. La transition est devenue une réalité économique centrale.

Cette accélération repose sur une base industrielle déjà massive. En 2023, la puissance installée mondiale de l’éolien a dépassé 1 000 gigawatts, soit une hausse de 13 % par rapport à 2022. Le solaire a connu une croissance encore plus rapide, atteignant 1 420 gigawatts, en augmentation de 32 % sur un an. L’hydroélectricité, plus mature, a progressé plus lentement pour atteindre environ 1 410 gigawatts, avec une hausse de 1 %. L’énergie du XXIᵉ siècle se joue désormais au rythme du vent, du soleil et des précipitations.

Quand le climat devient un arbitre économique

Cette dépendance modifie en profondeur les règles de l’investissement. En 2024, les investissements dans l’éolien ont reculé malgré des technologies fiables et compétitives. La raison n’est pas technique, mais climatique et financière : procédures d’autorisation complexes, variabilité du vent, hausse des coûts de financement.

Le climat influence dorénavant la productivité des actifs, leur durée de vie, leur bancabilité et le coût du capital.

Le facteur de capacité désigne la part réelle d’électricité produite par une installation par rapport à ce qu’elle pourrait générer si elle fonctionnait en continu à pleine puissance. Dans le cas des énergies renouvelables, il dépend directement des conditions météorologiques, ce qui en fait un indicateur particulièrement sensible au climat. Lorsqu’il est mal anticipé à grande échelle, il fragilise les modèles économiques, provoque des pertes de revenus, alourdit les coûts d’assurance, multiplie les interruptions de production et accroît la volatilité pour les investisseurs.

Le climat, un risque maîtrisable et une opportunité mesurable

Le rapport 2023 Year in Review, publié par l’Organisation météorologique mondiale (OMM), l’IRENA et Copernicus, montre que la variabilité climatique peut améliorer la performance énergétique lorsqu’elle est anticipée. En 2023, année marquée par le passage de La Niña à El Niño et l’une des plus chaudes jamais enregistrées avant que le record ne soit battu en 2024, l’Amérique du Sud a vu le facteur de capacité du solaire augmenter de 3,9 %.

Cette hausse a permis de produire 3,5 térawattheures supplémentaires par an à partir d’une puissance installée de 50 gigawatts. En Asie orientale, l’éolien terrestre a enregistré une anomalie positive de 4,1 %, générant environ 45 térawattheures à partir de 420 gigawatts, dont 95 % situés en Chine. Ces résultats illustrent le rôle clé des prévisions saisonnières, capables d’anticiper l’offre, la demande et les tensions sur les réseaux.

Sans intelligence climatique, la transition reste fragile

Pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C, il sera nécessaire de tripler les capacités en énergies renouvelables et de doubler l’efficacité énergétique d’ici à 2030, conformément aux engagements du Consensus des Émirats arabes unis adopté lors de la COP28. Les trajectoires sont claires : la puissance éolienne devra atteindre 3 000 gigawatts en 2030 puis 8 000 gigawatts en 2050. Le solaire devra passer à 5 400 gigawatts en 2030 et atteindre 18 000 gigawatts en 2050. L’hydroélectricité progressera vers 1 500 gigawatts en 2030 puis 2 500 gigawatts en 2050.

Atteindre ces objectifs suppose des portefeuilles énergétiques diversifiés, combinant solaire, éolien, hydroélectricité, géothermie et stockage, ainsi que de nouvelles structures de marché capables d’intégrer la flexibilité des systèmes.

Grâce à son réseau mondial de services météorologiques et hydrologiques, l’OMM fournit des données fiables qui réduisent les risques et renforcent la confiance, notamment dans les pays émergents. Aujourd’hui, l’Afrique ne représente encore que 2 % de la capacité renouvelable mondiale, malgré son immense potentiel. Investir sans intelligence climatique, c’est accepter l’instabilité. Investir avec elle, c’est faire de la transition énergétique un projet solide, rentable et profondément humain.

Références de l'article

Organisation météorologique mondiale. (2025, 4 mars). Un rapport détaille la façon dont les connaissances sur le climat favorisent une transition plus assurée vers les énergies renouvelables.

International Renewable Energy Agency. (2025, 27 novembre). Progress, shortfalls, and emerging opportunities in energy transition investment.