Comment passer de l'inaction climatique à une révolution énergétique mondiale ?

Malgré des promesses ambitieuses à la COP28, la majorité des pays traînent les pieds. Pourtant, les énergies renouvelables sont plus abordables que jamais. Pourquoi hésite-t-on encore ?

"91 % des nouveaux projets renouvelables mis en service en 2024 sont moins chers que n’importe quelle alternative fossile."IRENA
"91 % des nouveaux projets renouvelables mis en service en 2024 sont moins chers que n’importe quelle alternative fossile."IRENA

Il y a deux ans, à la COP28 de Dubaï, 130 pays s’engageaient à tripler la capacité mondiale en énergies renouvelables d’ici 2030, en d'autres termes, ils visaient 11 000 GW. C’était l’annonce phare, considérée par les experts comme le levier majeur pour rester sous les +1,5 °C de réchauffement.

Une croissance significative...mais insuffisante

Cependant, selon le récent rapport du think tank Ember, la réalité est tout autre : seulement 22 pays, principalement européens, ont relevé leurs objectifs depuis. Les grands absents pèsent lourd : les États-Unis, la Chine et la Russie, responsables à eux seuls de près de la moitié des émissions mondiales, n’ont pas encore fixé de nouveaux objectifs à 2030.

L’Inde, elle, maintient ses ambitions à 500 GW, en ligne avec la trajectoire mondiale. Quelques bonnes nouvelles néanmoins : le Vietnam prévoit une hausse de 86 GW, l’Australie 18 GW, le Brésil 15 GW, et le Royaume-Uni ajoute 7 GW à son plan de transition.

Si les ambitions actuelles se réalisent, le monde n’atteindra que 7 400 GW de capacités renouvelables d’ici 2030, soit une augmentation significative… mais loin du triplement promis. Cette stagnation des engagements maintient notre dépendance aux énergies fossiles et éloigne la planète des objectifs climatiques.

Des ENR moins chères...mais sous-utilisées ?

Et pourtant, les énergies renouvelables n’ont jamais été aussi compétitives. Selon le rapport de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), 91 % des nouveaux projets renouvelables sont moins coûteux que toute alternative fossile.

Évolution du coût actualisé moyen de l’électricité (LCOE) des principales technologies renouvelables entre 2010 et 2024. IRENA
Évolution du coût actualisé moyen de l’électricité (LCOE) des principales technologies renouvelables entre 2010 et 2024. IRENA

En moyenne, l’éolien terrestre s’établit à 0,034 USD/kWh, et le solaire photovoltaïque à 0,043 USD/kWh, respectivement 53 % et 41 % moins chers que les énergies fossiles les plus abordables. En un an, 582 GW de capacité renouvelable ont été ajoutés, permettant 57 milliards de dollars d’économies en combustibles fossiles évités.

La transition n’est donc pas qu’un impératif climatique : c’est une opportunité économique massive, selon l’IRENA, qui estime à 467 milliards USD les coûts fossiles évités par les projets renouvelables déjà en fonctionnement.

Alors, pourquoi cet écart entre promesses et actions ?

L’IRENA pointe plusieurs obstacles. D’abord, des goulots d’étranglement réglementaires : lenteur des autorisations, saturation des réseaux, et manque de flexibilité. Ensuite, des coûts de financement trop élevés, en particulier dans les pays du Sud. Par exemple, pour l’éolien terrestre, le coût du capital atteint 12 % en Afrique, contre 3,8 % en Europe, un gouffre qui compromet la rentabilité des projets.

Autre frein majeur : l’intégration au réseau. Les infrastructures n’évoluent pas au rythme des renouvelables. Par conséquent, des projets prêts à être construits sont souvent retardés voire abandonnés, faute de capacité de raccordement ou de stockage.

Par ailleurs, la géopolitique complique la donne : droits de douane, dépendance aux chaînes d’approvisionnement chinoises, instabilité économique. Ces tensions peuvent faire grimper temporairement les coûts et dissuader les investissements, surtout dans les pays émergents.

Les solutions existent : coopérer, financer, accélérer

Mais il est encore temps d’agir. La révolution énergétique est une opportunité accessible et rentable. Le développement considérable de systèmes de stockage (batteries) dont les coûts ont chuté de 93 % depuis 2010, permet d’intégrer efficacement le solaire et l’éolien. Les systèmes hybrides et l’intelligence artificielle améliorent aussi la performance des réseaux.

L’énergie propre est une solution économique judicieuse[...] Mais les dirigeants doivent lever les obstacles, instaurer la confiance et libérer les financements.António Guterres, Secrétaire général de l’ONU.

Pour aller plus loin, il faut lever les freins réglementaires, notamment dans les pays du G20, créer des cadres d’investissement stables, financer massivement les infrastructures dans les pays du Sud, et renforcer la coopération internationale sur les chaînes d’approvisionnement.

La transition énergétique n’est pas qu'une question technique. C’est une question de volonté. Si les gouvernements hésitent, la société civile, les citoyens, les collectivités, les entreprises peuvent, elles aussi, impulser cette révolution.

Sources de l'article

Ambrose, J. (2025, 31 juillet). Countries failing to act on UN climate pledge to triple renewables, thinktank finds. The Guardian

International Renewable Energy Agency. (2025). Renewable power generation costs in 2024. IRENA.